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Pascal "choqué" par une affiche mise en avant par sa pharmacienne et liée à la vaccination des enfants: "Je trouve cela déplacé"

Pascal (nom d’emprunt), 30 ans, habitant la région liégeoise a été interpellé en se rendant à la pharmacie de son quartier pour se procurer des masques. Il a aperçu cette affiche (voir illustration de l’article) remettant en cause la vaccination des enfants et des adolescents. Sur cette photo, on peut voir une mère embrasser sa fille avec le slogan : "Je l’aime. J’attends la fin des essais cliniques."

Une série de points est alors énumérée à l’attention des parents :

Pour lui, pour elle, je me renseigne:

  • Le Covid n’est pas une maladie grave chez l’enfant.
  • Les enfants contaminent très peu.
  • Le traitement symptomatique suffit.
  • Leur système immunitaire est suffisamment efficace.
  • Pas de bénéfices directs prouvé pour eux.
  • Mauvaise connaissance des effets à long terme

Restons prudents 

Un QR code est ajouté à cette affiche, renvoyant à un article du site internet France Soir. Remarque importante: le site FranceSoir.fr n'est pas la vitrine du quotidien France-Soir, disparu en 2011, mais un site mettant en avant des théories controversées, ayant une ligne éditoriale orientée et souvent taxée de complotiste. 

C'est un peu gros de trouver cela dans une officine

Si Pascal a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous, c’est parce qu’il trouve que "c’est quand même gros de trouver une telle affiche sur le comptoir d’une officine".

"Je trouve cela déplacé"

"Les gouvernements préconisent la vaccination, et là je vois cela et je me dis 'bizarre'… Mon filleul de 10 ans est lui-même tombé malade la semaine dernière et il a eu des douleurs musculaires et du mal à respirer alors qu’il est en bonne santé. Non, les enfants n’ont pas rien. Je trouve cela un peu déplacé de disposer une telle affiche sur le comptoir d’une pharmacie. Si on ne s’investit pas un peu tous, on ne va pas en sortir de cette pandémie. Cela me semble une évidence. Pendant des mois, ma grande crainte a été de ramener le coronavirus à ma mère qui souffre d’une fibrose pulmonaire. Dès qu’il a été question de vaccination, j’ai été pour. Avec les technologies actuelles, cela ne me semblait pas anormal que le vaccin soit disponible si rapidement. Je fais confiance aux scientifiques et aux experts qui ont développé ces vaccins", nous développe Pascal, outré. Il nous confie avoir écrit une lettre au vice-Premier ministre et ministre de la Santé Frank Vandenbrouck pour l'informer qu'il avait trouvé cela déplacé.

Je ne suis pas du tout anti vaccin

La pharmacienne assume et s'explique

Nous avons contacté la pharmacienne qui a affiché ce poster sur son comptoir. Elle a accepté de répondre à nos questions. Et a justifié pourquoi elle avait tenu à mettre ce poster en évidence, visible par tous ses clients. "J'assume tout à fait et sachez que je ne suis pas du tout anti vaccin", précise-t-elle d’emblée. "Et d'ailleurs, je suis très contente que les gens l’aient vu. En tant que scientifique et pharmacienne, je suis pour la vaccination des personnes à risque. Mais je souhaite que les gens se posent des questions et en affichant un tel poster, je veux susciter le questionnement parmi ma clientèle. J’entends beaucoup de mes clients qui disent: 'Je vaccine mes enfants pour protéger mes parents, parce que les grands-parents s’occupent souvent de leur progéniture'. Mais si les grands-parents sont déjà vaccinés, est-ce vraiment nécessaire? De plus, je ne comprends pas qu’on propose de vacciner les enfants dès 5 ans, qui n’ont pas de problème de santé. Tout doit revenir aux médecins généralistes ou aux pédiatres qui connaissent les dossiers médicaux des enfants. Il ne faut pas foncer tête baissée", nous martèle-t-elle.

Selon cette scientifique, le vaccin n'est pas comparable aux autres vaccins. "Selon moi, le vaccin du Covid n’est pas un vaccin qu’on peut comparer à la variole, qui est une maladie qui n’évolue plus. Le Covid évolue, on le voit par exemple avec le variant omicron. Il faut savoir que l’immunité des enfants est 10 fois plus efficace que celle d’un adulte. Je suis du coup très sceptique et même un peu triste quand je vois les campagnes de vaccination pour les enfants banalisées avec des clowns. Il faut ré-flé-chir", insiste la Liégeoise.

Selon cette pharmacienne, dix autres officines de la région ont également mis cette affiche en évidence dans leur établissement. "On l'a ramenée de France et on s'est dit entre nous que c'était une bonne idée...", conclut-elle.

