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L'arnaque du Cirque Nevada: des escrocs utilisent des bébés animaux sur les marchés pour vendre des bonbons (vidéos)

Une bande organisée d'escrocs écume les marchés et autres braderies de Belgique et de France avec des bébés animaux. Ils servent à amadouer les clients pour mieux leur vendre des bonbons à des prix gonflés sous un prétexte fallacieux. Certains témoignages parlent même de ventes forcées. La police enjoint toute personne qui les repère à appeler le 101. En effet, les dénonciations sont nombreuses sur les réseaux sociaux mais les autorités ne sont pas assez souvent mises au courant. Et sans signalement ni plainte, la justice ne peut rien faire.

Le 28 novembre dernier, Mme Ferreira nous prévenait via notre bouton orange Alertez-nous que "des gens devant la gare de Louvain-la-Neuve qui disent vendre des bonbons pour soigner leurs animaux d’un cirque qui a fait faillite. Mais, poursuivait-elle, il n’y a aucune trace de ce cirque sur internet, à part concernant des arnaques. Et les animaux avec eux ont l’air parfois drogués."

Repérés près de 10 fois en Belgique rien qu’en 2019

Cette histoire, c’était en réalité la 6ème fois qu’on nous la racontait cette année. Le 24 août, Amel les avait repérés sur la brocante de Temploux : "Ils vendaient des bonbons naturels des Vosges afin de faire vider leur cirque et animaux ! Cirque Nevada. Sur cette charrette, 2 chatons au milieu de cette foule et sous ce soleil de plomb!" Idem le jour avant, sur la brocante d’Estaimpuis : "Ils sont souvent sur les marchés et braderies de la région. Ces 2 chatons étaient attachés à la laisse sur 60 cm² et au moins 1 m de hauteur. Ils risquaient de s’étrangler en tombant."

Rebelote le 31 mai où trois personnes nous dénonçaient la même histoire, mais cette fois sur la braderie de Liège avec un chevreau : "Ils exposent une chèvre tremblante sans eau ni nourriture. Elle est attachée et en hauteurs sur une toute petite plateforme. L’année dernière, ils étaient déjà présents avec deux cochons pas encore sevrés", dénonçait Malik. Laurie confirmait : "Comme l'année dernière, un pseudo cirque est là avec une petite roulotte pour vendre des bonbons." Pour Manon, "c'est de la maltraitante animale".

Sur Facebook, l’histoire se répète. L’ASBL Benoit et Michel les ont dénoncés le 3 juin. Ils étaient le weekend précédent à la braderie de Jemeppe-sur-Meuse avec le chevreau. Et de nouveau le 4 août, sur la brocante de Noirchain (Frameries) avec les 2 chatons. "Ce pseudo cirque Nevada vend soi-disant des bonbons des Vosges pour aider les animaux errants", écrivait alors Alain sur Facebook. Plus tôt dans l’année, le 15 janvier, Déborah les avait croisés de nouveau à Louvain-la-Neuve, sur un marché. "Ils laissent un porcelet grelotter de froid", dénonçait-elle.

Toujours en Belgique, nos confrères de Sud Presse ont relayé par deux fois leur présence. Le 13 octobre 2018 sur la Foire de Chimay avec le porcelet. Et plus récemment à Molenbeek-Saint-Jean, le 28 septembre sur la Kermesse de la Queue de Vache, avec les 2 chatons. En 2017, Ginette les avaient repérés à la brocante de Ronquières et dénoncés sur Facebook: "Honteux de prendre des animaux pour vendre des bonbons à 40€ la boite".

Selon L’Avenir, déjà en 2013, ils s’étaient fait passer pour un cirque participant à la "Grande fête du cirque de Tournai". Ils étaient également au marché de Stockel (Woluwe-Saint-Pierre) en 2013 ou 2014. Et le plus ancien témoignage retrouvé pour la Belgique les localise en 2005 à Bruxelles.

Dans le milieu policier belge, ils sont également connus. A Liège, "une collègue les a déjà aperçus sur la Petite Batte de Bomal-sur-Ourthe, mais sans savoir qu’il s’agissait d’une escroquerie", explique le porte-parole de la zone. La porte-parole de la police boraine, de son côté, nous confie également que "en tant que citoyenne, je les ai croisés plusieurs fois sur ma région. Il s’agit d’un modus operandi connu".


