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Patrick craint pour sa passion de radioamateur: "On veut nous descendre à 10 watts, on ne saurait plus rien capter"

C’est une passion que beaucoup ne connaissent pas, ou très peu: le radioamateurisme. Patrick a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous, tout d’abord pour nous parler de son hobby quotidien. Mais aussi parce qu’il est inquiet pour son avenir. L’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications (IBPT), qui gère et octroie les autorisations, pourrait changer les règles. L’institut, de son côté, se veut rassurant.

Patrick habite Hersal. Il a toujours été intéressé par l’univers du radioamateurisme. "J’en fais vraiment depuis environ 5 ans, c’est réellement un hobby", explique-t-il. Chaque jour, il se met devant son ordinateur et ses appareils radio, pour tenter de contacter de nouvelles personnes. Il expérimente ainsi toutes les techniques de transmission radio, notamment grâce aux satellites.

"Mon plaisir, c’est de contacter des pays le plus loin possible". Chaque contact qu’il arrive à lier est comme un petit trophée. "Quand vous réussissez à communiquer avec par exemple un château en France, vous recevez souvent en retour une sorte de diplôme, ou une carte. Elle stipule que vous avez bien eu le contact. En fait, chacun fait une carte personnalisée, vous pouvez par exemple y mettre une photo, avec votre matériel".

La pratique est tout à faire courante. "Les radioamateurs s’envoient souvent, après un échange, une carte postale confirmant le contact", explique Jimmy Smedts, porte-parole de l’IBPT, l’Institut Belge des services Postaux et des Télécommunications, qui octroie les autorisations et certificats aux radioamateurs. "Ils collectionnent donc des contacts et des cartes du monde entier". C’est donc ce que fait Patrick. "C’est un plaisir de garder les plus belles cartes, et de se rappeler qu’avec son appareil, son antenne, on a pu joindre tel ou tel endroit. J’ai eu le Japon, l’Amérique, les îles comme la Martinique", se souvient-il.


Certains contactent les astronautes!

La passion de Patrick l’accompagne chaque jour. "C’est normal, c’est un hobby", s’exclame-t-il. "Quand on ne travaille pas, eh bien dès le matin, on allume les appareils. Et on voit alors ce qu’il y a de bon à faire, quels contacts on pourrait prendre". Avec le décalage horaire, il est tout à fait possible de ne jamais s’arrêter. "Le soir, par exemple, il y a l’Amérique, donc on peut rester très tard debout". Il est obligé de consigner tout ce qu’il fait. "J’ai un logbook. La loi oblige de tout marquer: la fréquence, l’heure et qui on contacte".

Beaucoup ne se cantonnent pas à lier des connections avec des personnes sur la terre ferme. "Il y en a qui font aussi les bateaux, et d'autres contactent même les astronautes. On a un programme sur notre ordinateur. Il émet une sonnerie quand la station spatiale internationale est au-dessus de la Belgique. A ce moment-là, vous avez entre 5 et 10 minutes pour la contacter". L'ISS est en effet dotée d'un poste radioamateur à son bord.


Mais lorsque la liaison est faite, que font les interlocuteurs?

"Le radioamateurisme est surtout un hobby à caractère technique. Ce n’est pas un réseau social, les relations se limitent à des échanges techniques", précise Jimmy Smedts, de l’IBPT. "Quand la partie adverse vous entend et dit votre indicatif, on échange des informations techniques, comme notre locator", confirme Patrick. Il s’agit notamment de coordonnées géographiques. "Vous regardez, sur l'ordinateur, qui lance un appel. A partir de là, vous pouvez intervenir dans la conversation si vous y arrivez. Et si à ce moment-là vous voulez parler plus longtemps, vous pouvez le faire".

Tout cela permet simplement de découvrir de nouvelles personnes à distance, et de créer des liens. "Si quelqu’un d’un autre pays voit que vous êtes sur la même fréquence que lui, il vous salue. Il demande ce que vous avez comme portable, où vous habitez. Avec le programme Google, et le locator, il peut même voir où est votre maison".

Si Patrick s’est équipé au fil des années, il a débuté avec très peu de matériel. "Comme tout le monde, j’ai commencé avec la CB". La CB, abréviation anglaise de citizen-band (bande du citoyen en français) est en quelque sorte le premier outillage du débutant. Ses canaux de base sont de faible puissance, et restent assez limités au niveau des bandes hertz.


