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Une institution pour handicapés se dit harcelée par ses voisins qui, eux, dénoncent un "lynchage médiatique"

Myriam a ouvert un centre d’accueil pour handicapés en 2012, chez elle, à Haltinne dans la province de Namur. Chaque jour, 12 personnes d’une vingtaine d’années, porteurs d’un handicap léger, s’y rendent. L’animation générée par le centre dérange les voisins, affirme Myriam. Marlène, la mère d’un résident, nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour dénoncer leur comportement. "Les faits sont graves, étant donné qu'il s'en prend à des personnes handicapées et sans défense", juge-t-elle. Les jeunes et leur famille auraient été insultés, intimidés, moqués. Les voisins les harcèlent-ils ? Marlène et Myriam dénoncent, les voisins démentent.


Un conflit de voisinage qui a pris des proportions inquiétantes

D’après Myriam, ses voisins n’ont cessé de se plaindre depuis l’ouverture du centre pour handicapés. La directrice du centre UPEA-Nuances raconte avoir été convoquée par la police plusieurs fois. "C’était pour des bêtises, du style on fait trop de bruits. Monsieur, madame n’arrivaient pas à faire une sieste", dit-elle. Pendant plusieurs années, le centre se serait plié aux exigences des voisins, affirme Marlène. Par exemple le déplacement d’un poulailler, qui jouxtait leur hangar, ou l’occultation des fenêtres du centre qui donnent sur la cour des voisins.

Puis, les choses se sont envenimées fin 2018 quand les voisins lui ont envoyé un courrier recommandé. Au cœur du conflit, une cour mitoyenne qui appartient aux voisins de Myriam. Le centre et ses résidents ne respecteraient pas les limites de leur propriété. Mais d’après la directrice du centre, les voisins l’accusent de choses insensées : "Dans cette cour, il y aurait des voitures, des poules, des chèvres, des lapins. On y crèche, on y vomit, on y fait pipi. Mais je n’ai ni chèvre, ni lapin. Et mes résidents ne vont pas dans cette cour vu que c’est l’arrière du centre qui donne dans cette cour et nous, nous avons notre jardin et notre cour de l’autre côté", dit-elle.

Outre ces accusations fantaisistes selon elle, le recommandé contiendrait des insultes à l’égard des résidents : "Mongols à vélo", "à piquer"


Un "faux en écriture" ?

Les voisins récusent formellement avoir jamais tenu de tels propos. Le couple de retraités accuse la directrice d’avoir ajouté elle-même les insultes. Myriam aurait ainsi montré à la télévision un "faux en écriture". "Elle a pris la première feuille du recommandé pour inscrire au verso des mots tapés comme ça, n’importe comment. Des insultes par rapport aux résidents", dénonce Marie-Josée. "Par respect pour eux, je ne vais même pas vous redire les mots parce que je ne comprends pas comment on peut en arriver à ce stade-là. Parce que ces enfants ils entendent quand même ce qu’on raconte sur eux", ajoute-t-elle.

Myriam affirme que ses voisins "ont du mal avec les personnes différentes". Pour Marie-Josée et Roland, le problème est tout autre : ils ne se sentent pas respectés en tant que voisins. "Elle ramène tout au centre mais il n’y a pas que ça. Il y a l’aspect privé. Quand un dimanche, elle met de la musique de 11h30 à 16h30 à fond, fenêtres grandes ouvertes", déplore Marie-Josée. "On retrouve des canettes de bière dans notre cour, des mégots sur les toits de nos annexes, du vomi devant la haie…", égrène-t-elle.



L'installation de barrières a envenimé la situation

Outre un certain laisser-aller, le couple pointe du doigt le problème du "charroi", c’est-à-dire le va-et-vient des voitures dans la petite rue en cul-de-sac où ils habitent. Ils souhaitent notamment que les parents des résidents cessent de faire leur manœuvre devant chez eux pour faire demi-tour. Sans réponse de la voisine, le couple a décidé d’installer des barrières en bois devant leur cour, devant leur façade et leur haie. Mais cette barrière réduit la largeur de la route et empêche les véhicules de se croiser.

Un soir, Marlène découvre ces barrières en allant chercher son fils au centre. "Il y avait un problème de circulation donc j’ai bougé sa barrière. Et il [Roland, le voisin] est sorti de chez lui en me criant dessus, en me disant que je ne pouvais pas bouger ses barrières", raconte-t-elle. "Vous n’êtes pas sur votre domaine et moi je bouge ces barrières", lui répond-elle. Un éducateur du centre est intervenu pour s’interposer, explique la maman. Le ton est monté. "Ça été des cris et des hurlements", dit Marlène.


"On verra votre sale gueule sur RTL"

Marie-Josée rapporte ces échanges violents : "‘Toi, je vais te casser les dents’, ça c’est un éducateur qui parle. ‘Toi et ta femme, je t’étale là à terre. Comme image de l’éducateur, je dois dire qu’ils font forts. Et une maman nous a hurlé ‘on verra votre sale gueule sur RTL’, je répète texto". La directrice du centre affirme pour sa part que Roland "n’a rien trouvé de mieux que de dire qu’il allait gazer les jeunes du centre en mettant sa voiture dans le fond de sa cour où il y a cette fameuse porte qui donne chez nous".

Depuis cet épisode, ce conflit de voisinage a fait l’objet de nombreux sujets dans la presse, à la télévision. Myriam a également lancé une pétition en ligne intitulée "Stop aux harcèlements envers les résidents du centre 'Nuances'", qui a récolté plus de 1.000 signatures. Pour Marie-Josée, il s’agit d’un "lynchage médiatique", d’une "mise en scène" dans le but de "calomnier, nuire, abattre des gens", dit-elle.


Un climat défavorable au bien-être des jeunes handicapés

Dans tous les cas, ce climat de tension est néfaste pour les jeunes du centre. Le fils de Marlène, autiste léger, "absorbe ça un peu comme une éponge". Depuis, il répète sans cesse "le voisin il est méchant, le voisin il est méchant" et ne souhaite plus venir au centre. "Mais on comprend qu’ils sont stressés avec tout ce tapage", réagit Marie Josée. "C’est malheureux d’utiliser en bouclier des enfants dans le but de nuire", ajoute son mari.

José PAULET, bourgmestre sortant de Haltinne, affirme avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour apaiser les tensions. "Je suis allé sur place, j’ai essayé qu’ils s’entendent, ça n’a pas été le cas", raconte-t-il. Concernant la barrière, il explique que les voisins du centre pour handicapés n’avaient pas le droit de les installer d’un point de vue urbanistique.


"Légalement, il n’y a rien qui les empêche d’avoir une telle activité"

Selon Marie-Josée, le va-et-vient des voitures engendré par l’ouverture du centre importune également les agriculteurs des alentours. "Le problème, c’est que là-bas, on est dans une zone agricole au plan secteur. Ce sont des vieilles fermes qui au fil du temps ont été redestinées à de l’habitat. Et ici quelque part, on a une activité complémentaire à l’habitat", analyse Marc Évrard, Directeur général faisant fonction de la commune de Gesves. "En d’autres circonstances, il aurait peut-être fallu une autorisation avec des impacts environnementaux quantifiables de mobilité, de charroi, etc. Mais légalement, il n’y a rien qui les empêche d’avoir une telle activité. Cela reste quand même une habitation à titre principal", ajoute-t-il.



Les deux parties ont décidé de mettre le dossier à leur avocat. Affectés par ce conflit, l’un et l’autre aspirent à retrouver la sérénité. L’affaire est désormais entre les mains de la justice.

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