© Facebook Cloe Machuelle : Louvain-la-Neuve, novembre 2019


© Facebook Laura Colmant: Temploux, août 2019


© Alertez-nous Mumupar: Estaimpuis, août 2019


© Facebook Alain Gomez: Noirchain, août 2019


© Alertez-nous Manon: Liège, mai 2019


© Facebook ASBL "Benoit et Michel": Jemeppe-sur-Meuse, mai 2019


© Facebook Ginette Luc Leclerq : Ronquières, mai 2017

Mons, novembre 2016 :

Signalés en France depuis… au moins 60 ans !

S’ils écument les marchés belges récemment, les témoignages les signalent un peu partout en France depuis qu’internet existe. Chronologiquement, on les a vus le 12 octobre sur la Braderie de Lille avec les chatons et le 6 octobre sur la braderie de Douai, le 7 janvier 2018 sur le marché de Rueil-Malmaison (près de Paris) avec un porcelet, à Lyon en 2017, à Nantes en août 2017, à Chatou et à Lyon en 2016 (avec 3 stands, des chinchillas et de la violence verbale, comme en témoignent les vidéos Facebook ci-dessous), à Cerbère et à Saint-Jean-Pied-de-Port, près de la frontière espagnole, en 2015. Mais aussi en 2004 à Meudon. Ou encore en Bretagne, à Nanterre, dans l’Aveyron, en Savoie, à Agde, en Provence, …

En 2012, une jeune femme racontait les avoir déjà vus « quand j'étais petite et que j'allais au marché avec ma grand-mère… il y a au moins 15 ans ». Soit vers 1997. En 2018, un témoin se souvenait : « Il y a plus de 25 ans, ils étaient déjà à Rueil au marché à l’entrée à côté d’une camionnette pizza et ils avaient des petites chiots ou petites chèvres ». On remonte donc en 1993. En 2009, une dame écrivait : « Je me suis faite avoir il y a plus de 20 ans sur le marché de Nancy », soit vers 1989. Mais le souvenir le plus lointain provient d’une certaine Michelle, qui écrivait l’an dernier : « à Paris, il y a 60 ans, ils vendaient déjà des bonbons des Vosges avec des singes comme animaux. On en avait acheté devant le Printemps ». L’arnaque remonterait donc au moins à 1958 !


© Facebook Caroline Freddy: Douai, octobre 2019


© Facebook Caroline Freddy: Douai, octobre 2019


© Facebook Caroline Freddy: Douai, octobre 2019


© Facebook Caroline Freddy: Douai, octobre 2019


© Facebook Jon Bel: Lyon, octobre 2017


© Facebook Jon Bel: Lyon, octobre 2017

Lyon, décembre 2016 :


© rescue-forum.com Physalie: Paris, novembre 2012

Que peut-on leur reprocher ?

Sur les 7 faits répertoriés cette année en Belgique, la police n’a été alertée qu’une seule fois. C’était à Liège. Une patrouille s’est alors déplacée. "Ils ne disposaient pas d’une autorisation de vendre sur la braderie, donc ils ont été enjoints de partir", nous explique la police locale, qui a pris leurs identités. Sur le brocante de Noirchain, Alain, qui fait partie de l’ASBL Save Animals, expliquait sur Facebook avoir été "trouver l’organisatrice" qui les a "expulsés". C’est le premier reproche : les escrocs ne disposent jamais d’autorisation pour le placement de leur stand.

Il y a ensuite la question du bien-être animal. On l’a vu dans les témoignages, ils exposent sur un espace réduit des bébés animaux qu’il gèle ou qu’il fasse 40°C. Ceux-ci semblent parfois drogués et n’ont pas d’accès visible à de l’eau ou à de la nourriture. C’est ce qui est le plus souvent dénoncé dans les Alertez-nous et sur internet. Mais à Liège cette année, rien n’a pu leur être reproché à ce niveau. "Nos services ont été prévenus par une dame qui voulait prévenir le service d’intervention pour les animaux maltraités. Nos services sont donc venus sur la braderie avec la SRPA (Société Royale Protectrice des Animaux) pour constater, mais ils ont établi que l’animal était en bonne santé et bien entretenu", explique la police de Liège. La question de savoir d’où proviennent ces bébés animaux et ce qu’ils deviennent une fois adultes reste quant à elle sans réponse.

