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La Belgique peut expulser des Européens: la mésaventure de Christine

L’ouverture des frontières et la libre circulation des travailleurs en Europe ont donné une vision tronquée de la réalité européenne dans l’imaginaire populaire. Car si un ressortissant de l'Union européenne ne satisfait pas aux conditions pour obtenir un droit de séjour de plus de 3 mois, il devient illégal. Un simple contrôle de police peut alors mener à le reconduire à la frontière, voire à le faire transiter par un centre fermé. C’est le cas de Christine, une Française de 47 ans qui réside en Belgique depuis 30 ans. Mais une solution se profile à l’horizon…

"La sentence est tombée! Alors que je vis depuis plus de 15 ans avec mon compagnon en Belgique, je viens de recevoir un avis d'expulsion qui me donne jusqu'au 10 février pour me régulariser", nous écrivait Christine lundi, via notre formulaire de contact « Alertez-nous ». Christine a passé les deux tiers de sa vie en Belgique. Arrivée chez nous il y a 30 ans pour travailler, elle obtient alors sans problème sa carte de séjour. Elle se marie à un Belge avec qui elle a deux enfants, aujourd’hui âgés de 25 et 24 ans. Après 10 ans de mariage, elle divorce, arrête de travailler puis oublie de faire renouveler sa dernière carte en date. C'est à cette époque qu'elle rencontre son compagnon actuel, avec qui elle vit depuis 15 ans à Cornimont, dans le sud de la province de Namur.

Christine a voulu régulariser sa situation

Il y a un peu plus de 6 mois, "pour des raisons de santé, j’ai décidé de me domicilier avec mon compagnon" et de régulariser sa situation. Elle obtient alors une nouvelle carte de séjour, de 6 mois, mais laisse une fois de plus passer le délai pour la faire renouveler. Quand elle veut ensuite rentrer son dossier à la commune, c’est la stupéfaction. "La dame au service population me dit: ‘Vous allez avoir votre ordre d’expulsion. Si vous n’êtes pas partie ils viendront vous expulser’", relate Christine. Et la commune a une autre mauvaise nouvelle pour elle: elle ne rentre plus dans les conditions d’octroi d’une carte de séjour, alors que sa situation financière et familiale n’a pas changé.

Des conditions durcies pour s'installer en Belgique

En cause? Elle comme son compagnon tirent leurs revenus du CPAS… et la loi a changé. "Elle ne peut pas venir vivre en Belgique sans prouver sa subsistance", explique Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers. "Si Monsieur est au CPAS, elle ne pourra pas invoquer ça comme moyen de subsistance, même s’il l’a prend à sa charge. Même s’ils venaient à se marier, il faut des revenus stables et suffisants, et le CPAS n’est plus suffisant pour le regroupement familial". En effet, en septembre dernier, les conditions de regroupement familial ont été durcies par le gouvernement Leterme II. Chômage ou CPAS ne suffisent plus, la limite des revenus du ménage ayant été revue à la hausse.

Un Européen expulsé et en centre fermé, "ça peut arriver"

Lundi, la lettre arrive. Christine reçoit un refus de séjour, sans ordre de quitter le territoire. Elle a un mois à dater du 10 février pour fournir les documents adéquats à sa commune. Mais ne remplissant plus les conditions d’octroi, "on va lui notifier un ordre de quitter le territoire le 10 mars", explique Dominique Ernould. La police est donc susceptible de venir sonner à sa porte et la ramener à la frontière française. Expulser un Européen, un voisin? "Ça peut arriver mais c’est rarissime. Je suis pratiquement certaine qu’on n’y enverra pas un policier. Mais si de façon volontaire, elle n’a pas obtempéré, elle se place alors en situation illégale et est identifiée comme illégale. Les forces de police prendront contact avec l’Office des étrangers et elle pourrait même transiter par un centre fermé avant de la redéposer à la frontière française", concède la porte-parole de l’Office des étrangers.

"Qui va m'engager à 47 ans?"

Si la police vient alors chercher Christine, rien ne l’empêche cependant de passer la nuit en France et de revenir le lendemain chez son compagnon. Mais elle restera en situation illégale, soit un statut plus que précaire qu’elle ne peut se résoudre à conserver. La solution la plus simple serait de retrouver du travail. Lors de ses 15 premières années en Belgique, elle avait travaillé dans le secteur de la grande distribution. "Mais qui va m’engager à 47 ans?", se demande Christine. "Il n’y a plus de travail dans la région. On serait en ville, je ne dis pas… je serais prête à faire n’importe quel travail…", dit-elle, constatant que cette solution pourrait prendre de longs mois avant de devenir une réalité, ce que son état de santé ne permettra peut-être pas.

Solution: devenir belge

Dernier recours pour rester vivre en Belgique: le mariage. Ou plutôt l’étape suivante, l’obtention de la nationalité belge. Car dans son cas, puisqu’elle est en situation illégale, il lui suffit de prouver qu’elle et son futur mari ont résidé ensemble en Belgique pendant au moins trois ans, peut-on lire sur le portail des informations et services officiels belges. (Six mois si l'étranger dispose d'un droit de séjour de plus de 3 mois depuis plus de 3 ans, ndlr). Pour Christine, même si cela ne fait qu’un peu plus de 6 mois qu’elle est officiellement domiciliée avec son compagnon, cela fait 15 ans qu’ils vivent ensemble! De la police locale aux voisins en passant par le facteur ou les enfants de Christine, de nombreux témoins pourront donc lui apporter leur soutien dans sa démarche. En apprenant cette dernière possibilité, Christine ne pouvait cacher sa joie: "Si je dois demander à tout le village, je le fais! J’étais en train de pleurer là et je ne pleure plus. C’est excellent ce que vous me dites. Je vais voir à la commune dès demain (mercredi, ndlr)."

Attention si vous voulez partir habiter à l'étranger

Rien n’est donc perdu pour Christine qui va explorer cette piste avec son compagnon. Mais elle aurait pu demander sa nationalité il y a 29 ans et 6 mois lors de son premier mariage… et s’épargner ainsi tracasseries administratives et tranche de vie dans une illégalité précaire. Une histoire qui pourrait avoir une fin heureuse, mais qui sonne comme une prise de conscience pour tous les Européens qui pensent, à tort, avoir exactement les mêmes droits que leurs voisins chez ceux-ci.

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