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Maximilien est en colère sur Infrabel: "En une journée, tout y est passé, ils ont tout coupé"

Depuis de nombreuses années, Maximilien et sa famille profitent des soirées d’été dans leur jardin. Un petit coin de paradis entouré d’une végétation abondante. Cette année, les barbecues auront lieu dans une autre ambiance. Avec une moins jolie vue et un sale bruit de fond.

Cela fait une petite dizaine d’années que Maximilien vit dans cette maison de caractère, au cœur de Rhode-Saint-Genèse dans la périphérie de Bruxelles. C’est un petit écrin de verdure, sa propriété est séparée de celle de sa voisine par une large haie. Au fond du jardin, derrière un abri et un trampoline, plusieurs arbres s’élèvent. Ils constituent une frontière naturelle, une barrière autant visuelle que sonore avec le chemin de fer tout proche. Ou plutôt 'constituaient’. Parce que depuis le mois de janvier et le nettoyage du talus ferroviaire, la vue du jardin de Maximilien se limite à deux cabines électriques et aux trains de passage sur la ligne Bruxelles-Nivelles.

"Par la force des choses, les arbres poussent à la verticale et n’ont jamais gêné la voie ferrée, précise notre témoin. Au contraire, on habite à 400 mètres de la gare. Mes enfants vont à l’école en train, mon épouse va travailler en train. Jusqu’au mois de janvier, j’avais les avantages au niveau mobilité sans souffrir d’aucun désagrément visuel ou sonore". Et puis en janvier, la tranquillité de ce quartier bordé par la ligne 124 a été chamboulée.


Le talus ferroviaire, après la coupe

Pour bien comprendre la situation, il faut d’abord poser le décor. Le fond des jardins de Maximilien et de ses voisins est bordé par une servitude qui appartient à Infrabel.

Derrière cette servitude de 4-5 mètres de large, il y a la ligne de chemin de fer.

La servitude et les rails se trouvent à une trentaine de mètres de la maison. À cet endroit, le chemin de fer est surélevé par rapport au reste du terrain. Les voies sont en surplomb, en haut d’un talus ferroviaire. Ce talus et cette servitude, il faut les entretenir. Cela fait partie des missions d’Infrabel. Dans quel but? Assurer un maximum de sécurité. "Notre souci, c’est d’éviter que le végétation atteigne des hauteurs disproportionnées. S’il y a du vent par exemple, des dégâts importants peuvent survenir assez rapidement comme des branches dans les caténaires ou des arbres sur les voies" précise Frédéric Sacré, porte-parole du gestionnaire du réseau ferroviaire. C’est pourquoi Infrabel mène, en permanence, des opérations de ce genre.

Notre témoin en est certain, il y a toujours eu des arbres sur cette servitude. "Certains d'entre eux avaient plusieurs dizaines d’années, avec des diamètres de troncs conséquents. En neuf ans que j’habite ici, je n’ai jamais vu personne d’Infrabel procéder à un entretien des arbres. Pour venir tondre la servitude, oui ; mais pas pour les arbres".

Pourtant, le protocole d’entretien d’Infrabel est le suivant : "Sur un même secteur, on coupe sur une longueur maximale de 200 mètres par an, explique Frédéric Sacré. L’année suivante, on fait les 200 mètres d’après et ainsi de suite. En cinq ans, cela nous permet de traiter l’ensemble de la végétation d’un kilomètre sans avoir eu à tout raser en une fois". Et pour gêner au minimum les riverains, Infrabel veille à alterner les côtés où l’entretien est fait. "On ne va pas raser une portion qui se trouve en face d’une portion qui a déjà été nettoyée. On s’arrange pour ne pas faire coïncider les zones rasées de part et d’autre des rails".


Le jardin de Maximilien avant la coupe

Le jardin de Maximilien après la coupe

D’après Maximilien, l’élagage ne s’est pas exactement déroulé de cette façon. "Un jour de janvier, on a vu débarquer du personnel d’Infrabel. Ils nous ont dit que des travaux de coupe dans la servitude allaient être réalisés dans la servitude dans le courant de la semaine. Il n’y a pas eu de communication. Même pas un courrier dans la boîte aux lettres. Et le lendemain les équipes étaient sur place". Des équipes qui, selon Maximilien, n’ont pas traîné. "Devant chez nous, du jour au lendemain, tout y est passé. Ils ont tout coupé. Il y avait des mètres cube et des mètres cubes de bois".

