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Les revenus de Marc jugés "trop faibles" pour obtenir une bourse d’étude pour sa fille: voici les explications de l'administration

Marc Minten a vu sa demande de bourses et d’allocations d’études être refusée par la Fédération Wallonie-Bruxelles car ses revenus seraient trop faibles. Une situation incompréhensible pour cet habitant de Couillet d’autant que selon lui, il réunit tous les critères nécessaires. Le porte-parole du Ministre Jean-Claude Marcourt (PS) nous explique ce qui bloque exactement dans son dossier.

En septembre 2016, Marc Minten a introduit une demande d’allocations d’études lors de la rentrée en 1ère secondaire de sa fille aînée. Face à des difficultés financières, ce père de trois enfants avait bon espoir que son dossier soit accepté vu sa situation.

A 45 ans, cet habitant de Couillet (Charleroi) a déjà contracté trois cancers, dont un au niveau des os qui a notamment entraîné l’amputation d’un de ses pieds. Reconnu en tant que personne handicapée, Marc perçoit une allocation d’intégration (1.400 euros) depuis ses 21 ans et a trois enfants à sa charge. En ajoutant les allocations familiales, il arrive ainsi à un total de 2.300 euros par mois. Son épouse n’a de son côté pas d’emploi en ce moment, et ne perçoit pas d’autres allocations.

Vu ses faibles revenus qui doivent lui permettre d’assumer une famille de cinq personnes, il imaginait donc pouvoir bénéficier d’une bourse d’études.

Mais le 16 février 2017, lorsqu’il a été consulté le suivi de sa demande sur le site internet de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il a vu que celle-ci avait été refusée pour un motif "obscure" pour lui. 


"Encore une belle histoire belge"

"On a refusé mon dossier car mes revenus sont inférieurs aux planchers. C’est incroyable, encore une belle histoire belge", s’étonne-t-il. "Je me suis dit que c’était une blague ou une erreur. Je leur ai téléphoné directement, et ils m’ont répondu que depuis cette année scolaire, il fallait avoir un revenu minimum pour avoir une bourse d’étude. Ils m’ont dit qu’ils se basaient sur les avertissements extraits de rôle sauf que mon revenu (allocations d’intégration) n’est pas déclarable par la loi. C’est une des rares exceptions."

La Fédération Wallonie-Bruxelles s’étant basée sur les revenus de Marc déclarés aux contributions, elle n’a pas tenu compte de ses allocations d’intégration. "Pour eux, je gagne zéro euro par mois donc de ce fait là, je n’ai pas assez de revenus pour avoir une bourse pour mes enfants."

Selon lui, le système d'allocations d'études est "incompréhensible" sur ce point précis. "C’est incroyable de dire qu’on n’a pas assez d’argent pour avoir une bourse. C’est pourtant à la base une aide sociale pour les gens qui ont moins d’argent."

De tout temps, les parents ont en effet dû prouver que leurs revenus ne dépassaient pas un certain seuil maximal pour que leurs enfants puissent bénéficier d’une bourse d’étude. Depuis septembre 2016, le ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles Jean-Claude Marcourt a aussi fixé un revenu minimum.

Désormais, pour pouvoir bénéficier d’une bourse pour les études supérieures, un parent isolé ne doit pas gagner moins de 3690€ par an, et pas moins de 5957€ pour un ménage avec 2 personnes à charge. Le but du ministre est de lutter contre les fraudes car, selon lui, il est impossible en tant que parent de vivre avec moins de revenus que ces planchers.