"On a suivi des cours pratiques et théoriques"

Avec sa femme, qui partage également la même passion, ils ont donc décidé d’aller plus loin. "On avait seulement un petit poste et on ne parlait qu’avec les gens de notre région. Comme on aimait bien lancer des appels avec notre appareil, on a suivi des cours pratiques et théoriques". Cela fait plusieurs années que notre alerteur a réussi son examen. "J’ai maintenant ce qu’on appelle un certificat ON3, c’est la licence la plus basse, et je ne peux pas dépasser les 50 watts de puissance".

L’inscription à un examen coûte 50€. Le radioamateur certifié qui veut utiliser son propre matériel devra débourser une seconde fois la somme, chaque année, pour recevoir une licence. Quelques personnes (comme les plus de 65 ans, ou les mineurs par exemple) peuvent être exonérés de certains frais. Le matériel reste, lui, assez cher. "Certaines antennes coûtent des milliers d’euros", relève Patrick.


Trois certificats

Pour passer les examens, les candidats doivent étudier un manuel. Il existe différents types d’examens, qui permettent d’obtenir un certificat d’opérateur. Leur classification vient d’être modifiée, en janvier dernier. Il existe maintenant trois certificats: A, B et C.

"La classe C est une classe réservée à des débutants, c’est le niveau d’accès", détaille Jimmy Smedts. Ces radioamateurs reçoivent un indicatif de lettres et de chiffres, qui commence par ON3. Ils peuvent alors émettre sur certaines bandes de fréquences, à des puissances limitées. "La classe A, appelée aussi l’HAREC, est la plus élevée". Sa puissance est plus forte. La classe B est en fait la nouveauté de cette année. "C’est une classe intermédiaire. Elle demande plus de connaissances que la classe C, mais moins que la A". Pour l’IBPT, c’est une avancée. "Avant, la différence entre les classes était trop grande. Cette classe intermédiaire permet aux amateurs d’aller plus loin dans leur hobby".

L’institut a fait ses comptes. En 2019, on dénombre 4.702 indicatifs attribués à des personnes physiques. Parmi eux, 3.394 ont une licence HAREC, et 1.191 ont une licence de base.


La puissance des radioamateurs revue à la baisse ?

Mais tous ces changements en impliquent d'autres et ils ont fait naître des inquiétudes. Patrick craint que sa passion soit menacée. "L’IBPT veut nous descendre, les ON3, à 10 watts, au lieu des 50 actuels". Pour lui, et pour tous ceux qui partagent sa passion, il s’agirait littéralement d’une catastrophe. "Avec cela, on ne saurait plus rien faire, plus rien capter", déplore-t-il. Cette annonce en décourage même certains. "A cause de cela, il y en a d’ailleurs beaucoup qui veulent quitter le monde radioamateur".

L’IBPT confirme que des adaptations sont en cours. "L’Institut travaille actuellement à l’élaboration d’une décision. Elle concerne les fréquences, les puissances et les modes d’émission qui peuvent être utilisés par les radioamateurs".

Cette réflexion est tout à fait liée aux nouvelles classes, mises en place et adaptées en début d’année. "Les puissances et les fréquences autorisées entre le ON3 et l’HAREC sont finalement pour l’instant très proches. Puisque nous avons décidé d’installer une classe intermédiaire, c’est normal d’adapter les choses, on doit faire un peu de place. On retire un peu aux ON3, à l’HAREC, pour faire de la place pour la classe B"

Pour Patrick, il lui serait vraiment très difficile de s’investir pour monter dans une classe plus élevée. "Je vais arriver sur mes 60 ans, c’est très difficile de retenir, d’étudier tout cela. A mon âge, je n’arriverais pas à étudier pour l’HAREC par exemple, parce qu’il faut retenir beaucoup de choses, plein de notions en électricité par exemple. Et puis, tout cela a aussi un coût", déplore-t-il.



"Les négociations sont toujours en cours"

Du côté de l’IBPT, on se veut toutefois rassurant. "Rien n’est encore entièrement décidé, les négociations sont toujours en cours. Et finalement, il faut noter que la différence de puissance n’est pas si énorme, même si on pense que passer de 50 watts à 10 va beaucoup changer les choses. En réalité, ce qui compte surtout, c’est le premier watt. C’est lui qui est le plus important", assure-t-on.

Voilà qui pourrait peut-être rassurer Patrick, qui espère encore longtemps vivre son hobby. "J’espère juste qu’ils ne vont pas changer. Parce que ce que je fais, c’est vraiment un échange entre passionnés", affirme-t-il. Ce qui l’encourage, le fait sourire et le rend fier, c’est que la passion se transmet dans la famille. "Mon fils de 12 ans est déjà très intéressé, et il pense même suivre bientôt les cours".

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