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Mike, agent immobilier le jour et transformiste le soir: "Quand je fais le premier trait de maquillage sur mon visage, je deviens une autre personne"

Mike Schmitz a 39 ans et habite au Grand-Duché du Luxembourg. Agent immobilier au quotidien, il vit sa véritable passion une fois la nuit tombée: le transformisme. Depuis 22 ans, il fait partie de la troupe La Fada's Family, qui sillonne le Grand-Duché et la Belgique pour des spectacles. Le Luxembourgeois nous fait découvrir l'envers du décor de ce monde de strass et de paillettes.

"Je m’appelle Mike, j’ai 39 ans, je suis agent immobilier de métier et j’ai une passion très particulière : je suis transformiste." Mike Schmitz nous ouvre les portes de sa maison, au Grand-Duché du Luxembourg, pour vous faire découvrir son univers. "Je vais vous emmener dans ce monde de paillettes, de strass, de plumes, de perruques et je vais vous dévoiler tous les petits secrets des transformistes que vous pouvez voir en spectacle."


"Ici, c’est un peu ma caverne d’Ali Baba" : nous sommes dans l’une des chambres de la maison de Mike Schmitz. Plusieurs armoires renferment les trésors du Luxembourgeois de 39 ans. Dans l’une d’elles, une centaine de perruques. Sylvie Vartan, Madonna, Jennifer Lopez, Marilyn Monroe, Michael Jackson "et l’incontournable des années 80, Boy George. Toutes ces perruques, ce sont des artistes que je représente sur scène".

Vous pouvez faire de magnifiques fesses avec de fausses hanches. On les enfile et on a les fesses de chaque artiste que l’on souhaite représenter

Viennent ensuite les chaussures. Mike en possède 200 paires au total, avec des talons qui frôlent parfois les 20 cm de haut. "Vous vous êtes peut-être posé la question : pourquoi les transformistes ont-ils toujours de belles jambes ?" Non, ce ne sont pas uniquement les talons qui créent l’illusion. "C’est la souffrance du transformiste durant un spectacle. Les belles jambes ne viennent pas de nulle part. On enfile plein de collants en élasthanne, une matière très ferme et très dure. Si vous mettez quatre paires comme celles-là, une taille 40 passe à une taille 38, c’est assuré !"

Pour les fesses aussi, il y a un secret. "Vous pouvez faire de magnifiques fesses avec de fausses hanches. On les enfile et on a les fesses de chaque artiste que l’on souhaite représenter. Seul bémol, il ne faut pas ramener un garçon à la maison parce que si vous le faites, il aura un choc lorsque vous vous déshabillerez parce que ça, ça ressemble à Bridget Jones (et sa célèbre culotte de grand-mère effet ventre plat)."

Dans cette chambre, Mike stocke aussi plumes et bijoux, tous plus scintillants les uns que les autres. Une autre pièce abrite quant à elle les quelque 200 costumes. "Chaque housse correspond à un artiste différent et je peux en incarner une cinquantaine." Parmi eux, le légendaire Michel Jackson. "C’est l’un des premiers numéros que j’ai faits, "Black & White", donc j’ai la veste à sequins avec le bandeau argent, le t-shirt blanc, le pantalon noir et le fameux gant qui ne doit pas manquer."

Repéré à 17 ans

Attiré depuis longtemps par la féminité, Mike faisait du théâtre lorsqu’il était enfant. Il aimait s’habiller en femme et se mettre en scène. À 16 ans, il fait de la danse classique et de la gymnastique artistique. À 17 ans, il enfile une robe pour la première fois. "C’était avec le Rebecca Show, un spectacle de  transformistes. Je me suis produit dans une boîte gay et mon premier numéro, c’était Whitney Houston, pour 'I Will Always Love You'". C’est cette chanson qui lui a permis d’être repéré par Jean-Marie, chef de la Fada’s Family à l’époque. "Je suis entré dans la troupe et c’est là que tout a commencé."

Je me suis produit dans une boîte gay et mon premier numéro, c’était Whitney Houston, pour 'I Will Always Love You'

La Fada’s Family est une troupe de transformistes qui existe depuis 1978. Elle a été fondée par quatre artistes : Roby, Jean-Marie, Madame Gusty et Marcel. "Je fais partie de cette troupe depuis 22 ans, je la gère et je fais de mon mieux pour la faire tenir au jour le jour." Aucun des membres fondateurs n'est encore présent à l'heure actuelle.  Aujourd’hui, huit artistes composent la Fada’s Family : Mike, Josy, Thierry, Alain, Laurent, Claude, Kevin, Cédric et Jean-Marie.

En 42 ans, et sous l’impulsion de Mike, la troupe a beaucoup évolué. "C’est devenu un business. Nous faisons entre 100 et 150 spectacles par an, en Belgique et au Luxembourg. Depuis que j’ai pris la Fada’s Family en main (Mike est aujourd’hui le plus ancien de la troupe), ça a augmenté parce que je suis quelqu’un qui n’en a jamais assez. Avant, nous nous produisions deux fois par mois et maintenant, c’est entre 4 et 8 fois par mois."

