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Lila, 15 ans, élève de 3e secondaire, adresse une lettre de détresse aux autorités: "Nous avons tant besoin de retourner en 100% présentiel"

Selon Lila, l'enseignement "hybride", en partie en présentiel, en partie à la maison, est devenu néfaste. Elle alerte sur l'urgence de revenir à une enseignement entièrement en présentiel.

À l'issue du comité de concertation du 14 avril, la décision attendue par Lila n'est pas venue. Après les congés de Pâques, les cours n'ont repris en présentiel qu'à 50 % pour les élèves du troisième degré de l’enseignement secondaire dont elle fait partie. Le présentiel à 100% concerne l'enseignement maternel, primaire, secondaire spécial, premier degré de l’enseignement secondaire et formation en alternance. "Une très grosse déception" pour cette adolescente de Liberchies dans le Hainaut. "Ça me semblait évident qu'il fallait on reprenne en 100% présentiel. On en avait tant besoin. C'est ce qui me semblait le plus urgent !", lance-t-elle.

Au départ, un situation inédite mais "pas spécialement dérangeante"

Au mois de mars 2020, au début du premier confinement, Lila n'avait pas imaginé que sa scolarité à l'institut Sainte Marie de Rêves allait être si perturbée. L'irruption du coronavirus dans sa vie d'élève paraissait encore extraordinaire, et la situation pas nécessairement appelée à durer. "Au tout début, c'était pas spécialement dérangeant. On était plutôt content que l'école s'arrête. On ne savait pas trop ce qui allait se passer...", se souvient-elle.

Les cours en hybride, une organisation qu'elle estime particulièrement dommageable sur le long terme

Pour la rentrée scolaire de septembre 2020, les communautés s'étant accordées sur un régime commun "code jaune", la semaine de 5 jours de cours est redevenu la norme. Puis après un congé allongé de Toussaint, les élèves des 2e et 3e degrés du secondaire ne devaient être présents sur leurs bancs de l'école qu'à concurrence de 50% du temps, le reste étant assuré en cours à distance. Depuis lors, "toutes les classes sont divisées en deux", constate Lila. "La majorité de mes amis sont dans l'autre groupe que le mien. De les voir ensemble dans l'autre groupe, j'ai l'impression de passer à côté de quelque chose", confie-t-elle.

Après 5 mois de cours en présentiel à 50%, un profond sentiment de lassitude s'est installé. Et la motivation a décliné peu à peu. "Il n'y a rien qui me pousse à travailler. J'essaye de trouver l'envie. Dès que j'en trouve, j'essaye de la garder... mais c'est parfois difficile", raconte Lila, pourtant plutôt bonne élève en temps normal. Déléguée de sa classe, elle dresse un bilan alarmant de cette période : "On a pris énormément de retard. Et d'un point de vue psychologique, c'est difficile pour les élèves de voir moins de monde".

Désemparée et révoltée, Lila écrit aux autorités

Après des vacances de Pâques allongées à trois semaines, le comité de concertation a décidé que une reprise des cours à 100% en présentiel était prématurée pour les classes à partir de la 3e secondaire. "Vraiment malade" et "impuissante" face à cette décision, Lila a souhaité coucher sur papier son ressenti. "J'avais besoin qu'on m'entende, besoin d'écrire pour me libérer de tout ça", confie-t-elle.

Lila a donc écrit une lettre à l'attention des "décideurs", qu'elle a notamment envoyée à Caroline Désir, ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles. Un texte touchant que sa mère, Bernadette, une agricultrice âgée de 52 ans, nous a retransmis. Nous le reproduisons partiellement ci-dessous :

Tout d'abord, sachez que j'ai bien conscience que nous ne sommes pas entièrement les seuls sacrifiés et qu'actuellement tout le monde doit un peu se sacrifier. Cependant, avec tout mon respect, je reste dans l'incompréhension face à votre décision de la poursuite de l'hybridation pour les jeunes à partir de la troisième secondaire. Je pense parler au nom de tous en vous affirmant que cela fait maintenant trop longtemps que nous avons tant besoin de retourner en 100% présentiel. Il en devient actuellement presque vital. Autant sur le plan psychologique que sur le plan scolaire.

Vous savez certainement que l’adolescence est un moment important de construction de nous-mêmes et que cette construction se fait grâce à nos relations sociales. Malheureusement, bien trop d'élèves souffrent de ne presque plus voir de gens (...) Tellement sont démotivés, démunis, en décrochage, et à côté de la plaque. Nous avons besoin de retourner en 100% présentiel. Nous sommes, pour beaucoup, sur le point de craquer, pour ceux qui ne l'ont pas déjà fait...

Vous, qui parlez pourtant tellement de vos inquiétudes et appréhensions justifiées face au monde de demain concernant la pollution, le réchauffement climatique, et j'en passe. Tâchez de ne pas oublier que nous serons les acteurs principaux du monde de demain, car nous sommes les adultes de demain.

Nous avons l'impression que vous nous sacrifiez un peu plus chaque jour.

Malheureusement, la majorité des adultes de demain seront moins formés à la vie, auront eu certainement une éducation scolaire dysfonctionnelle, seront peut-être un peu plus malheureux, avanceront peut-être chaque jour avec le fardeau du souvenir d'une adolescence difficile.

Nous sommes tellement nombreux à nous sentir peu écoutés, tellement peu respectés. Nous avons l'impression que vous nous sacrifiez un peu plus chaque jour (...) Nous avons besoin de votre soutien, nous avons besoin de nous sentir écoutés et compris (...)

Lorsque nous serons adultes, peut-être aurons-nous l'impression, encore à ce moment-là, d’avoir été négligés et oubliés au moment où nous en avions le moins besoin. Peut-être aurons-nous l'impression d'avoir été trahis par les adultes en qui on nous a toujours inculqué d'avoir confiance. Peut-être même que certains d'entre nous n'arriveront malheureusement pas à l'âge adulte, car leur fardeau était bien trop difficile à porter, à en devenir insupportable.

Pardonnez mes mots quelques fois bruts mais je suis au regret de vous annoncer qu'ils reflètent la profondeur de la colère, de la tristesse et de la détresse de beaucoup d'entre nous (...) Mon seul but est de vous faire prendre conscience que la génération que vous avez, à mon goût, un peu trop oubliée et mise de côté, est possiblement la plus importante pour un avenir meilleur.

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