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Suivez le "parcours du combattant" de Vincenzo pour se déplacer à Liège en fauteuil roulant (vidéos)

Nous avons suivi cet habitant de Liège de son domicile jusqu'au centre-ville et inversement. Ils nous décrit ses difficultés en vidéo, entre les rues trop pentues, les trottoirs trop étroits, les arrêts de bus inaccessibles et les rampes PMR des TEC peu fiables. La Ville de Liège comme les TEC Liège-Verviers lui répondent aussi. Ils ont déjà grandement amélioré la situation et continuent les aménagements petit à petit pour rendre la Ville et ses transports en commun de plus en plus accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Vincenzo nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous : "Je suis en fauteuil roulant et je voudrais me plaindre de l'inaccessibilité de certains trottoirs et quais de bus en ville de Liège."

Nous sommes donc allés à sa rencontre pour qu'il nous montre concrètement ses difficultés au quotidien. Des difficultés qu'il a découvertes récemment, puisqu'il n'a pas toujours été en fauteuil roulant.


L'état de certaines rues et trottoirs pose problème

Tout commence en bas de chez lui. Le jeune homme habite rue Firket, une rue en pente du quartier Sainte-Marguerite, qui jouxte le centre-ville en surplomb de celui-ci.

Quitter sa rue se révèle déjà être un petit casse-tête. Il nous explique ici les difficultés rencontrées dès les premiers mètres hors de chez lui :


Une fois au pied de sa rue, il dispose de deux solutions pour descendre vers la place Saint-Lambert. Toutes les rues sont trop en pente pour qu'il puisse les emprunter sauf une, Le dimanche, quand les magasins ne sont pas ouverts, il longe la rue de Bruxelles, axe principal en voiture qui va de la place habituellement appelée "Le Cadran" jusqu'à la place Saint-Lambert. Mais cela s'avère épuisant, car il doit retenir le poids de son fauteuil et le sien en descente sur une longue distance et sur des petits pavés comme on en trouve partout dans le quartier. Diminué physiquement, il n'est pas rare qu'il préfère rester chez lui plutôt que de s'infliger ce parcours trop éprouvant.

Les autres jours de la semaine, il opte donc pour un itinéraire bis que vous voyez ci-dessus, qui passe sous la ville et qu'il nous explique ici :


Pendant son parcours, Vincenzo nous explique ce qui pose problème dans l'ensemble à Liège au niveau des voiries. On y retrouve l'état de certains trottoirs, avec des pavés qui se déchaussent et qui laissent des trous dans lesquels les roues de sa chaise peuvent se coincer. Certaines rues dont la pente trop raide empêche toute chaise roulante de circuler. Certains parcs avec du gravier au sol sont également problématiques. Il déplore aussi certains bâtiments publics inaccessibles, comme sa mairie de quartier, l'Académie des Beaux-Arts, la galerie Opéra ou la bibliothèque des Chiroux dont certaines sections ne sont pas adaptées.

Les PMR au coeur des rénovations à Liège depuis 1999

Nous avons soumis ces critiques à André Schroyen, l'échevin de l'Environnement et de la Vie sociale de Liège, qui a dans ses compétences la problématique des personnes handicapées.

Il le concède: "Je pense qu'on fait beaucoup mais il reste encore beaucoup à faire. Il y a encore des coins problématiques. Là où on aura toujours des difficultés, ce sont par exemple les rues qui montent à 7% et plus. Le trottoir, on ne sait pas le mettre à plat." La topographie de la Ville joue en effet en sa défaveur. Concernant le reste, "c'est vrai qu'au niveau des bâtiments les plus anciens, les normes n'existaient pas. La problématique est prise en compte depuis de nombreuses années mais il y a 50 ans, je ne suis pas sûr que c'était le cas…", regrette-t-il.

Mais dans l'ensemble, si Vincenzo cible forcément les problèmes qu'il rencontre, la Ville de Liège s'enorgueillit d'être justement une cité qui a pris la problématique à bras le corps depuis longtemps. En réalité, elle a entrepris de rendre toute nouvelle infrastructure, nouveau bâtiment public ou rénovation de voiries et bâtiments anciens accessibles aux PMR depuis bientôt 20 ans. Il existe donc à Liège un fossé entre le neuf et l'ancien.

