Accueil Actu

Trois ans après l'annonce, personne n'a encore reçu le célèbre accessoire carolo de Slidenjoy : voici les explications des fondateurs (et des photos)

Entre l'idée d'un accessoire informatique d'envergure (un double écran à déplier derrière un ordinateur portable) et sa production à grande échelle, il y a un gouffre. Trois ans de prototype, de négociations, de changement de stratégie, de manque de communication. Ce qui a énervé une partie des backers, ceux qui ont précommandé Le Slide en août 2015 pour environ 320€. Mais cette-fois, nous promet Laurent Wéry, c'est la bonne.

On vous en parlé lors de l'annonce en 2015, puis l'an dernier parce que les retards en série étaient venus à bout de la patience d'une partie de ceux qui ont précommandé l'appareil. Il s'agit bien de Slidenjoy, la start-up carolo qui a eu une drôlement bonne idée en inventant un accessoire inédit pour ordinateur portable. Le Slide est un double écran qui se colle à l'arrière de l'écran principal, permettant donc de tripler la surface de travail lorsqu'on le déplie. L'aventure des deux jeunes Carolos et de leur mentor a commencé par un projet très réussi de crowdfunding ayant largement atteint le seuil de précommandes et donc d'argent nécessaire au lancement.

Ça, c'est la théorie. La pratique est nettement plus compliquée. Si on a l'idée d'une super application ou d'un petit gadget, et que le projet de financement participatif est réussi, on peut rapidement honorer ses engagements. Mais quand on veut se lancer dans la fabrication de A à Z d'un accessoire double écran à fixer et relier à un ordinateur portable, sans expérience dans le hardware (matériel informatique), c'est une aventure toute différente, qui donne l'impression de tourner au cauchemar.

"Plus aucune confiance"

En tout cas, c'est comme ça que le vit une partie des backers, ces personnes qui ont soutenu le projet sur Kickstarter sous la forme d'une précommande. "J'ai acheté le 'Slide' en août 2015, au prix de 320€, hors frais d'envoi", nous a expliqué l'un d'eux. Depuis longtemps, comme d'autres, il cherche à se faire rembourser, car il n'a "plus aucune confiance" dans l'équipe à la base du projet.

Les faits lui donnent raison: plusieurs dates de production/livraison non respectées, pas ou peu de communication envers les backers, des annonces qui ne se traduisent pas dans des faits (ligne de production à Charleroi, notamment). Il y a de quoi se poser des questions sur la capacité de mener à terme le projet, et sur la rigueur du travail effectué jusqu'ici.

Une autre personne nous a contactés récemment via le bouton orange Alertez-nous. "Qu'en est-il finalement de la société de Charleroi Slidenjoy dont vous avez parlé en 2015 puis en 2017 ? Si je me réfère à des vidéos et que je lis les commentaires, ce n'est pas très élogieux et je ne sais pas me positionner vis à vis de cela. Arnaque ou pas pour finir ?", se demande Raphaël.

Pour répondre à sa question, on a retrouvé le numéro de Slidenjoy…

Si on veut inonder le marché et produire en suffisance, c'est la meilleure option

Les créateurs se veulent toujours aussi rassurants et expliquent les délais

Nous avons donc recontacté les responsables, les trois personnes à l'origine du projet: Charlee Jeunehomme et Thomas Castro, deux jeunes "informaticiens" (spécialisés dans développement web et logiciel), encadré par Laurent Wéry, un entrepreneur plus expérimenté (mais pas dans la fabrication de matériel informatique).

En août 2017, soit deux ans après le lancement du projet sur Kickstarter, ce dernier nous assurait qu'après une présentation de prototype final au CES de janvier 2018 (un grand salon à Las Vegas), les livraisons commenceraient. Ce fut l'une des nombreuses erreurs de communication du trio d'entrepreneurs.

"En fait, on y a fait une rencontre qui a tout changé: 3NOD, une entreprise de 28.000 personnes qui fabrique du matériel, notamment pour Lenovo".

