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La Ville de Bruxelles décide d'abattre un hêtre de 160 ans: Karin se bat pour préserver "cet arbre remarquable"

A Bruxelles, l'abattage d'un arbre vieux de 160 ans a été décidé pour des raisons de sécurité. Mais des habitants s'offusquent d'une telle mesure. "Il est important de le préserver comme beaucoup d’autres car il est en ville et est très ancien", nous confie une riveraine.

"C'est un arbre remarquable que l'on veut abattre". En janvier dernier, Karin Stevens découvre avec émoi la décision de la Ville de Bruxelles. Bientôt, le hêtre pleureur vieux de 160 ans qui s'élève à quelques mètres de chez elle n’existera plus. Celui qui se hisse à près de 16 mètres de haut et dont la circonférence dépasse les 3 mètres va être abattu. "Pour des raisons de sécurité", nous rapporte-t-elle.

Il y a une trentaine d'années, Karin emménage dans une maison située à Watermael-Boisfort. Cet arbre, situé à hauteur des nº 95 et 97 dans l'avenue des Coccinelles, fait partie de son paysage "depuis toujours". Il figure d'ailleurs dans l'inventaire scientifique des arbres de la Région de Bruxelles-Capitale depuis 2007. Puisque Karin n'a aucune envie de le voir disparaître, elle se démène pour empêcher cet abattage. "Il est important de le préserver comme beaucoup d’autres car il est en ville et est très ancien", nous confie-t-elle. "Les arbres ont une valeur écosystémique, ils sont importants pour notre biodiversité", poursuit-elle.

La mère de famille peine à comprendre que de telles décisions soient prises à l’heure où l’on assiste à une prise de conscience collective. "Au vu de la situation de la biodiversité, des insectes qui disparaissent et des marches pour le climat, ne pourrait-on pas gagner 3 à 5 ans pour cet arbre?", s’interroge la mère de famille.

Comme l'indique le ministère de la Région wallonne, le hêtre a une croissance modérée, plutôt lente durant les 100 premières années. Cet arbre peut vivre 200 ans, parfois même 300 ans dans certaines régions. "Ses dimensions atteignent alors 46 m de hauteur et environ 1,5 m de diamètre", précise l'institution. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un hêtre pleureur, portant le nom scientifique de "Fagus sylvatica pendula". Cette variété d'arbre est décrite comme majestueuse et dont les rameaux ont l'habitude de pendre jusqu'au sol. A Bruxelles, 71 arbres de cette variété figurent dans l'inventaire du patrimoine naturel qui compte 5.800 végétaux au total. Plusieurs critères sont déterminés pour qu'un arbre soit défini comme "remarquable" par la Région. Sa taille, sa longévité, sa localisation, la rareté de l'espèce sont pris en compte.


"Il s’est adapté à toutes les transformations du paysage autour de lui"

Une pétition pour sauver cet arbre unique a donc été lancée auprès des habitants. En quelques jours, près de 1.000 signatures ont été recueillies. "Cet arbre emblématique a vu au cours des décennies se construire les immeubles autour de lui en leur résistant et en leur offrant un véritable poumon. Il s’est adapté à toutes les transformations du paysage autour de lui", écrit la pétition. 

Au fil des décennies, des bâtiments ont été érigés autour de ce hêtre. Mais devenu trop vieux, il menace désormais de s’effondrer, nous indique-t-on du côté de la Ville de Bruxelles. "Le Bourgmestre a décrété un arrêté en date du 8 janvier 2019 impliquant l'abattage de l'arbre. Il assume ainsi ses responsabilités en matière de sécurité publique. Les résultats de l'expertise concernant l'arbre démontre une dangerosité très élevée avec un risque de rupture élevé. Nous avons pris cette décision pour préserver la sécurité publique", nous renseigne Thi-Tiên Trân, Conseillère au Cabinet de l'Echevine de l'Urbanisme à la Ville de Bruxelles. On nous explique que plusieurs expertises ont été réalisées et ont mené au même constat: l'arbre est malade et présente d'importants risques d'effondrement. 

Comme d'autre signataires de la pétition, Karin aimerait que ces résultats soient revus. Consciente que l'arbre est malade, elle explique qu'il ne présente pas de risque immédiat et demande donc un report de son abattage."Nous avons pu constater en lisant les études phytosanitaires qui existent que l'abattage n'est pas du tout recommandé dans l'urgence", nous assure l'habitante de Watermael-Boisfort.


"Cet arbre, c'est une assurance vie et même une assurance survie"

Mais la mobilisation de ces riverains ne changera rien. "Nos services et cabinets ont été contactés par des riverains. On est au courant d'une pétition qui a tourné mais ici la Ville assume ses responsabilités en matière de sécurité publique. Même s'il y a une forte mobilisation, c'est l'aspect de la sécurité qui prévaut ici", ajoute Thi-Tiên Trân.

Un permis a été déposé le 05/12/2018 et est en cours d’analyse. "C’est une procédure nécessaire qui permet notamment d’encadrer le remplacement de l’arbre. Dans ce cas-ci, l’arrêté du Bourgmestre permet un abattage en urgence de l’arbre pour des raisons de sécurité publique mais un permis doit quand même être livré pour régulariser la situation", poursuit la porte-parole.

La date de l'abattage avait, dans un premier temps, été fixée au 4 mars. Cependant, les conditions météorologiques ont rendu impossible le travail, obligeant les services de la ville à repousser la manœuvre. "Dès que les conditions météorologiques le permettront, le processus reprendra", nous assure-t-on. Ce mardi matin, un habitant du quartier nous a finalement appris que l'abattage avait commencé. 

De son côté, Karine n'est pas dupe. Elle se rend bien compte que ce combat n'est pas chose aisée. "Je continue de lutter car ça nous permet d'attirer l'attention sur ce type de situations. Je pense que la politique générale en matière de conservation du patrimoine en matière 'Arbres en ville' doit changer. On doit devenir de plus en plus prudents car ces arbres constituent un patrimoine. Mais pas seulement. C'est aussi une assurance vie et même une assurance survie. C'est peut être le moment d'inviter tout le monde à repenser la gestion de ce parc arboré de Bruxelles", conclut-elle.


82 arbres abattus en 4 ans

A Bruxelles, l'abattage des arbres est très encadré. "Il faut un permis d’urbanisme pour abattre un arbre de haute tige sauf si c’est un arbre mort", nous indique  Thi-Tiên Trân. Pour rappel, il est interdit en Région bruxelloise d’élaguer et d’abattre des arbres entre le 1er avril et le 15 août afin de respecter la période de nidification. Des dérogations peuvent néanmoins être accordées (cf. arrêté 2013) pour des raisons de sécurité notamment. Entre 2014 et 2018, 82 arbres ont été abattus en Région bruxelloise pour "des raisons de sécurité". A chaque fois, il s'agissait de situation d'urgence.

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