André Schroyen chapeaute la structure entièrement dédiée à ces rénovations. "Depuis 1999, nous avons un service de 3 personnes, le service "Accès Plus" dédicacé à la problématique de la personne handicapée dans son ensemble, pas uniquement les personnes à mobilité réduite ou en chaise roulante. Cette cellule est composée d'un architecte, d'une sociologue et d'une assistante sociale. L'architecte a pour mission notamment de remettre des avis sur tous les permis d'urbanisme proposés pour tous bâtiments accessibles au public. Il les regarde sous le prisme de l'accessibilité et cela a pour résultat que tous les nouveaux bâtiments de Liège sont maintenant parfaitement aux normes. Il fait exactement la même chose pour tous les espaces publics. Il travaille en amont avec le bureau de voirie qui trace les nouvelles voiries, parcs et espaces publics. Toutes les réfections un peu lourdes sont évidemment complètement aux normes avec une prise en compte de l'ensemble de la problématique. C'est aussi ce service qui se charge de formations internes des personnes qui accueillent le public. Nous avons par exemple récemment mis en place un système pour que les personnes sourdes puissent disposer d'un interprète à distance via une tablette."


Le budget pour les adaptations hors gros chantiers n'est pas extensible

Et ce service ne se contente pas du strict minimum. "Nous allons même parfois plus loin que les normes, par exemple avec les bâtiments classés, pour lesquels il n'y a pas d'obligation de le rendre accessible. Mais au musée de La Boverie, nous y sommes parvenus malgré les normes, avec un ascenseur qui retombe au même point que l'escalier. Au niveau des places de parking PMR, on est largement au-dessus des normes, on en a 850. Toutes les places avec horodateurs pour handicapés sont gratuites. Au moment des grands événements aussi, comme Les Ardentes, on ajoute des places PMR supplémentaires via les petits panneaux réglementaires peu visibles, qu'on double de "big flags" (des drapeaux géants, ndlr) qui montrent qu'il s'agir de places PMR."

Vincenzo le concède, les nouveaux bâtiments sont bien pensés, comme "la Galerie Saint-Lambert et ses magasins ou la Médiacité qui est aussi accessible à 100%".

Les associations sont également entendues sur leurs revendications: "On a évidemment des contacts avec les associations via la Commission communale consultative que je préside. Toutes les 6 semaines environ, on y rencontre toutes les associations qui représentent tous les handicaps et parfois des personnes qui présentent des handicaps. Il s'agit d'un lieu d'échange pour nous faire part de leurs revendications."

Le problème, comme l'a rencontré Vincenzo quand il a signalé ses difficultés dans sa rue aux pouvoirs publics, c'est que le budget pour des petits travaux, hors grands chantiers de rénovations complètes de voiries, n'est pas bien gras : "Pour gérer ces problématiques de petits chaînons manquants, on a 50.000 à 60.000€ par an. Voilà pourquoi on essaie d'avoir une réflexion globale plutôt que de rabaisser un ou deux trottoirs par-ci par-là", explique l'échevin.

Actuellement, à Liège, "on essaie de travailler sur l'axe Guillemins-Médiacité via la nouvelle passerelle qui est accessible aux PMR. Dans les travaux actuels, on va réaliser des prolongements pour qu'ils n'aient pas à passer dans des graviers mais en asphalte coulé." Histoire de rendre tout un parcours entièrement accessibles aux PMR avant d'utiliser cette enveloppe pour en faire de même dans d'autres secteurs de la ville.

Les derniers aménagements réalisés à Liège concernent la place de l'Yser et sa Plaine de jeux, les quais de Meuse du pont de Fragnée au pont Kennedy ainsi que l'avenue Blonden, la nouvelle passerelle (Belle Liégeoise), la rue de la Casquette en piétonnier, la place Saint-Paul rendue accessible par l'aménagement de deux traversées piétonnes et un cheminement adapté aux PMR dans le bois de la Chartreuse.

Les accès aux arrêts de bus et les rampes de ceux-ci posent aussi problème

Mais il n'y a pas que les rues et bâtiments qui posent problème à Vincenzo. Reprenons son périple avec les arrêts de bus situés sur son chemin ou ceux auxquels il aurait aimé pouvoir accéder pour se déplacer plus loin que le centre-ville.

Sur cette carte, voici les principaux points noirs recensés par Vincenzo.



On le retrouve pour détailler les problèmes de ces 4 lieux où passent de très nombreux bus à Liège :


Et concernant les bus, l'accessibilité aux quais n'est pas la seule critique. Selon une connaissance de Vincenzo au sein des TEC Liège-Verviers, les trois quarts des rampes PMR dont certains bus sont équipés ne fonctionneraient pas.

