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Malgré les risques, un jeune de Gilly dénonce ses voisins vendeurs de drogue: "Ces serpents profitent de la faiblesse de jeunes pour s'enrichir"

C’est une démarche courageuse. Un jeune homme a décidé de révéler l’activité de ses voisins. Selon cet habitant de Gilly, il s’agit de dealers. Un trafic de drogue qui nuit à la vie des riverains. Ce quartier est bien connu de la section "stupéfiants" de la police de Charleroi, dont l’efficacité a été soulignée par le bourgmestre, Paul Magnette.

"J'ai décidé de ne pas rester silencieux face à cette situation, au risque d'avoir des problèmes, je préfère dire la vérité". Malgré quelques réticences de ses proches craignant des répercussions éventuelles, un habitant de Gilly (Charleroi) nous a contactés via notre page Alertez-nous pour dénoncer, selon ses dires, l’activité illégale de ses voisins dans le quartier du gazomètre. "Ce sont des dealers connus des services de police mais exerçant en toute liberté. Ils empoisonnent tout le quartier. Il suffit que je sorte de chez moi pour que l'odeur de cannabis qui demeure dans notre rue m'arrive au nez", assure le jeune homme, qui préfère garder l’anonymat. Nous l’appellerons X.

D’après lui, cette situation perdure depuis plus d’un an. Chaque jour, il voit invariablement des personnes devant la porte de ses voisins, "probablement des clients". "De plus en plus viennent acheter leur marchandises", ajoute-t-il.


"J’ai peur pour certains de mes proches qui les fréquentent" 

Ce qui pousse X à témoigner aujourd’hui, c’est une inquiétude qui grandit en lui. Certains de ses proches fréquentent en effet ces dealers présumés âgés d’une vingtaine d’années. "J’ai peur pour eux. Ils n'ont que 10 ou 15 ans. Ils sont trop jeunes et ne se rendent pas compte dans quoi ils avancent. Et ces serpents profitent de leur faiblesse et naïveté pour s'enrichir. Moi j’essaye de les avertir en jouant le rôle du grand frère", explique le Carolo. D’après lui, leur trafic serait plutôt lucratif. "Ils gagnent facilement le triple d'un salaire moyen. Se faire tant d'argent en empoisonnant la vie de jeunes et de leur entourage, c'est honteux", lance-t-il.

"Gilly, c’est un quartier chaud comme beaucoup à Charleroi. Marchiennes, Jumet, Gosselies,... Il y a un passage routinier des enquêteurs de l’ORA", indique le substitut chargé du trafic de drogue au parquet de Charleroi. L’ORA est la section "stupéfiants" de la police judiciaire de Charleroi, également connue sous l’appellation "brigade des stups".


"Ils ont le sourire quand ils sont arrêtés" 

Pour mettre fin aux agissements répréhensibles et nuisibles de ses voisins, X doute toutefois de l’efficacité des forces de l’ordre. "Les agents viennent, les embarquent mais les relâchent aussitôt, faute de trop peu de quantité de marchandises retrouvées sur les suspects. Ils ont même le sourire quand ils sont arrêtés car ils le savent", soutient le jeune homme.

Une déclaration que le substitut remet en question."Cela ne se produit pas. Si les enquêteurs pénètrent dans une habitation, c’est qu’ils ont obtenu du parquet un mandat de perquisition pour flagrant délit. On ne relâche pas les individus au moment de l’intervention. Il y a au moins une présentation devant un magistrat instructeur." Le mandat de perquisition permet en effet à la police de fouiller le domicile d’une personne pour rechercher les éléments de preuve d’une infraction. Pour l’obtenir, la police doit détenir de sérieux indices indiquant un trafic de stupéfiants (culture et/ou vente). La section ORA mène donc des observations, sur base d’informations recueillies ou fournies, avant de mener des opérations. Si une personne détient une petite quantité de cannabis, il est dès lors peu probable que le juge d’instruction délivre un mandat.

"Il y a eu des perquisitions menées dans le quartier du gazomètre. La police fait son travail mais, lors d’opérations judiciaires, il faut que ce soit bingo. Parfois, les policiers ne trouvent rien sur place", révèle David Quinaux, porte-parole de la police locale de Charleroi.


Une photo "choquante" illustrant un "deal" 

X a ensuite nuancé ses propos, en affirmant que les "jeunes dealers n’ont pas été relâchés directement mais le lendemain de leur interpellation". Pour appuyer ses déclarations, il nous a également envoyé une photo "choquante" prise par l’un de ses proches qui fréquentent ces jeunes. Il l’a postée sur Snapchat, une application de partage de photos et de vidéos. Un cliché sur lequel on aperçoit du cannabis et des billets sur une table. La "brigade des stups" a l’habitude de recevoir ce type d’informations qu’elle analyse attentivement. "La section ORA exploite toutes les rumeurs sur des trafics supposés de drogue. Parfois ce sont des informations farfelues. Par exemple, une photo de cannabis que l’on trouve sur internet et date de 2006", révèle le substitut du parquet. Face aux déclarations citoyennes, les enquêteurs restent donc prudents.


Magnette : "Nous avons la meilleure police anti-drogue à Charleroi" 

De leur côté, les autorités communales soulignent également l’efficacité des services de police. "Tous les ans, ces policiers mènent des perquisitions gigantesques à Charleroi qui aboutissent à des interpellations de suspects et à des saisies", assure le cabinet du bourgmestre, Paul Magnette. Début janvier, le maïeur carolo a d’ailleurs dressé le bilan des opérations Vauban dont l’objectif est d’optimiser la sécurité dans plusieurs quartiers de la ville. En trois ans, la police a contrôlé 1.1120 personnes et 494 véhicules. Elle a également procédé à 216 arrestations administratives. Parmi celles-ci, de nombreuses étaient liées au trafic de drogue. "Nous avons à Charleroi les brigades de lutte contre les stupéfiants les plus efficaces du royaume", a lancé Paul Magnette, à nos confrères de la DH.

Ces différents interlocuteurs soulignent en tout cas la démarche citoyenne très courageuse de X. Selon eux, dénoncer ces faits est primordial si l’on veut éradiquer cette "gangrène". "Mais il devrait plutôt confier ses observations à la police plutôt que de les répandre sur internet car c’est ridicule et stérile", estime le substitut chargé de la lutte contre les stupéfiants. "Il devrait appeler le 101 pour que la police intervienne. Nous pouvons évidemment lui garantir l’anonymat. Il existe plein de solutions, comme une surveillance depuis son domicile", indique David Quinaux, porte-parole de la police locale de Charleroi. "Chaque citoyen est libre de s’adresser à la presse. Mais c’est une démarche citoyenne interpellante", confie-t-on également au cabinet du bourgmestre.


X compte informer les services de police 

X affirme qu’il compte bien contacter prochainement les services de police. Mais, pour lui, il est essentiel de préserver son anonymat. "Le trafic de drogue, c’est comme la mafia. C’est dangereux. Moi-même, je ne suis pas vraiment inquiet mais je ne voudrais pas que ma famille ait des ennuis à cause de ça", confie le jeune homme.

Son espoir: que son témoignage améliore la situation et permette de mettre fin aux nuisances liées au trafic de stupéfiants dans son quartier. Consciente de ces problèmes, la police locale de Charleroi a d’ailleurs mis en place un plan d’action spécifique pour lutter contre ces nuisances. Et même si un travail important a déjà été réalisé par la brigade des stups, il reste incontestablement encore du pain sur la planche en matière de lutte contre la drogue à Charleroi, comme c’est le cas à Bruxelles, Liège ou encore Anvers.

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