Enfin, il y a le fond du problème : l’escroquerie. Ils se servent des animaux pour attirer et amadouer le chaland. Ensuite, ils utilisent un prétexte fallacieux pour vendre des boites de bonbons : leur Cirque Nevada n’existe purement et simplement pas. L’argent récolté ne va donc pas assurer le bien-être des animaux de ce pseudo cirque en faillite.

Cette escroquerie est parfois doublée d’une vente forcée, comme expliqué par nos confrères de Briez-info en 2017. Les escrocs font d’abord goûter un bonbon puis obligent à acheter la boite entière au prétexte qu’ils en ont déjà mangé un…

Qui sont-ils ?

"Il s’agit en fait d’un même réseau de forains qui fait cela toute l’année, sur tout le territoire" et qui n’a aucun numéro d’entreprise et donc aucune identité pour le fisc, expliquait alors un policier nantais à Breiz-Info. Sur un forum, un témoignage explique un peu plus le système, même s’il doit être pris au conditionnel : "L'argent est ensuite, comme dans toute mafia, centralisé puis des commissions sont prises par des membres plus importants de la famille."

Au fil des années, ils n’ont pas eu que le Cirque Nevada comme façade. Ils ont également déjà apposé une tête de clown sans texte sur leur chariot ainsi que le visuel des bonbons qu'ils vendent. Il s’agit parfois de personnes jeunes, parfois de personnes âgées. Seules constantes : ils sont toujours au minimum à deux et vendent systématiquement des bonbons de marque "Les bonbons résineux du père Dépret".

Les fabricants des bonbons au courant de rien

A l’atelier qui fabrique ces bonbons, à Bouchain entre Cambrai et Valenciennes dans le nord de la France, on n’a jamais entendu parler d’eux. "Depuis 1926, il n’y a jamais eu quoi que ce soit", témoigne une membre de l’équipe. Ces bonbons sont vendus en France dans certaines pharmacies, dans des magasins de produits du terroir ou encore via un réseau de vendeurs sur les foires, à ne pas confondre avec les escrocs de cet article. Ici, pas d’animaux, pas d’histoires de cirque, juste de la vente tout ce qu’il y a de plus légal. "Notre marchandise est peut-être récupérée parallèlement à notre circuit de distribution" ou directement achetée dans celui-ci puis revendue plus cher par le réseau d’escrocs, émet-elle comme hypothèse.

Que faire si vous les voyez ?

Toutes les zones de police appelées sont unanimes : il faut systématiquement appeler la police si vous êtes témoin d’un fait qui vous semble illégal.

"Il faut toujours appeler le 101. Les gens n’osent pas parce qu’ils pensent qu’on ne peut pas appeler un numéro d’urgence pour "des bêtises". Mais c’est le 101 qui analysera s’il est opportun d’envoyer sur place une équipe ou non", explique la police de Louvain-la-Neuve. "On entend souvent : "On ne veut pas vous déranger." Mais on ne nous dérange pas. C’est toujours intéressant d’avoir ce type d’info car ça permet d’orienter les services", confirme la police de Seraing-Neupré.

Même s’il faut l’avouer, courir après le Cirque Nevada n’est que rarement la priorité du moment pour la police. "Si une équipe est disponible, elle va y aller", assure la police de Louvain-la-Neuve. Mais comme "il n’y a pas atteinte physique", les équipes de la zone seront peut-être déjà prises sur des faits jugés plus urgents ou dangereux.

La police du Val de l’Escaut enjoint également les victimes à "aller déposer plainte". Mais malheureusement, dans des cas comme celui-ci, les gens "ne donnent pas assez d’éléments pour identifier des individus précis", regrette la police de Namur. Comme "prendre le numéro de plaque", ajoute la police du Val de l’Escaut. "Il est aujourd’hui plus facile de dénoncer des faits à RTL que de venir porter plainte à la police", déplore encore la zone Seraing-Neupré.

Porter plainte est certainement la meilleure solution pour que ces escroqueries cessent. En effet, tant que "les gens ne portent pas plainte, il s’agit d’un phénomène inconnu pour nous", explique la zone de Namur. La police de Louvain-la-Neuve détaille l'enjeu : ces plaintes, si elles atteignent un certain nombre, peuvent ensuite pousser le parquet à engager des poursuites contre ces escrocs.

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