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Le compte d'Antonio, 65 ans, a été fermé sans "motif": une banque peut-elle le faire sans donner d'explication?

Antonio est en colère. Comme d'autres personnes ces derniers jours, il a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous pour comprendre pourquoi sa banque lui a annoncé la fermeture de son compte "sans motif" après 50 ans de relation commerciale. Si cette situation interpelle, l'institution financière a le droit de prendre cette décision.

Très touché, Antonio s'est senti "désarmé" le 7 décembre dernier en apprenant la décision prise par sa banque de mettre fin à leur relation commerciale. Le préretraité de 65 ans a reçu un courrier de BNP Paribas Fortis dans lequel l'institution financière annonce la fin de leur contrat "sans motif". 

"Je ne m’attendais pas du tout à cette lettre. Je n’ai jamais eu de dettes. Le facteur a sonné à la porte et m'a donné ce courrier. Je n’ai pas reçu de lettre de rappel ou d’avertissement auparavant. Quelle faute ai-je commise ?", s'interroge l'habitant de Seraing.

"Après 50 ans de relation commerciale, on vous écrit comme ça… sans expliquer… Je ne suis pas amoureux de ma banque, je ne suis pas triste, mais c’est la manière qui me dérange. C'est un mépris total. Après 50 ans d’habitudes, on n’aime pas le changement", ajoute-t-il.

Dans cette lettre, la banque BNP Paribas justifie sa décision en évoquant l'article 14 de ses conditions générales. "Tant le client que la Banque peuvent, à tout moment, et sans motif, mettre fin à toutes ou à certaines des conventions à durée indéterminée qui les lient par lettre recommandée à la poste moyennant un préavis d’un mois à compter de la date d’envoi", peut-on lire dans le courrier ci-dessous.

Je me demande toujours ce que j'ai pu commettre comme erreur

Si Antonio a déjà signé un contrat avec une autre banque, il souhaite vraiment savoir ce qu'il s'est passé. 

"On me cite juste l’article 14... J’ai dû liquider mon compte courant, mon livret, mon compte-titre. Je vois qu’ils m’ont également attribué un prêt à tempérament. Mais je n’ai pas de prêt à tempérament... J'ai appelé ma banque pour en savoir plus. Et là, une personne m'a dit qu’il y a effectivement une erreur, "vous n’avez pas de prêt à tempérament", et qu’il ne faut pas tenir compte du paragraphe."

Et d'ajouter: "On m’a dit que la décision de la banque avait été prise après une faute était 'minime' de ma part. Mon agence m’a répondu qu’elle n’avait pas plus d’explications à me donner. J’ai reçu des mails, et ils se retranchent derrière leur article 14 pour ne rien dire. Je me demande toujours quelle faute j’ai commise… Je fais tout par application, je n’ai jamais reçu d’avertissement."

Ce sont des robots et nous sommes des chiffres

Pompiste indépendant durant de nombreuses années, il raconte avoir eu une relation "spéciale" avec sa banque. Ce qui explique aussi sa déception. 

"J'ai travaillé à l'époque avec des crédits de caisse car les commandes étaient grosses. Et là-dessus, ils se prenaient des taux d’intérêt à deux chiffres. Ils en ont gagné de l’argent avec moi pendant des années", poursuit-il. "Ce sont des grosses recettes dans les stations-services. Tous les jours, je déposais de l'argent au guichet. On me l’accréditait 24h après, donc de l’argent ils en ont gagné. Je trouve qu'après tout ça, mon agence aurait pu me recevoir pour m’expliquer. Un peu d’humanité quand même. Ce sont des robots et nous sommes des chiffres... Je voulais parler de mon problème car je ne vais pas être le seul à recevoir ce genre de lettre."

Début décembre, notre rédaction a effectivement reçu d'autres témoignages. La banque KBC avait par exemple pris la même décision à l'encontre d'une habitante de Berchem. 

Une banque peut-elle fermer un compte sans donner d'explication?

Comme indiqué dans la lettre reçue par Antonio, la banque, tout comme le client, a bel et bien le droit de prendre la décision de fermer un compte de manière unilatérale. Il n’existe également aucune obligation de justifier cette décision.

Hilde Junius, la porte-parole de BNP Paribas Fortis, qui ne commente pas les cas particuliers, nous a confirmé qu’il n’y a pas d’explication à donner à Antonio et aux autres clients. 

Le plus souvent, il s’agit d’un problème "administratif", comme un oubli de renouveler les données de la carte d’identité. "Les institutions bancaires doivent se soumettre à des règles strictes en matière de lutte contre le blanchiment et le terrorisme. Si le client ne réagit pas après trois sollicitations, la décision de fermer le compte peut être prise", explique Rodolphe de Pierpont, le porte-parole de Febelfin (la Fédération belge du secteur financier).

"En pratique nos vies changent et parfois on change de carte d’identité car elle est périmée et on doit l’actualiser car on déménage. Et là parfois, cela pose problème. La banque doit posséder ses informations actualisées et donc il y a un problème. En pratique, une fermeture de compte va intervenir après plusieurs rappels laissés sans suite. Et là, malheureusement la banque doit prendre une décision radicale."

Le client doit alors être informé de l’intention de mettre un terme à la relation commerciale et un délai de 2 mois est accordé pour qu’il prenne ses dispositions.

Il y a également toujours la possibilité de déposer une plainte auprès de son institution financière. Chez BNP Paribas Fortis, ce service est joignable par mail : complaints.management@bnpparibasfortis.com ou par téléphone via le numéro d'Easy Banking.

Le client a-t-il un droit de recours ?

La Fédération du secteur financier a insisté: le premier interlocuteur reste la banque elle-même. Ensuite, en cas de désaccord, il peut toujours s’adresser aux autorités judiciaires. Une voie qui peut se révéler hasardeuse, compte tenu du temps et de l’argent qui serait dépensé en lançant une telle procédure.

Après avoir déposé une réclamation auprès de la banque, le client peut aussi s’adresser à l’Ombudsfin. Le service de médiation des services financiers a ouvert 90 dossiers de particuliers relatifs à des plaintes de ce genre en 2021. "Dans la plupart des cas, notre intervention n’a pas permis au plaignant d’en savoir plus, les banques se retranchant derrière les clauses contractuelles applicables", indique ce service de médiation.

Le médiateur rappelle aussi que, moyennant le respect d’un préavis, les institutions financières ne sont pas obligées de communiquer la raison concrète de la rupture de relation, même pas au médiateur.

L'Ombudsfin affirme qu'il peut toujours tenter d’interroger la banque à ce sujet, mais sans aucun moyen de contrainte. De plus, les institutions financières ne peuvent pas être obligées à maintenir ou à rétablir la relation avec le client. En principe, le consommateur ne peut pas non plus y être obligé.

Dans ces dossiers, le médiateur vérifie surtout si les formalités prévues par les conditions générales des banques ont été respectées et si les frais avancés par les clients doivent être remboursés.

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