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Verbalisé pour non-port du masque en 2020, Gabriel s'est vu refuser un emploi: "Ils demandaient l'extrait du casier judiciaire"

En 2020, Gabriel reçoit une amende de 250€ pour ne pas avoir porté son masque correctement. Le jeune étudiant n'a alors pas les moyens de payer l'amende dans le temps imparti. Aujourd'hui, le jeune homme découvre, en se voyant refuser un emploi dans la fonction publique, que l'amende est inscrite dans son casier judiciaire. Il se demande maintenant comment s'en débarrasser, il a décidé de s'adresser au bouton orange Alertez-nous.

Si Gabriel (prénom d'emprunt par soucis d'anonymat) l'avait su, il aurait porté son masque correctement en 2020. Deux ans plus tard, cette négligence l'empêche de trouver un travail. "On sortait d'un bar, sur la Bourse (de Bruxelles, NDLR), on avait le masque sur la bouche, mais pas vraiment sur le nez", se rappelle le jeune homme de 21 ans. "Ma copine et moi, on se fait interpeller par la police, j'ai eu une amende, mais ma copine, non", regrette Gabriel.

En juillet 2020, le gouvernement hausse le ton, en pleine crise sanitaire. Le port du masque devient obligatoire, et nombreux sont ceux qui ont reçu, comme Gabriel, une contravention. "J'ai reçu, au bout de deux mois, l'amende à la maison", nous explique-t-il. Le voilà avec 250€ à payer dans un temps imparti, qu'il tente de contester, mais sans succès. Gabriel, qui était étudiant à cette époque-là, se retrouve à devoir débourser près de 400€, car il n'a pas payé l'amende dans les temps.

J'ai quand même quelque chose sur mon casier judiciaire

Cette somme, importante pour le jeune homme, Gabriel en fait toujours les frais : "Je continue à payer 25€ par mois. J'ai pu demander au tribunal de payer petit à petit". Ce coût dont il aurait pu se passer, est finalement moindre par rapport à un autre problème : "J'ai quand même quelque chose sur mon casier judiciaire", déplore Gabriel.

C'est au moment de postuler un emploi dans la fonction publique que Gabriel l'a découvert, "ils demandaient le papier du casier judiciaire. Il était marqué que j'ai une amende pénale, et que si je ne payais pas, je pourrais être emprisonné 8 jours", se surprend-il. Cette faute, commise en 2020, l'empêche aujourd'hui de décrocher ce travail qui l'intéressait tant : "On m'a dit que ce n'est pas possible. Je ne comprends pas, c'est bête, ce n'est pas comme si j'avais tué quelqu'un, c'est du n'importe quoi", estime Gabriel.

Une situation temporaire

La situation que Gabriel traverse est pourtant temporaire, cette amende ne le suivra pas toute sa vie : "Le législateur, l'année dernière, a prévu une exception dans le cadre de la loi Covid, qui permet d'effacer toutes les condamnations liées au Covid de l'extrait du casier judiciaire au bout de 3 ans", indique Christine-Laura Kouassi, porte-parole du SPF justice.

Ces peines peuvent aller jusqu'à 500 euros d'amende, 300 heures de peine de travail, deux ans de probation autonome, trois mois pour surveillance électronique ou emprisonnement.

Est-ce de la discrimination ?


Est-il normal que le casier judiciaire soit demandé par un employeur ? "C'est assez habituel, notamment dans la fonction publique, car la loi autorise dans ce domaine, la production d'un extrait du casier judiciaire", répond Chloë De Clercq, avocate en droit du travail au barreau de Bruxelles.

Selon l'avocate, il ne faut pas y voir un acte discriminant dans ce cas bien précis : "Au niveau du principe d'égalité et de non-discrimination, non, ce n'est pas discriminant. Il faut savoir qu'au départ, quand les lois ont été votées, on a fait la part au niveau de la balance entre les droits et les intérêts", justifie-t-elle.

La question de la discrimination se pose réellement

Demander un extrait du casier judiciaire doit cependant se justifier et la pratique n'est pas généralisée dans la fonction publique. En ce qui concerne les secteurs où il n'y a pas d'obligations légales d'en fournir, "la question de la discrimination se pose réellement", signale l'avocate. "Au niveau du principe de proportionnalité, est-il justifié qu'un employeur lambda sollicite un extrait du casier judiciaire, alors que ce n'est pas du tout nécessaire par rapport à la fonction et à la nature du travail requis?", expose Chloë De Clercq. Un emploi dans le milieu de l'enfance pourrait le justifier, mais pas dans l'administration d'entreprise privée.

Le débat est d'ailleurs encore vif au parlement fédéral : "Il y a des députés qui soulèvent ce problème de discrimination, au niveau, notamment, de la réinsertion sociale de personnes qui ont fait l'objet de condamnation", précise Chloë De Clercq.

Double peine

Une personne a purgé sa peine, et pourtant, on constate qu'une fois qu'elle retourne dans la société, elle continue à être sanctionnée

Par ailleurs, l'avocate fait remarquer que le refus d'un emploi à cause de son casier judiciaire peut être vu comme une "double-peine". "C'est toute la problématique de la réinsertion, notamment des ex-détenus. Une personne a purgé sa peine, et pourtant, on constate qu'une fois qu'elle retourne dans la société, elle continue à être sanctionnée, c'est ce qu'on appelle la peine sociale", explicite-t-elle.

Les condamnés ont deux solutions pour vider leur casier judiciaire d'une vieille peine purgée : l'effacement, pour les peines "légères", où les peines sont effacées automatiquement après trois ans. Pour les peines beaucoup plus lourdes, le condamné peut demander sa réhabilitation : "La demande de réhabilitation est introduite auprès du procureur du Roi. Ensuite, le dossier est transmis au procureur général qui le soumet à la chambre des mises en accusation qui se prononce. C’est donc le parquet qui reçoit les demandes introduites", précise le SPF Justice.

Gabriel n'a-t-il ainsi pas d'autre choix que d'attendre trois ans, avant de pouvoir postuler le travail qu'il convoitait ? Pas nécessairement, le jeune homme peut "enclencher une discussion avec l'administration", conseille Chloë De Clercq, bien que cela puisse être "un peu compliqué", admet-elle. L'autre solution pourrait être de porter plainte, "et de faire bouger les lignes par la voie judiciaire", propose l'avocate.

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