Résultat: une anecdote comme celle-ci, vécue cet hiver par Vincenzo :

Les nouveaux bus des TEC plus fiables

Comme pour M. Schroyen, nous avons soumis ces critiques à Carine Zanella, la porte-parole des TEC Liège-Verviers.

Elle concède que "le dispositif des rampes automatiques est très fragile". "Mais les trois quart en panne, certainement pas. On a dédié deux personnes dans les ateliers pour l'entretien de ces rampes et on veille à ce qu'elles soient correctes. Le problème, c'est que le chauffeur vérifie si elle fonctionne au moment de démarrer son service, mais il suffit qu'une petite pierre vienne et ça enraye le système", explique-t-elle.

Sans mettre en doute la parole de l'un ou de l'autre, il faut reconnaître que sur les deux bus équipés d'une rampe PMR que nous avons pris en compagnie de Vincenzo, la rampe fonctionnait correctement à chaque fois. Cependant, son maniement a posé problème au premier chauffeur et c'est Vincenzo lui-même qui a dû lui expliquer la procédure pour qu'elle fonctionne complètement.

Les TEC vont-ils plus investir dans l'entretien de ce matériel et la formation de ses chauffeurs à son utilisation? Pas vraiment, car la solution de rechange arrive, nous explique Carine Zanella. "Ce problème ne se posera plus avec les nouveaux bus. Dans la nouvelle génération, cette rampe devrait être beaucoup plus fiable."


Les arrêts aménagés pour les PMR lors de chaque rénovation de voirie

Cependant, pour pouvoir utiliser ces rampes, il faut que le quai d'embarquement soit au bon niveau. Et ça, c'est comme avec les vieilles rues peu adaptées décrites par M. Schroyen, seuls les arrêts de bus récemment rénovés ou créés sont prévus pour ces rampes.

Résultat: "Il y a actuellement sur le réseau TEC Liège-Verviers 14 lignes qui sont accessibles aux PMR", explique la porte-parole. Pourquoi si peu ? "Car nous avons fait des audits des différentes lignes. On détermine s'il y a suffisamment d'arrêts accessibles, car déployer la lame automatique nécessite des aménagements aux arrêts."

Comment remédier à ça et étendre le réseau des bus accessibles aux fauteuils roulants? "Chaque nouvel arrêt est désormais aménagé" et lorsqu'une commune ou la Région refont une voirie, "la demande est de l'aménager quand il y a réaménagement". Donc s'il y a un arrêt de bus là où on refait une route, les TEC leur envoient une demande pour l'adapter aux bus PMR. Mais ça ne fait finalement que "une grosse dizaine d'années" qu'"on travaille à augmenter le nombre d'arrêts accessibles".

Quant aux endroits inaccessibles à cause de rampes d'accès trop raides ou inexistantes, la porte-parole concède que certains lieux sont difficilement aménageables. "Effectivement, le terminus Léopold est complexe car en courbe. Nous aux TEC, on est contraints de s'adapter au mieux à l'espace qu'on nous laisse."

Il faudra donc certainement attendre une rénovation de ces lieux problématiques par la Ville de Liège pour les voir adaptés aux PMR.


Reste à sensibiliser les commerçants et professions libérales

En attendant un mieux qui semble tout de même venir même si cela prendra du temps, il reste un point noir que Vincenzo voulait aborder : les commerces et cabinets de professions libérales, le secteur privé donc.

"Il m'est impossible de me rendre dans un centre de détatouage car ils n'ont pas d'ascenseur", déplore-t-il pour donner un exemple. "Je dois me rendre dans un autre bâtiment de ma mutuelle que celui le plus proche de chez moi car là non plus ils n'ont pas d'ascenseur. Dans deux fast food du centre-ville sur trois, les toilettes sont inaccessibles. Et les toilettes PMR sont parfois trop étroites ou pas assez profondes. Une employée a déjà dû faire écran de son corps pour qu'on ne me voie pas car avec mon fauteuil, la porte restait entrouverte. Sans oublier les commerces qui ont encore une marche voire plus pour rentrer dedans et qui me sont donc totalement inaccessibles, tout comme certains magasins de vêtements dont les rayons sont trop étroits. Sans oublier certains cinémas qui certes me sont accessibles, mais qui m'installent sur un côté tout en bas, seul, dans le chemin des personnes valides."

L'appel est donc lancé au secteur privé liégeois. À lui de jouer aussi pour rendre ses locaux PMR friendly.

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