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Marie-Amelie Lenaerts, première Belge à avoir traversé l'Atlantique en solitaire: "Joie, tristesse ou ras-le-bol, tout est démultiplié"

Marie-Amelie Lenaerts a réussi un défi qu'aucune skippeuse belge n’était parvenue à relever: traverser l’Atlantique en solitaire. Un exploit que la Carolo de 32 ans a réalisé en participant à la Mini-Transat. Une course sans assistance ni contact avec la terre. Le départ avait été donné le 5 octobre à La Rochelle, une ville côtière du sud-ouest de la France. Plus d'un mois et demi plus tard, la Belge bouclait une aventure "extraordinaire" en ralliant la Martinique, le 20 novembre dernier vers 10h du matin.

Marie-Amélie Lenaerts a préparé cette aventure durant deux ans. Participer à la Mini Transat 2019 était devenu le défi d'une vie. Le 20 novembre dernier, la Belge de 32 ans est parvenue à boucler la traversée de l'Atlantique entre la Rochelle et la Martinique en l'espace de 28 jours. Un exploit dans une course sans assistance, qui lui a fait vivre de puissantes émotions.

Mais avant de pouvoir toucher le sol de la Martinique, la skippeuse originaire de Gosselies (en province de Hainaut) avait déjà vécu plusieurs expériences dans le monde de la voile. 

Dès son plus jeune âge, elle a navigué sur les lacs de l’Eau d’Heure, à Butgenbach ou au Grand Large de Péronnes, un lac près de Tournai. Elle a ensuite participé à des compétitions jusqu'à l'âge de 13 ans. Cinq ans plus tard, elle a obtenu ses brevets de monitrice et de skippeuse à l'Adeps.

Je me suis retrouvée par hasard au départ de la Mini Transat 2017

Depuis quelques années, Marie-Amélie était notamment devenue bénévole dans une association qui organise des stages de voile. L'occasion de transmettre son savoir. 

"J’ai ensuite un peu commencé à tourner en rond et je me suis rendue compte que je n'apprenais plus autant qu’avant. J’avais envie d’aller plus loin et de me dépasser. "Je ne savais pas trop ce que j’allais faire", nous a-t-elle confié. 

Désireuse de trouver un nouveau projet, un événement va bouleverser son quotidien. "Je me suis retrouvée par hasard au départ de la Mini Transat 2017 qui démarrait de la Rochelle également. J’étais partie dire bonjour à un ami qui habitait là-bas", raconte-t-elle. "Il m’avait invitée à aller voir le départ. Il a trouvé des places et c’était super sympa. J’ai vu un départ de 80 bateaux qui partaient vers l’Ouest. J’ai trouvé ça complètement fou."


©Instagram/Marie-Amélie Lenaerts 

Une aventure qui transforme une vie

Marie-Amélie a ainsi commencé à suivre de plus près cette course, au point d'aller étudier le profil des participants et lire les histoires de ces marins. 

"Je me suis rendu compte que deux ans avant de prendre le départ de cette compétition, ils n’avaient pas beaucoup plus d’expérience que moi. Je me suis dit que cette course était finalement aussi ouverte aux amateurs et que c’était possible que je la fasse aussi. Je me suis renseignée, j’ai lu pas mal de bouquins sur la Mini Transat. Beaucoup de gens disent que c’est une aventure qui transforme une vie et, je me suis dit qu’il fallait que je le fasse aussi."

En mars 2018, sa décision était prise. Elle était prête à sauter dans le grand bain. "Le plus dur était de prendre la décision de le faire", souligne-t-elle.

Mais pourquoi se lancer un tel défi? "Je me suis dit que c’était l’aventure d’une vie. Une aventure humaine extraordinaire. Il y a évidemment l’apprentissage au niveau voile, mais faire un projet Mini Transat, ce n’est pas juste de la voile. C’est un projet qu’on mène soi-même. On doit trouver des sponsors. C’est une aventure en solitaire alors que je n’en avais jamais fait dans ma vie. On apprend énormément sur soi. Il y a un apprentissage humain énorme. Vivre une aventure et des émotions fortes, c’était le but."

Une fois le projet en tête, Marie-Amélie a tout mis en oeuvre pour le rendre concret. Première étape compliquée: trouver un bateau. 

"C’était la première étape difficile car il fallait de l’argent. Si on n’a pas le montant, il faut trouver des manières créatives de rassembler des fonds. Acquérir un bateau est déjà un beau projet. Mais après, il faut savoir naviguer avec et s’entraîner. C’était un bateau très différent de ce que j’avais connu auparavant. Un bateau de course, très léger. Je ne savais pas comment naviguer donc il  a fallu apprendre tout ça. Il fallait aussi trouver des sponsors et réunir un budget pour deux ans. C’est assez cher. Car il y a le prix du bateau mais chaque course est aussi payante, et il y a aussi tout le matériel à mettre sur le bateau", précise-t-elle.


©Instagram/Marie-Amélie Lenaerts 

87 bateaux au départ

Elle a finalement décidé de naviguer sur un voilier Nacira, son budget étant au-delà des 50.000 euros. "Le mien était d’ancienne génération et convenait plus à mon budget. Mon objectif était l’aventure, apprendre, et moins la performance. Je termine souvent les courses dans la seconde moitié, mais c’est normal vu que l’autre partie est plus performante, et que c’est un sport mécanique", indique-t-elle. "Avec des copains qui avaient des bateaux similaires, on se faisait des classements entre nous, ce qui est plus logique."