Association des Pharmaciens: "Il faut suivre les directives de Sciensano"

Nous avons montré cette affiche à Nicolas Echement, secrétaire général de l'APB (l'Association Pharmaceutique Belge). Celui-ci n'était pas au courant que de tels posters avaient été placardés dans certaines pharmacies. "Si cela ne concerne qu'une dizaine d'officines, comme le dit cette dame, cela équivaut vraiment un tout petit groupe de pharmacies sachant que la Belgique en compte au total 4.800". Et de confirmer la position de l'Association Pharmaceutique Belge par rapport à la vaccination des enfants: "Ce que nous recommandons à nos pharmacies, c'est de suivre les directives de Sciensano, c'est donc de vacciner les enfants à partir de 5 ans."

Notre interlocuteur relativise la présence de cette affiche dans un lieu formel: "Chacun est libre d'avoir son opinion, et si elle souhaite l'afficher dans son établissement, c'est son choix", explique Nicolas Echement. 

Nous avons également soumis cette affiche à la connaissance de Michel Kohl, président de l'Association des pharmacies de la province de Liège, qui a tenu à réagir sur le contenu de l'affiche. En effet, le slogan stipule: "Je l'aime. J'attends la fin des essais cliniques." Le scientifique précise que l'Agence européenne des médicaments a attendu la fin des essais cliniques pour valider la vaccination des enfants au Covid-19: "Comme tous les médicaments, les différents vaccins COVID-19 sont testés en laboratoire dans le cadre d’études précliniques et cliniques (phases 1, 2 et 3). À chaque étape, les mêmes exigences strictes continuent de s’appliquer comme pour tous les autres médicaments à destination des patients. Ils sont également testés sur un large public-cible. L’Agence européenne des médicaments (EMA) a recueilli les avis d’experts indépendants chargés d’examiner les procédures d’évaluation des vaccins COVID-19. Les vaccins Covid-19 ont été approuvés par cette commission européenne des médicaments", conclut-il, souhaitant clarifier ce point pour ceux qui seraient encore méfiants.

Le Ministère de la Santé "préoccupé"

Le cabinet de Frank Vandenbroucke, le ministre fédéral de la Santé, n'était pas au courant qu'une telle affiche circulait. Soumis à l'attention du Ministre, sa porte-parole France Dammel nous répond ceci: "Nous sommes préoccupés que ce genre d’informations totalement non fondées sur le plan scientifique soient diffusées via une pharmacie. Rappelons que le pharmacien est un professionnel de la santé qui jouit d’une grande légitimité auprès de ses patients. Nous allons le signaler à l’Ordre des Pharmaciens."

L'ordre des pharmaciens explique les sanctions possibles

Nous avons également soumis à l'Ordre des Pharmaciens l'affiche qu'a photographié Pascal. Pour rappel, "l’Ordre des pharmaciens est investi d’une mission d’intérêt général/public dans un but de protection de la santé publique : il crée les conditions morales et sociales nécessaires à la confiance du patient et de la société dans la profession de pharmacien", peut-on lire dans le courrier de réponse de l'Ordre envoyé à la rédaction de RTL info. 

Dans cette réponse, l'Ordre rappelle que "dans le cadre de son rôle de dispensateur de soins, chargé de promouvoir la santé et de prévenir la maladie, le pharmacien peut diffuser dans et en dehors de la pharmacie toute information objective utile qui soutient la qualité des soins dans l’intérêt du patient".  

Cependant, il y a des règles. "Le pharmacien doit se fonder sur sa formation scientifique et faire preuve d’un esprit critique (Code de déontologie pharmaceutique, art. 6 ; voir aussi l’art. 90). L’information diffusée doit être véridique, honnête, vérifiable et compréhensible pour le patient (Code de déontologie pharmaceutique, art. 9 et 95) ; elle ne peut nuire à la relation de confiance entre le patient et le pharmacien, tant au niveau du contenu (Code de déontologie pharmaceutique, art. 96), que de la forme, qui doit rester conforme à l’image attendue de la profession (Code de déontologie pharmaceutique, art. 97). Elle veille également à ne pas ébranler la confiance du patient envers les médecins et les autres prestataires de soins (Code de déontologie pharmaceutique, art. 59)", nous a expliqué l'Ordre. 

La situation se complique donc pour la pharmacienne de Pascal. Mais que risque-t-elle ? "Si un patient estime qu’un pharmacien a agi en contrariété avec ces principes, il peut déposer une plainte auprès du Conseil provincial dont dépend le pharmacien concerné (...) Une procédure disciplinaire sera engagée contre le pharmacien (...) Le Conseil provincial investigue et décide en toute indépendance dans les affaires qui lui sont soumises. S’il estime qu’une sanction est indiquée, en fonction des circonstances de l’espèce, il pourra prononcer une des sanctions suivantes : avertissement, censure, réprimande, suspension du droit d’exercer de 1 jour à 2 ans, radiation du tableau de l’Ordre"

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