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Le transfert en ambulance de sa fille lui coûte près de 800 euros: "C’est impossible de trouver une telle somme comme ça, par magie"

En pleine crise d’asthme, l'enfant d'Aurore avait dû être transféré de l'hôpital Saint-Pierre d'Ottignies à l'hôpital Saint-Luc de Bruxelles. La mutuelle et l'assurance hospitalisation devraient permettre à la famille de récupérer la moitié du montant.

Emmener son enfant aux urgences est loin d’être une partie de plaisir pour un parent chez qui se mêlent stress et inquiétude. Des émotions qu’a connues Aurore, le 29 septembre dernier. Océana, sa fille de 13 ans, fait tout à coup une crise d’asthme sévère. Elle n’hésite pas une seconde et l’emmène à l’hôpital. "On habite à Autre-Eglise, près de Ramillies. Mais je suis allée à l’hôpital d’Ottignies, car c’est là que se trouve son allergologue. On a rapidement été envoyés au service de pédiatrie", commence la mère qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous.


"J’étais complètement paniquée"

Ce n’était pas la première fois qu’Océana devait être admise aux urgences pour une crise d'asthme. "C’était pareil il y a six ans, mais là ils ont su la stabiliser assez rapidement". Sauf que cette fois-ci, l’état de santé d’Océana ne s’améliore pas, malgré les traitements d’aérosol et d’adrénaline: "Ma fille n’a pas réagi correctement, et on est venus me prévenir vers 9 heures du soir qu’il fallait l’envoyer aux soins intensifs à Bruxelles. J’étais complètement paniquée".

Il n’y a donc pas de temps à perdre, Océana est transportée en ambulance jusqu’à l’hôpital Saint-Luc, et y reçoit les soins adéquats.

Son état se stabilise ensuite et elle retourne deux jours plus tard à l'hôpital d'Ottignies pour poursuivre sa convalescence. Soulagement donc pour sa maman, qui ne s’attend pas encore à recevoir une bien mauvaise surprise dans sa boîte aux lettres quelques jours plus tard…


Le trajet en ambulance aux frais du patient

"Quand je suis rentrée à la maison, j’ai vu une lettre qui m’attendait. Je vais devoir payer 800 euros pour le transfert de ma fille". Les factures qu’elle a reçues lui indiquent plus exactement la somme de 408,41 euros pour l’aller, et 361,99 euros pour le trajet retour. Soit, au total 770,40 euros à sortir de sa poche. "En plus, ils me font payer 46,42 euros d’attente ambulance, parce que ma fille n’était pas prête quand l’ambulance est arrivée", se plaint la maman.

Elle ne comprend pas comment tout cela est possible. "J’ai bien demandé au médecin si les frais de transfert seraient bien pris en charge. On m’a répondu que oui. C’est impossible de trouver 800 euros comme ça, par magie. En plus, mon mari vient de perdre son boulot. Ce qu’on ne m’a pas dit, c’est que si ma fille ne revenait pas dans les 24 heures à Ottignies, l’ambulance serait à mes frais". Le retour d’Océana, là aussi en ambulance, s’est fait… deux jours plus tard. C’est donc bien à sa maman de payer l'entièreté de la facture.


Comment est-ce possible ?

Pour Jan Eyckmans, le porte-parole du SPF santé publique, il faut distinguer deux cas: les transports urgents et non-urgents en ambulance. "Une telle somme n’est pas possible selon moi pour un trajet 112, donc un trajet urgent", explique-t-il. "Par contre, pour le transport entre hôpitaux, quand ce n’est pas une urgence, ça ne dépend pas de nous". Histoire typiquement belge donc, puisque pour ce deuxième volet, ce sont les entités fédérées qui prennent le relais.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est l’AVIQ, l’Agence pour une Vie de Qualité, qui est compétente en la matière, pour les services d’ambulances chargés du transport médico-sanitaire. Les prix du trajet sont standardisés, plafonnés, et varient notamment en fonction de la distance parcourue. Il y a tout d’abord un forfait de prise en charge, qui couvre aussi les 10 premiers kilomètres, au prix maximal de 63,82 euros. Ensuite, comptez 5,74 euros par kilomètre supplémentaire. Et au-delà du 20ème kilomètre, il faudra débourser 4,47 euros à chaque nouveau kilomètre parcouru. Sans oublier le trajet retour de l’ambulance, jusqu’à sa base. Ces tarifs sont indexés chaque année. La facture qu’a reçue Aurore respecte donc ces critères.