"Université du large", la Mini-Transat offre chaque année l'opportunité à des marins aux profils différents de prendre le départ d’une première transatlantique. Cette course qui existe depuis 1977, connaît toujours un beau succès avec encore 87 bateaux au départ en 2019. 

Avant de traverser l'Atlantique, Marie-Amélie s'est entraînée de nombreux mois à Lorient et à Concarneau, en Bretagne, afin d'apprivoiser son nouveau bateau. "Il y a aussi toute une préparation physique. Quand on navigue 5 jours non-stop sur des courses d’avant-saison, c’est très sollicitant pour le corps. La première année, je n’étais pas prête et j’ai eu pas mal de problèmes de genou. La dernière année, je me suis énormément entraînée physiquement, ce qui m’a permis de n’avoir aucun problème sur la transat."

J’étais contente de ne plus devoir penser à la "to do list"

Le 22 septembre dernier, elle était prête à prendre le large de la 22édition de la course sauf qu'une succession de dépressions sur le cap Finisterre a repoussé le départ au 5 octobre. La Carolo confie avoir été stressée avant de moment. 

"J’étais très stressé comme les trois mois qui ont précédé la course. Car ce n’est pas anodin. Il y avait beaucoup de stress durant la préparation. Il faut penser à énormément de choses. J’étais donc contente de prendre le départ pour ne plus penser à la "to do list". C’est beaucoup de pression pour un seul moment."

Son entourage était lui à fond derrière elle pour l'encourager. "Mon entourage l’a bien vécu, ils étaient très présents. J’ai reçu beaucoup de soutien de la part des amis et de ma famille. Il y a des gens qui ont accroché à l’aventure sans connaître la voile. Certains m’ont dit qu’ils voulaient réaliser un projet ou un défi sportif. Une copine m’a dit qu’elle voulait faire un marathon alors qu’elle n’avait jamais fait ça. C’est chouette aussi de se dire que mon aventure incite les autres à se dépasser. Je n’avais jamais navigué en solitaire de ma vie, ni fait de course. La traversée ne m’a pas stressé. Il fallait juste penser à tellement de choses, qu’à un moment donné, on explose. Je me disais vivement le départ."


©Instagram/Marie-Amélie Lenaerts 

 Si on fait ce genre d’épreuve, c’est pour vivre quelque chose d’assez fort

Une fois dans le voilier, Marie-Amélie était partie pour vivre une première étape de 10 jours jusqu’aux Îles Canaries. Là-bas, elle a pu se reposer deux semaines avant de repartir 20 jours en mer pour rallier la Martinique. Au total, elle aura eu besoin de 28 jours pour boucler l’épreuve.

"C’était difficile, mais si on fait ce genre d’épreuve, c’est pour vivre quelque chose d’assez fort", poursuit-elle. "Et j’ai été servie... en vivant des émotions fortes, positives et négatives. Il y a eu des moments où je pleurais de joie tellement c’était beau et d’autres où je pleurais d’énervement à cause de problèmes techniques. Quand on est fort fatigué, on va puiser très loin dans son énergie. On dort par tranche de 20-30 minutes. En général, je dors 7h par nuit, et dans ce cas-là, on ne fait pas de nuit de 7h d’affilée. Toutes les émotions sont démultipliées et beaucoup plus fortes qu’en temps normal. Que ce soit de la joie ou de la tristesse, du ras-le-bol, tout est démultiplié. C’est assez fort de vivre ça."  


Sur sa page Facebook, des amis donnaient de ses nouvelles à ses followers car elle n'avait pas le droit d'avoir de contact avec la terre. "

"On recevait une information météo une fois par jour, mais nous ne pouvions pas communiquer avec la terre car c’est une course sans assistance", rappelle-t-elle. "Si on a un problème, on ne peut pas appeler pour avoir un conseil. Sur les réseaux sociaux, des amis donnaient de mes nouvelles en se renseignant auprès des organisateurs."

Etre aux premières loges pour voir ce spectacle, c’est assez fort

La plus grosse difficulté? "A la mi-course, j’ai cassé un safran, une partie du gouvernail, qui me permettait de diriger le bateau", répond-elle. Les meilleurs moments? "Je retiens mon émerveillement face aux couchers et aux levers de soleil. La nature est complètement dingue et être confrontée au gigantisme de la nature, c'est fou. Etre aux premières loges pour voir ce spectacle, c’est assez fort."

Marie-Amélie s'est ensuite remémorée l'arrivée de la Mini Transat, avec un mélange d'émotions, entre la joie mais aussi la tristesse. 

"C’était gai de franchir la ligne d’arrivée, car j’en avais marre. C’était super long. Il y avait pas mal de zones sans vent donc c’était dur. Mais en même temps, j’étais triste d’arriver car ça signifiait la fin de mon projet et que je n’allais plus naviguer sur mon bateau sur lequel j’avais vécu beaucoup de moments forts durant deux ans."

Elle n'est en tout cas pas prête d'arrêter sa plus grande passion. "J’ai d’autres projets en tête mais ce n’est pas encore concret."


©Instagram/Bapstiste Blanchard 


©Instagram/Baptiste Blanchard 

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