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Son père endetté est mort mais Philippe, un habitant de Jette, peut REFUSER L'HÉRITAGE: comment?

Afin de désengorger les tribunaux, une nouvelle loi veut que la renonciation à un héritage ait lieu chez le notaire et non plus au greffe du tribunal de première instance. Dans un premier temps, Philippe a cru que cela lui coûterait de l'argent. Mais le notaire ne peut rien lui réclamer s'il répond à trois conditions. Explications.

La semaine a été difficile pour Philippe. Il y a quelques jours, cet habitant de Jette a appris le décès de son père. "Je n’avais plus aucun contact avec lui depuis au moins 35 ans, nous explique-t-il après nous avoir écrit via notre page Alertez-nous. Il ne s’est jamais occupé de moi".

Mais, rapidement, les tracasseries administratives apparaissent : il faut régler la succession. Cette tâche, souvent confiée au notaire, aboutit au partage des biens ou des dettes du défunt entre ses héritiers.

Et pour Philippe, la situation ne s’annonce pas avantageuse. "Je savais très bien que de son côté, il n’y avait que des dettes", poursuit-il.


En cas de dettes, il est possible de refuser l’héritage

Philippe et sa soeur ont le bon réflexe : pour ne pas être tenus de rembourser les dettes contractées par leur père de son vivant, les deux héritiers décident de refuser l’héritage. En faisant ce choix, ils se libèrent de toutes les dettes de la succession. "Ma sœur et moi avons donc entrepris des démarches pour refuser son héritage afin de ne pas devoir payer les arriérés, raconte Philippe. Mais quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que pour refuser un héritage, il faudrait apparemment payer !".


La loi a changé: il faut désormais aller chez le notaire

Philippe et sa sœur sont surpris. Ils demandent confirmation auprès d’un notaire par téléphone. "On nous explique qu’avant, il suffisait d’aller au tribunal avec sa carte d’identité pour renoncer à une succession, relate Philippe. Mais la loi a apparemment changé et maintenant on doit aller chez le notaire".

La Fédération royale du notariat belge confirme. "Depuis le 3 août 2017, une nouvelle loi est effectivement entrée en vigueur, explique Sébastien Dupuis, notaire. Il n'est plus possible d'accepter une succession ou d'y renoncer auprès du greffe du tribunal de première instance comme c’était le cas auparavant. Désormais, cela se fait exclusivement par déclaration auprès d'un notaire".

La raison? Cette loi entre dans le cadre de la simplification administrative des tribunaux et du service accru au citoyen (la loi dite Pot Pourri V). "Ce choix a été fait pour désengorger les tribunaux, soulager leur charge de travail", poursuit le notaire. Avec quels changements pour le citoyen? 


250€ pour dire « non » ?

Philippe, lui, a surtout l'impression d'assister à une augmentation du prix. "A la commune, on nous a expliqué qu’avant, il suffisait de payer 35€ de frais de dossier au tribunal, relate Philippe. Maintenant, le notaire nous explique par téléphone que les frais de dossier pourraient nous coûter un minimum de 250€ ! C’est costaud comme somme. Comment se fait-il que l’Etat belge prenne autant d'argent sur le dos de la famille d’un défunt ? C’est scandaleux".


Et pourtant, il existe un principe de gratuité !

En réalité, il existe un principe de gratuité que le notaire de Philippe semble ignorer. Néanmoins, pour que ce principe s’applique, trois conditions sont à remplir :

- L'actif de la succession à laquelle le citoyen veut renoncer est inférieur ou égal à 5.000€ (ou en tout cas, le citoyen concerné déclare sur l'honneur qu'à sa connaissance, c’est le cas).

- Aucun autre devoir complémentaire n'est demandé au notaire pour recevoir et enregistrer la renonciation.

- Le citoyen se présente en personne pour notifier sa renonciation (en effet, la rédaction d’une procuration et les taxes qui en découlent lui coûteraient une centaine d’euros).


"Il ne serait pas juste d’un point de vue social" de faire payer celui qui renonce à des dettes

Si ces trois conditions sont remplies, "l'acte de renonciation est alors entièrement gratuit et ce sont les notaires qui sont tenus de prendre les éventuels frais à leur charge", explique la Fédération royale du notariat belge par la voix de Sébastien Dupuis. La porte-parole du Service Public Fédéral Justice confirme : "La déclaration de renonciation est reçue et enregistrée gratuitement et exemptée de paiement de droit d'écriture, d’enregistrement et de frais de publication. Autrement dit, ni la personne qui renonce, ni le notaire ne paie" ces droits ou frais puisqu’ils ne sont "pas dus", éclaire Christine-Laura Kouassi, qui rappelle que "le notaire devra, quant à lui, établir l’acte gratuitement".

Le notaire de Philippe, comme tout autre notaire qui serait dans cette situation particulière, n’a donc pas le droit de lui réclamer le moindre frais. La porte-parole du Service public fédéral Justice est formelle : "Il ne serait pas juste d’un point de vue social que le successible renonçant soit tenu au paiement des droits et frais de publication de la renonciation dans ces cas souvent navrants", indique Christine-Laura Kouassi. 

En revanche, si l'actif est supérieur à 5.000€, le principe de gratuité ne s’applique plus. Le notaire est alors dans ce cas libre de demander une rémunération pour le travail effectué. Et là, c'est du cas par cas.


Philippe rencontre son notaire : "Je lui ai appris l’existence du principe de gratuité" 

Mis au courant de ces informations, Philippe les partage avec son notaire, lors de leur premier rendez-vous. "Il est allé se renseigner, est revenu, puis a dit ‘Oui, effectivement, vous m’apprenez qu’il y a un principe de gratuité qui s’applique dans votre cas', raconte Philippe. Du coup, il ne nous a rien fait payer alors qu’il nous avait dit que ça nous coûterait 250€ au moins. Il a dit qu’il allait contacter la chambre des notaires pour voir comment se faire rembourser d’éventuels frais".


La nouvelle loi? "C'est bien plus facile pour le particulier"

Au final, en quoi ce transfert de charge de travail depuis les tribunaux vers les notaires est-il bénéfique pour le citoyen ? "Pour le moment, j’y vois pas mal d’inconvénients", critique Philippe. Un constat que ne partage pas la Fédération royale du notariat belge. "C'est beaucoup plus facile car le notaire est un acteur plus proche du citoyen que le greffe du tribunal de première instance, considère Sébastien Dupuis, notaire. Avant, le citoyen devait se rendre au greffe du lieu d'ouverture de la succession, ce qui pouvait le mener à l’autre bout de la Belgique. Dorénavant, il lui suffit de se rendre chez le notaire de son choix".

"L’intervention obligatoire du notaire (…) permet une meilleure protection du justiciable, qui peut ainsi agir en connaissance de cause, ayant été conseillé quant à la portée de l’option héréditaire et aux effets de celle-ci, dans les situations concrètes, qui deviennent de plus en plus complexes", rappelle pour sa part Christine-Laura Kouassi, porte-parole du Service Public Fédéral Justice.

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