Mais Infrabel assure être en ordre et avoir respecté les législations en la matière. "Dans le cas qui nous occupe, nous nous trouvons en région flamande, explique Frédéric Sacré. Les règles à respecter sont différentes en fonction des régions. Pour la Flandre, il faut obtenir un permis d’urbanisme auprès de la Région. Nous l’avons obtenu et ce permis d’urbanisme autorise la mise à blanc. De plus, je rappelle qu’il ne s’agit pas d’une zone verte protégée mais d’un talus qui appartient à Infrabel. La Région exige un permis, il nous a été délivré et les travaux ont été réalisés en totale conformité avec ce permis d’urbanisme". En ce qui concerne la Région Wallonne, les règles sont plus floues : "Il n’y a pas de règle théorique générale comme en Flandre, c’est au cas par cas en fonction des spécificités de la zone sur laquelle nous souhaitons intervenir".

Le gestionnaire du réseau ferroviaire estime donc avoir agi en totale légalité. Ce qui n’empêche pas Frédéric Sacré de comprendre l’émotion des riverains. "Nous comprenons l’émoi et la sensibilité, mais nous avons respecté le permis. On nous a dit que certains arbres coupés n’étaient pas si grands et ne représentaient pas un danger. Mais il faut comprendre que la végétation, ça pousse vite et que si on ne passe qu’une fois tous les cinq ans, on ne peut pas se permettre de ne couper que les grands arbres. C’est une question de sécurité, il faut intervenir avant". Par ailleurs, il précise également que la législation n’impose pas à Infrabel de prévenir les riverains.

Un autre désagrément avancé par Maximilien, c’est la pollution sonore et visuelle créée par la disparition des arbres. "En plus du bruit qui n’est pas très agréable, cela implique une perte de valeur du bien, que j’estime entre 10 et 20%. Je pense également que cela augmente le risque de cambriolage, nos maisons étant visibles de n’importe quel occupant du train".

Des arguments qui ne convainquent pas Frédéric Sacré d'Infrabel : "Je pense qu’il y a un aspect essentiellement esthétique. La végétation constituait certes un écran visuel mais je ne pense pas qu’une rangée de deux ou trois arbres d’épaisseur puisse vraiment faire office d’écran sonore"


Avec son pied comme comparatif, Maximilien démontre la largeur des souches

Pour illustrer la bonne volonté d’Infrabel, Frédéric Sacré ajoute une précision : "une des riveraines nous avait contacté pour signaler une haie de lauriers plantée à la limite du terrain ferroviaire par le propriétaire précédent. Elle n’avait pas de trace d’un arrangement passé entre cette personne et Infrabel mais comme il s’agit d’un arbre solide qui ne pousse pas trop haut, le laurier ne représentait pas une menace pour la sécurité ferroviaire". Ils se mettent donc d’accord sur le fait de ne pas toucher au laurier. Arrangement que l’entrepreneur n’a pas respecté ; il a coupé le laurier. "Nous sommes des gens de parole, précise Frédéric Sacré. On lui a promis que la haie sera remplacée. L’entrepreneur avait déjà replanté quelque chose mais le geste ne nous satisfaisait pas, il avait planté des pousses minuscules. Nous allons nous assurer qu’il replace des plants de taille satisfaisante".

L’argumentaire ne séduit pas Maximilien. Lui tient plutôt à mettre en évidence le contexte : "On parle beaucoup de cette ligne à cause des travaux du RER qui doivent s’y faire. On parle de protection de l’environnement et on coupe des arbres de manière déraisonnée. Mon objectif, c’est d’obtenir réparation. Pas un dédommagement financier, mais qu’ils replantent quelque chose". Qu’il puisse retrouver la situation d’avant. Celle où le bourdonnement des trains ne trouble pas ses longues soirées d’été.

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