Des majorations sont possibles

Outre le kilométrage, d’autres données doivent aussi être prises en compte, selon Sarah Lefèvre, la porte-parole de l’AVIQ. "Il y a aussi les jours de la semaine, ou encore la présence ou non d’une équipe médicale à bord du véhicule". Le prix peut également être augmenté de 20% si la prise en charge a lieu entre 20 heures et 6 heures du matin, ou si elle se fait les dimanches et jours fériés. Même si Aurore estime que le montant qu’elle doit payer est astronomique, il est donc tout à fait envisageable. "Dans la théorie, la facture peut en effet grimper jusqu’à de telles sommes", reconnait Sarah Lefèvre.

Une vision confirmée par Bruno Deblander, porte-parole de la mutualité socialiste Solidaris. "Ce coût n’est pas du tout anormal, compte tenu des services qui sont assortis. Ça augmente rapidement, surtout si on fait appel à un médecin, ou si on doit faire le transfert avec une assistance oxygène", détaille-t-il. "Ce qui coûte surtout, c’est donc l’accompagnement médical et l’appareillage, et puis, il faut voir aussi le niveau de gravité". Océana a en effet dû être transférée sous assistance oxygène, un samedi soir, ce qui peut expliquer la somme à régler.


"On m’a dit que c’était bien à moi de payer"

Quoiqu’il en soit, Jan Eyckmans, du SPF santé publique, et Sarah Lefèvre, de l’AVIQ, conseillent à notre alerteuse, ou à toute personne qui serait dans le même cas, de faire tout d'abord vérifier sa facture auprès de sa mutuelle. "Si c’est une surfacturation, ils s’en rendront compte, car ils n’acceptent pas de mauvaises factures", détaille Jan Eyckmans. C’est ce qu’a fait Aurore. "Le service juridique a enquêté mais on m’a dit que c’était bien à moi de payer". Ça ne serait donc pas un mauvais calcul.

"Il s'agissait en effet d'ambulances privées dans les deux cas, pas d'un service 112", précise Bruno Deblander, porte-parole de Solidaris. "Il faut donc éviter ce type de situation, car ces transferts ne sont pas couverts par l'assurance obligatoire". Aurore pourra tout de même récupérer de l'argent. "On intervient par contre au niveau de l'assurance transports: 90 euros pour le premier trajet, 54 pour le second. Cette dame sera également couverte par son assurance hospitalisation". Difficile de donner pour l’instant un montant total exact, car la procédure est toujours en cours, et plusieurs démarches administratives doivent encore être faites.

Aurore a également pris les renseignements de son côté. "Si j’ai bien compris, la mutuelle rembourserait une partie après coup. Et ensuite, mon assurance hospitalisation Hospimut interviendrait aussi". Aurore est donc en partie soulagée, mais reste choquée du montant. "On comprend pourquoi les gens ne veulent plus se soigner", se plaint-elle.



Une réforme pour l’aide médicale urgente

Aurore n’est évidemment pas la seule à devoir payer une somme importante pour un trajet en ambulance. Les personnes qui vivent à l’écart des grands centres urbains doivent souvent faire chauffer le portefeuille lorsqu’elles doivent être transportées d'urgence en ambulance. La ministre de la santé Maggie de Block a annoncé qu’elle allait simplifier le système dès janvier 2019, pour que ceux qui habitent plus loin des hôpitaux ne doivent plus payer plus. 

"Les factures d’ambulances vont devenir plus claires et plus transparentes", confirme Jan Eyckmans. "Il y aura un forfait unique à 60 euros, quelle que soit la distance". Mais cette réforme concerne uniquement l’aide médicale urgente, pour des patients qui ont appelé le 112, une compétence qui est donc fédérale. Il n’y aura pas d’impact sur le transfert entre deux hôpitaux, qui est donc lui dans les mains de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Océana est à présent rentrée à la maison, en forme. Mais sa maman ne digère toujours pas la somme qu’elle va devoir payer. "800 euros, c’est affolant. Il y a eu la rentrée, et bientôt ce sont les fêtes, c'est difficile". Mais elle veut aussi relativiser: "Tant que ma fille est en vie, ça va, c’est le plus important". 

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