Avec 3 personnes à charge, Marc doit percevoir au moins 7.000€ par an, ce qui est le cas. Nous avons donc contacté le cabinet du Ministre Marcourt pour tenter d’éclaircir la situation de l’habitant de Couillet. Le porte-parole, Gaël Lambinon, nous explique après avoir analysé son dossier qu’en réalité, l’administration ne l'a pas rejeté à cause de critères financiers. "La demande de Monsieur Minten n’a pas été acceptée car l’intéressé n’a pas transmis d’attestation de revenus pour handicap. S'il apporte la preuve de ce document manquant, il aura gain de cause puisqu'il rentre dans les conditions d'octroi", assure-t-il avant de préciser que de manière générale, des procédures de réclamations et d’appel existent et sont prévus dans la législation. L’étudiant ou le parent peut en effet se défendre et exposer sa situation devant un Conseil d’Appel présidé par un juge.  

Après avoir été dans le flou complet depuis plusieurs jours, Marc a donc de bonnes chances d’obtenir une bourse d’étude pour sa fille aînée de 12 ans. Nous l’avons recontacté pour lui annoncer la nouvelle et sa demande d’attestation auprès du SPF Sécurité sociale suit actuellement son cours. Il estime que cette expérience pourrait servir à d’autres personnes qui vivraient dans le même contexte familial.


"Un critère établi pour identifier les problèmes de certaines familles"

Car à l’heure actuelle, quelque 32.000 étudiants attendent toujours s’ils pourront obtenir une bourse d’étude cette année. L’arrivée du nouveau décret sur les allocations d’études a en effet provoqué de des retards dans le traitement des dossiers. Seules 20.000 demandes ont obtenu une réponse sur 50.000 dossiers. 

Et un des problèmes concerne plus particulièrement les étudiants dont les parents n’ont pas de revenus suffisamment élevé.  En introduisant cette mesure, Jean-Claude Marcourt (PS) voulait, pour rappel, lutter contre la fraude. Selon le ministre de l’Enseignement supérieur, il n’est pas possible de vivre en dessous du plancher fixé sans une autre source de revenu.

"Ce critère minimal n’avait pas été établi pour pénaliser un étudiant dont les revenus des parents n’atteignent pas le minimum vital mais, plus comme une sonnette d’alarme qui nous permet de dire qu’il y avait peut-être un problème dans certaines familles qui ne savent pas qu’elles peuvent accéder à une allocation sociale. Par exemple, quelqu’un qui passe par le CPAS n’aura pas de rejet dans le cas d’une demande d’une bourse d’étude", indique Laeticia Naklicki, la porte-parole de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 "On s’est rendu compte qu’il y avait des étudiants pénalisés", ajoute-t-elle avant de souligner que le but n’était pas d’empêcher l’accès aux bourses d’études. "C’est justement un budget en constante progression."


"Nous demandons le retrait pur et simple de ce plancher de revenu minimum"

De son côté, la Ligue des familles dénonce également ce critère de plafonds minimaux de revenus et a interpellé le ministre Marcourt au début du mois de février lors de la Commission Vie étudiante, Démocratisation et Affaires sociales (CoVEDAS) de l'Ares, la fédération des établissements d'enseignement supérieur.

"Nous demandons le retrait pur et simple de ce plancher de revenu minimum. Le centre d’action global de la Ligue des Familles a été en contact avec des familles et on a tout de suite vérifié ce phénomène", déclare Delphine Chabbert, secrétaire politique à la Ligue des familles.

Avec cette réforme de 2016, la bourse est selon elle paradoxalement plus accessible, "car elle ne contient plus le critère de réussite académique mais, en intégrant des nouvelles conditions, on en a fait sortir d’autres qui avait accès à la bourse, entre autres avec ce plancher qui pénalise ceux qui en ont le plus besoin."

La Ligue des familles ainsi que la FEF, et le Réseau wallon de lutte contre pauvreté, sont en discussion avec le Ministre qui selon Delphine Chabbert devrait annoncer, "aux alentours du 10 mars, des modifications de la réforme des allocations d’études. Mais, je ne sais pas s’il touchera à ce plancher qui est un vrai problème."

Des modifications rapides lui sont demandées afin que la réforme modifiée puisse être effective à la rentrée académique prochaine.

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