Au cours des dernières années, la Fada’s Family est devenue une référence en matière de spectacles de transformistes. Le but de la troupe est d’offrir un show de qualité accessible à tous, où la vulgarité n’a pas sa place. "Avant, le public était plus âgé, la quarantaine ou cinquantaine. Mais depuis les nouvelles séries diffusées à la télévision, comme 'Pose' ou 'Drag Queen', il y a de plus en plus de jeune public qui vient voir le spectacle. Le métier de Drag Queen commence à être tendance, c’est une mode en ce moment."

"Tout le monde me détestait parce que j’étais la nouvelle"

Ses débuts dans la troupe, Mike s’en souvient bien. "Tout le monde me détestait au Luxembourg parce que j’étais la nouvelle. Les gens disaient que j’étais à poil sur scène parce qu’à l’époque, j’avais toujours le ventre nu, les jambes nues… Je pouvais me permettre des choses comme ça. Je voulais faire quelque chose de nouveau et les gens me critiquaient. Puis peu à peu, j’ai pris ma place."

Sa rencontre avec Alain, membre de la Fada’s Family, a eu un grand impact sur sa carrière. "Il m’a montré la voie de la performance sur scène, car cela manquait au Luxembourg. La véritable performance d’artiste, comme on la connait au Cabaret Michou à Paris, je l’ai vraiment apprise au Coco Bar à Bruxelles, grâce à lui. C’est comme ça que je me suis développé et que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui."

Huit heures de travail pour un seul show

Nous sommes à présent dans un restaurant de Bertrange, au Grand-Duché du Luxembourg. Ce soir, Mike et la troupe se produisent ici. Chaque représentation demande une grande organisation et plusieurs heures de travail. "Il faut d’abord compter deux heures pour préparer les affaires et les emmener sur place, deux heures pour se préparer avant de monter sur scène, puis il y a le spectacle, et ensuite, on range et on nettoie. Cela représente donc 8 heures de travail."

Le premier maquillage prend lui-même un peu plus d’une heure. Cette fois, c’est en Céline Dion que Mike se transforme. "Depuis que je fais les spectacles, je me suis maquillé et démaquillé plus de mille fois. Entre les tableaux, on doit complètement changer de look et de maquillage en trois minutes, donc il faut savoir faire les bons traits au bon moment. Sinon, c’est fichu. C’est avec le temps que c’est devenu une habitude de se maquiller." Ce soir, Mike incarnera donc Céline Dion, mais aussi Marlène Dietrich, Liza Minelli, Michèle Torr, Dalida... Il sera aussi l’une des membres d’ABBA, une Claudette de Claude François et bien d’autres personnages.


Assez timide dans la vie quotidienne, Mike devient une autre personne lorsqu’il se transforme. "Quand je commence le premier trait de maquillage sur mon visage, tout mon caractère change. Je rentre totalement dans la peau de mes personnages. D’ailleurs, je ne peux pas en faire certains si je ne suis pas dans le bon feeling. Aujourd’hui, je me sens plutôt heureux, donc je suis content de faire Céline Dion. Quand j’ai des jours de blues, j’adore faire Marlène Dietrich parce que c’est une femme très triste et très alcoolisée. Et puis, Dalida parce que c’est quelque chose qui est très demandé. Pour elle, on peut être heureux ou triste."

Aujourd’hui, je me sens plutôt heureux, donc je suis content de faire Céline Dion


Bruxelles, capitale du transformisme

La Fada’s Family se produit au Grand-Duché du Luxembourg et en Belgique. Mike a d’ailleurs un attachement particulier pour notre capitale. "Bruxelles, ce n’est plus comme avant. C’était le Coco Bar, Chez Maman, Le Grand Escalier, tous les grands cabarets. C’était vraiment le top du top. Si vous vouliez voir un beau spectacle, il fallait aller à Bruxelles. Même s’il n’y a plus grand-chose aujourd’hui, ça reste tout de même la capitale du transformisme." C’est en effet là que Mike se fournit pour ses perruques. Il a également une couturière à Bruxelles, ainsi qu’une autre au Luxembourg. "Avant, je faisais beaucoup moi-même, mais je n’ai plus le temps."

Le transformisme et la Fada’s Family représentent en effet 70% de l’emploi du temps de Mike. "C’est là tous les jours. Il y a la préparation de soi-même, les nouveaux spectacles, les nouvelles danses, les voyages pour trouver des idées… C’est quelque chose qui prend beaucoup de temps." Même s’il est parfois difficile pour l’artiste de combiner son métier d’agent immobilier, sa passion et sa vie privée, il ne compte pas s’arrêter… avant une vingtaine d'années. "Il y a une équipe derrière moi, je dois être présent et je ne dois surtout pas décevoir notre public. Voilà pourquoi je suis encore là avec tant d’enthousiasme. Si je le fais jusqu’à 70 ans, je serai fier", nous confie Mike juste avant de monter sur scène pour assurer le show. Un spectacle de trois heures entrecoupé d’un entracte, qui se finit sous les acclamations du public.


 

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