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Victime d'un exhibitionniste, Isabelle a gardé son sang-froid et eu le BON RÉFLEXE: "Il a été appréhendé en 10 minutes"

Croiser la route d'un exhibitionniste peut être très traumatisant. C'est arrivé à Isabelle qui a eu les bons réflexes face à cette situation délicate, permettant une intervention immédiate de la police. Nous avons cherché à mieux connaître cette maladie, dite paraphilique.

Isabelle (prénom d'emprunt), a été victime d'une mésaventure dont elle se serait volontiers passée, mais qui lui permet aujourd'hui de délivrer un message, et d'épingler la rapidité de nos services d'urgences, qui a mené à l'arrestation immédiate de l'auteur des faits.

Il se masturbait, attendant ma réaction

Il y a quelques semaines, alors qu'elle promène tranquillement ses chiens dans une rue calme d'une petite ville du Hainaut, en pleine après-midi, la trentenaire se retrouve face à un exhibitionniste. Le jeune homme, depuis son véhicule, fait mine de lui demander le chemin de la gare. La réalité est tout autre : "Assis au volant de sa voiture, il ne portait pas de pantalon et se masturbait, attendant ma réaction", nous raconte Isabelle, qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous.


"Je comprends que tout va aller très vite"

Mais elle ne se laisse pas intimider et lance quelques réflexions bien placées au jeune homme, "ce qui l'a laissé tout penaud", précise-t-elle. Hors de question de l'insulter, elle veut surtout le mettre mal à l'aise, dans le but qu'il réalise ce qu'il est en train de faire. "Je lui dis : 'Ça ne se fait pas. Regarde, maintenant, ta main toute sale sur ton volant, c'est dégueulasse, pense un peu à l'hygiène'", raconte-t-elle.  Elle a "pris le dessus" sur le jeune homme âgé d'une vingtaine d'années. Mal à l'aise, il prend la fuite au volant de sa voiture.

Alors qu'il s'éloigne, le réflexe de la jeune femme est de noter le numéro de plaque et de composer le numéro d'appel d'urgence, le 101. "Je donne des explications, puis la dame me demande des informations concrètes sur le chemin pris par l'exhibitionniste. Je comprends alors que tout va aller très vite", raconte Isabelle.

Sa réaction est la bonne puisque le suspect "est appréhendé en 10 minutes. Grâce à ma déposition complète, il passera devant un juge", précise Isabelle.

Elle pense qu'il s'agit vraisemblablement du premier acte d'exhibitionnisme du jeune homme, en raison de sa réaction peu prudente.  "Il était en voiture, on allait forcément le retrouver avec le numéro de plaque. Il faut être idiot, note-t-elle. D'ailleurs, la police l'a arrêté chez lui. C'est dans la maison de ses parents, où il vit, qu'il est rentré tout de suite après".


"Je n'ai pas pensé qu'il me voulait du mal"

Quelques semaines après les faits, la trentenaire explique qu'elle ne s'est pas sentie "agressée", car elle est parvenue à prendre le dessus face à l'exhibitionniste : "J'avais mes chiens avec moi, et ça m'a sans doute permis de me sentir en sécurité, se dit-elle avec du recul. Et puis, je connais bien les lieux, ce n'était pas une impasse toute sombre. Je n'ai pas pensé qu'il me voulait du mal, ni eu l'impression d'être face à un prédateur".

Le docteur Yves Depauw, neuro-psychiatre, connaît bien le cas particulier de l'exhibitionnisme, qu'il traite avec l'équipe EPCP (évaluation et prise en charge des paraphilies) de la Clinique Vincent Van Gogh à Charleroi, dont il est le responsable. Une prise en charge spécifique est prévue pour les personnes touchées par cette "maladie".


"C'est plus fort que lui"

Il tend à identifier l'exhibitionnisme comme une maladie mentale à proprement parler étant donné qu'elle est reprise dans le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux. "Tout ce qui est paraphilique se trouve dedans, en raison de la souffrance que va subir l'individu face à cette pulsion, ainsi que le fait qu'il ne sache pas résister", explique le spécialiste.

En effet, le caractère compulsif de l'exhibitionniste est un élément à épingler pour tenter de mieux comprendre cette maladie. "Il est poussé à avoir un comportement, c'est plus fort que lui. Très vite, les patients réalisent que le contrôle d'eux-mêmes peut leur échapper. On retrouve d'ailleurs le comportement d'exhibitionnisme chez les patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs", explique le docteur Depauw.  

Dans l'unité dédiée aux paraphilies de la clinique Vincent Van Gogh, plusieurs déviances sexuelles sont traitées. Certaines ne ressortent pas du domaine médico-légal, comme le fétichisme par exemple, d'autres bien. "La pédophilie tombe dans le domaine médico-légal, de même que l'exhibitionnisme, du fait que ces personnes ne se tournent pas vers les bons partenaires potentiels pour des relations sexuelles adéquates, précise le docteur Depauw. Se balader tout nu, s'exhiber, ça tombe sous le coup de la loi dans la plupart des cas."