L'entreprise chinoise, avec de solides moyens de production et R&D, est "monté dans le board". Elle prendra une grande partie des bénéfices sur l'Asie. Ce partenariat inattendu a bouleversé les plans de Slidenjoy. "On était parti sur la fabrication de moules (pour produire le châssis) dans le nord de la France, l'électronique devait se faire à Namur, et l'assemblage ici, à Charleroi. C'était jouable, on avait bien avancé dans les partenariats".

En rencontrant la machine à produire chinoise (grande capacité, prix contenu), les trois fondateurs ont senti qu'ils pouvaient viser plus haut. "Si on veut inonder le marché et produire en suffisance, c'est la meilleure option". De plus, dans sa conception initiale, "notre prototype n'était pas industrialisable, les coûts de fabrication auraient été trop élevés".

Ce revirement de situation a occasionné une refonte partielle de l'accessoire initial, et "des mois perdus à négocier l'accord". En réalité, les ingénieurs de chez 3NOD, le partenaire chinois, "n'ont commencé à travailler que depuis 4 mois environ".

Conséquence: "On sera à nouveau au CES début 2019, mais cette fois-ci dans une grande suite, avec les partenaires de 3NOD, puis on va rester 15 jours environ pour montrer le produit".

Laurent Wéry n'ose plus s'avancer sur une date de livraison. Il évoque tout de même à demi-mot "le premier semestre 2019". La production, quant à elle, serait imminente. "Les moules sont en route, c'est un énorme investissement effectué en partie par 3NOD".

Pour nous convaincre, ils nous ont donné "en exclusivité" des photos de ce à quoi ressemblera Le Slide et du packaging. On remarque qu'il a bien changé depuis les premières images :

Pourquoi ce manque de communication ?

Le Slide est donc visiblement sur le point de voir le jour, plus de trois ans après son annonce sur Kickstarter. Si Slidenjoy avait mieux communiqué, il aurait sans doute convaincu les backers que ça valait la peine d'attendre un an de plus. Car au final, notre interlocuteur le répète, "tout le monde sera livré, c'est sûr".

S'y est-il mal pris ? "Vous savez, la campagne Kiskstarter, c'est une chose. Ça nous a apporté 600.000 euros environ (via plus de 13.000 précommandes), mais finalement cette somme, ce n'est pas grand-chose pour mener à terme un projet de cette ampleur. Ça part très, très vite dans le domaine: rien que fabriquer des moules, c'est déjà 400.000 euros…".

Pour Laurent Wéry et ses associés, le principal n'est donc pas de convaincre et rassurer les backers, mais plutôt "de mener à bien un projet qui devient énorme, c'est incroyable ce que sont en train de vivre Thomas et Charlee". Il nous assure également "qu'il aurait pu tout vendre" car il a reçu "de belles propositions".

Alors, arnaque ou pas ?

A notre avis, non. Si l'on en croit le témoignage de Laurent Wéry, et les quelques vidéos diffusées sur internet par Slidenjoy, on peut effectivement en déduire que Slidenjoy va produire son accessoire pour ordinateur portable à l'aide d'un partenaire chinois, et donc honorer les quelques 13.000 précommandes enregistrées en 3 ans, pour lesquelles une partie des acheteurs s'impatiente et cherche à se faire rembourser (mais avec Kickstarter, ça ne fonctionne pas comme ça, c'est le jeu).

Le très sérieux journal L'Echo partage notre avis, suite à une rencontre l'été dernier avec le trio carolo.

On pourra bien entendu reprocher aux fondateurs un manque de vision et d'expertise dans le domaine: fabriquer du matériel informatique, ce n'est vraiment pas à la portée de tout le monde. Un manque d'expérience qui les a amené à revoir leur copie plusieurs fois, à changer de cap, à perdre beaucoup de temps, à ne pas communiquer correctement.

Mais, conclut Laurent Wéry, "au final, ceux qui ont précommandé à 300 euros recevront un accessoire différent, bien meilleur, et qui vaudra deux fois plus".

En 2019, on tentera d'être parmi les premiers à essayer cet accessoire…

À lire aussi

Sélectionné pour vous