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Partie chercher sa grand-mère en Ukraine, Innessa vit un véritable périple pour rentrer en Belgique: "C'est le chaos, personne ne sait où aller"

La guerre en Ukraine pousse des milliers d'Ukrainiens à tout quitter pour se réfugier à l'ouest. Innessa, une courageuse Belge d'origine ukrainienne a pourtant décidé de prendre la route pour aller y chercher sa grand-mère. Au retour, elle a été confrontée aux difficultés administratives que rencontrent les réfugiés.

Lorsque la situation en Ukraine est devenue critique la semaine passée, Innessa, une policière belge de 34 ans d'origine ukrainienne, n'a pas hésité une seconde avant de prendre ses affaires, sauter dans sa voiture avec son mari et sa mère, pour aller chercher sa famille. "Dès que ça s'est déclenché, on est partis quasi instantanément, on a pris un sac à dos avec quelques affaires d'urgence, nos passeports, on a déposé notre fille de deux ans chez ses grands-parents et on est partis" nous raconte-t-elle. Sa grand-mère, sa tante et son cousin se trouvaient dans un village près de Vinnytsia, non loin de la frontière moldave.

Une fois arrivée en Ukraine, Innessa passe par de multiples checkpoints, elle tente de choisir le chemin le plus court, mais le plus sécurisé. Heureusement, la ville où vivait sa famille est encore relativement calme à ce moment-là, "mais à deux kilomètres, un commando tchétchène a été parachuté". La policière ne reste pas longtemps à Vinnytsia, juste le temps de prendre sa famille en voiture. Une fois sa famille embarquée, elle ne s'arrête pas là : "Comme on avait encore deux places de libres, nous avons aussi pris une dame avec sa fille de 13 ans. Elle avait fui Kharkiv, qui avait été bombardé. (…) Vous savez, quand on sait que le pays manque de carburant, que la plupart des personnes ne peuvent pas sortir, je vous avoue qu'on n'hésite pas, on prend".

Un véritable périple au retour

Pensant que le plus dur est derrière elle, les ennuis ne font en réalité que commencer. "On a réussi à franchir la frontière via la Moldavie. C'était compliqué, ils nous ont demandé de payer pour prendre l'autoroute, en disant que si on ne le fait pas, on aurait des amendes, mais en fait il, n'en est rien". Après la Moldavie, direction la Roumanie, "on a été super bien accueillis, et on y a passé la nuit en espérant rejoindre la Hongrie".

Voulant partir au plus vite, et enfin rentrer en Belgique, Innessa déchante vite lorsqu'elle rencontre les gardes-frontière hongrois. "À la frontière on nous a dits qu'elle est fermée, qu'on doit faire un détour de deux heures vers Bors". Innessa, sa famille, et les réfugiés recueillis, partent donc rejoindre cette ville roumaine. Ils y voient une file de plusieurs heures. Une fois arrivés au poste-frontière, c'est le choc et l'incompréhension : "ma grand-mère, la dame que l'on a prise, et la mineure d'âge n'ont pas leurs papiers en ordre, et ne peuvent pas passer".

Là, Innessa ne sait plus quoi faire face à des gardes-frontières impassibles : "On leur a expliqué que c'est la guerre, que c'est tout ce que l'on peut faire, mais ils nous ont dit que l'on peut faire demi-tour". Une situation révoltante selon elle, car en Ukraine, il est très courant de ne pas posséder de passeports internationaux, "il n'est octroyé qu'à partir de 14 ans. Donc tous les mineurs n'ont pas de passeports, et les personnes âgées qui ne voyagent pas, qui vivent dans les villages n'en ont pas non plus. Tous ces gens-là ont dû faire demi-tour pendant la nuit". Elle dit avoir vu des cars remplis d'enfants, ne pas pouvoir passer la frontière non plus.

Coincés en Roumanie, ils n'ont plus d'autre choix que d'attendre. "On s'est débrouillés par nous-même pour trouver un logement, nous n'avons pas su manger. Je suppose que c'est le cas de tous ceux qui sont dans notre cas". Démunis, les réfugiés envisagent même de tenter de passer plutôt par la Slovaquie, "ce qui veut dire qu’on doit rentrer en Ukraine, en zone de guerre, pour peut-être pouvoir passer par là".

C'est le chaos, chacun pour soi, rien n'est organisé correctement. Personne ne sait où aller. Certains Ukrainiens ne parlent pas anglais et certains gardes-frontières non plus

Chaos en Hongrie

Par chance, un appel à l'ambassade de Belgique en Hongrie leur a apporté une bonne nouvelle : "On nous a dit que la frontière a été fermée pendant plusieurs heures, mais que maintenant elle est ouverte. On a retenté notre chance, et là, on nous a dit qu'il fallait aller à Debrecen (en Hongrie, ndlr) à l'office des étrangers, pour avoir des papiers provisoires". Un petit peu rassurée, mais toujours inquiète, Innessa ne peut s'empêcher de penser à tous ceux qui ont été refoulés à la frontière, et qui ont dû rebrousser chemin "je ne sais pas où ils se trouvent actuellement".

Ce n'est pas le cas de tout le monde, mais Innessa dispose d'une voiture, et a pu s'y rendre, elle regrette qu'une fois encore, les réfugiés soient livrés à eux-mêmes : "On nous a donné une adresse, et maintenant "tirez votre plan". Rien n'est organisé pour rejoindre cette ville qui est à 74km". Durant les longues heures qu'Innessa a passées à l'office des étrangers, à attendre désespérément que l'on donne des papiers à sa famille et à ceux qu'elle tente de sauver, elle a été témoin du désordre autour d'elle, "c'est le chaos, chacun pour soi, rien n'est organisé correctement. Personne ne sait où aller. Certains Ukrainiens ne parlent pas anglais et certains gardes-frontières non plus".

Au téléphone, Innessa s'est dit épuisée, tout comme le reste de sa famille. Partie de Belgique vendredi passé avec son mari et sa mère, elle est sur la route depuis une semaine, et dit avoir roulé 10 à 13h par jours. En Roumanie, elle s'était retrouvée à l'hôpital, après avoir perdu connaissance trois fois.

Aux dernières nouvelles, la famille d'Innessa a su obtenir les documents nécessaires pour se diriger vers une nouvelle étape de leur long voyage : l'Autriche, "ce sera le dernier stress normalement".

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