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La professeure de néerlandais ABSENTE DEPUIS 5 ANS: "On ne peut nommer personne d'autre, le poste n'est pas vacant"

Durant près d'une demi-année, les élèves de l'école communale du Chant d'Oiseau de Woluwe-Saint-Pierre n'ont pas eu cours de néerlandais. L'établissement n'a pas trouvé de professeur. Certains ont refusé le poste, jugé trop peu attractif. À l'inverse, d'autres ont été refusés car ils n'étaient pas reconnus et homologués par l'administration. Dans tous les cas, ce sont les élèves qui trinquent et ça, pour le comité de parents, c'est inacceptable.

Après cinq mois sans professeur de néerlandais, Pascal, président de l'association de parents de l'école du Chant d'Oiseau de Woluwe-Saint-Pierre lance l'alerte grâce au bouton orange Alertez-nous. "Les parents s'inquiètent de cette situation et envisagent de changer leurs enfants d'école", assure-t-il.

Depuis la rentrée, l'école communale est sans professeur de néerlandais. "Pourtant des parents en avaient trouvé un. Il s'était présenté début décembre, il a enseigné durant un mois et puis n'a plus été autorisé à donner cours à cause du manque de titre linguistique requis", explique Pascal. Le professeur en question est reconnu par la Communauté flamande, mais il ne l'est pas en Communauté française.

Une complexité administrative que dénonce l'échevin de l'Enseignement de la commune, Serge de Patoul. "Pour nous c'est un vrai problème, le système est trop rigide, ce qui apporte d'énormes complications sur le terrain."

Finalement, après de nombreuses démarches, tout est rentré dans l'ordre à la fin du mois de février. "La commune a finalement engagé le fameux professeur issu de la Communauté flamande et ce au moins jusqu'en fin d'année. Ensuite il va devoir passer son brevet linguistique en français s'il veut se mettre en ordre et pouvoir continuer", développe Pascal.

"Cela fait cinq ans que la professeure nommée ne vient plus"

Problème réglé, ou du moins temporairement. "En fait il s'agit vraiment d'un pansement sur une jambe de bois, le problème est plus profond", poursuit le président du comité de parent. "Cela fait cinq ans que la professeure nommée ne vient plus et qu'il n'y a plus d'enseignant fixe. Nous allons rester attentifs à la situation."

"Nous devons chaque fois composer avec des remplaçants. Mais comme c'est une profession en pénurie, ils ne s'inscrivent jamais dans la durée. On ne peut nommer personne d'autre, le poste ici n'est pas vacant, il y a un professeur nommé. Donc dès qu'ils ont une meilleure proposition, sur un poste vacant, ils s'en vont", confirme l'échevin, Serge de Patoul.

Compliqué dans ces conditions d'établir un projet pédagogique à long terme. Difficile aussi pour les professeurs en début de carrière d'arriver à se stabiliser. Des inconvénients largement compensés par les avantages qu'offrent le système des nominations, selon Joseph Thonon, de la CGSP Enseignement. "Je pense que ce système offre une réelle sécurité pour l'enseignant. Si on fait la balance, le système est positif. Quand on évolue un peu dans sa carrière, on est tout de même content de pouvoir se stabiliser."

Cela pose pourtant des problèmes à certaines écoles. Comme celle du Chant D'Oiseau, qui a eu énormément de peine à trouver un enseignant. "Je ne pense pas que les règles soient trop strictes. Elles sont assez claires", explique Joseph Thonon. "Il y a une priorité au titre requis, au professeur qui dispose du diplôme et des formations reconnues. Mais si une école n'en trouve pas, elle peut engager un "titre de pénurie non listé". Par exemple, vous êtes caissière dans une grande surface, mais parfaitement bilingue, une école peut vous engager si elle arrive à prouver qu'aucun enseignant au titre requis n'est disponible. Il faut introduire un PV de carence."

Un document que l'école doit adresser à la Fédération Wallonie Bruxelles, cela prend parfois du temps. "Effectivement il y a un travail administratif qui est parfois lourd. On va essayer d'alléger le système en inversant le processus. En mettant en place un système qui permettrait aux communes d'engager quelqu'un si après un certain nombre de jours d'une annonce publique, personne n'a répondu, si aucun titre requis ne se manifeste pour le poste."

"Souvent les professeurs en profitent pour prendre congé sur congé"

Ce système de nomination offre donc aux professeurs une sécurité de l'emploi. L'assurance de ne pas perdre leurs heures, de pouvoir travailler au sein du pouvoir organisateur qui les emploient.

Et pourtant, sur le terrain, selon certains enseignants, cela va trop loin. Une question se pose: comment est-il possible de cumuler autant d'années d'absence et tout de même être certain de pouvoir conserver ses heures ?

Il existe effectivement des durées limites pour ces congés. Mais une enseignante d'une autre école explique que les abus sont fréquents. "En 25 ans de carrière, j'ai quand même vu des collègues qui, une fois qu'ils arrivaient au bout de leurs congés, revenaient prester un petit peu juste pour conserver leur nomination avant de reprendre un autre congé."

Il existe un large panel de types de congés que peuvent prendre les enseignants. "Certains en abusent, ils en profitent pour prendre congé sur congé tout en continuant à être nommés."

Elle-même a bloqué une place durant de nombreuses années. "J'étais nommée dans le Brabant Wallon, j'ai voulu aller enseigner en Communauté Flamande, mais je ne pouvais pas être nommée directement. J'ai donc pris un "congé de détachement", ça me permettait de garder ma nomination dans mon école du Brabant Wallon. Mais au final, j'ai donc bloqué un poste durant près de cinq ans. Avant d'être nommée en Communauté flamande et de laisser mes heures en Communauté française."

Une réelle sécurité, mais qui a sans doute compliqué la vie d'autres professeurs. "Sans doute que mes remplaçants ont dû composer avec des horaires répartis dans plusieurs écoles et sans être nommés. Je trouve ça long, un peu absurde, mais bon au moins si je perdais finalement ma place dans l'enseignement flamand, je ne restais pas sans rien. Après il faut tout de même avouer que durant ma carrière j'ai rarement croisé des professeurs qui prenaient ces types de congés pour changer de poste et travailler ailleurs. La plupart du temps, c'est juste pour faire des arrêts de carrière."

Alors, bon ou mauvais système, les avis sont partagés. Mais cette enseignante a le sien: "C'est logique de pouvoir prendre l'un ou l'autre congé de temps à autre. Mais je pense effectivement qu'il faudrait remettre en cause la longueur de ces congés", conclut-elle.

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