À partir du moment où des gens sont soignés (il faut souvent une injonction judiciaire), le taux de récidive est vraiment très bas

Des patients traités "au cas par cas"

La spécialiste traite des cas d'exhibitionnisme depuis de nombreuses années dans son service, et il constate qu'il y a deux types de patients : "Certains exhibitionnistes sont assez agressifs et veulent faire fuir la victime, pour d'autres, c'est plus narcissique", précise-t-il. Le traitement proposé va jouer un rôle essentiel. Même si c'est "au cas par cas" que chaque individu est traité, il constate que certains types d'antidépresseurs fonctionnent bien. D'autre part, il préconise les thérapies de groupe. "Pour les exhibitionnistes, les groupes de parole conviennent bien car cela leur permet de sortir de l'isolement. Je pense que le traitement doit être plus intensif sur la fréquence", précise-t-il. D'après Yves Depauw, les antidépresseurs et les groupes de paroles réguliers sont souvent la combinaison la plus adaptée.

Ce traitement est d'une importance capitale pour éviter la récidive, d'après le spécialiste. "À partir du moment où des gens sont soignés (il faut souvent une injonction judiciaire), le taux de récidive est vraiment très bas", précise-t-il. Seule exception : les prédateurs pour lesquels, malheureusement, les effets des traitements et thérapies sont moins efficaces. Malgré tout, ces patients sont conscients de leur acte. "C'est ça le problème, ajoute le docteur Depauw. D'une part, il est conscient, mais en même temps, il est quand même dans la compulsion. C'est pour cette raison que c'est bien qu'il soit en traitement et qu'une thérapie médicamenteuse soit possible".


Que dit la loi ?

Comme le neuropsychiatre nous le précise, il faut souvent une décision de justice pour que l'exhibitionniste accepte de se soigner. L'outrage public aux mœurs, comme on l'appelle en jargon judiciaire, est réglementé par l'article 385 du code pénal. Celui-ci stipule que "quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'un emprisonnement de 8 jours à un an, et d'une amende de 26 à 500 euros. Si l'outrage a été commis en présence d'un mineur âgé de moins de 16 ans accomplis, la peine sera d'un emprisonnement d'un mois à 3 ans et d'une amende de 100 à 1.000 euros."

Mais dans les faits, l'exhibitionnisme ne mène que "très rarement" à des peines d'emprisonnement, nous explique Aurélie Jonckers, avocate en droit pénal au barreau de Bruxelles. "Des circulaires de politique criminelle passent au parquet et priorité est donnée aux faits de violences, de stupéfiants, etc. À cela s'ajoute la difficulté de trouver des témoins autres que les victimes", ajoute-t-elle.

Elle recommande aux victimes d'exhibitionnisme de "se constituer partie civile sans attendre que le parquet prenne des réquisitions, en espérant que ça soit renvoyé au tribunal correctionnel. Là, des mesures de faveur, ou des peines de travail seront appliquées. On peut avoir des peines de probation avec un suivi psychologique imposé".


"Qu'il ne recommence jamais"

Dans le cas d'Isabelle, ce qu'elle espère surtout, c'est que son jeune agresseur ne recommencera pas. "Je sais qu'il n'y a aucune chance qu'il soit condamné, et vu son jeune âge, je ne souhaite qu'une grande frayeur. Je ne veux pas qu'il paye ou qu'il fasse de la prison, je veux surtout qu'il ne recommence jamais", explique-t-elle.

Ce qui l'a surtout effrayée, c'est que les faits se sont produits en pleine après-midi, à quelques minutes de l'heure de sortie des écoles. Elle imagine le traumatisme que cela aurait pu être si une adolescente avait été à sa place. "Il y a des jeunes pour qui ça aurait pu être plus dommageable. J'imagine une ado de 12 ans qui aurait fait face à un zizi pour la première fois de cette façon… Ce n'est pas approprié", note-t-elle.

Le docteur Yves Depauw considère que la réaction d'Isabelle "a été la bonne". D'après lui, des programmes de prévention son nécessaire, mais pas seulement : "Le fait de pouvoir agir, en parler, c'est fondamental", estime-t-il. Même si la jeune femme qui nous a contactés n'est pas hantée aujourd'hui par cet épisode, c'est souvent le cas pour les victimes après ce type d'agression. "On peut imaginer des états de stress post-traumatique", ajoute le neuropsychiatre, qui recommande "d'en parler avec des psychologues, d'évacuer tout ce qu'on peut avoir de difficile en soi après ce type d'épisode".


L'intervention des services d'urgence

Face à ce qui aurait pu se passer si la victime avait été une plus jeune fille, Isabelle souhaite mettre en avant l'efficacité des services d'urgences. "Récemment, dans une émission sur RTL TVI, j'ai réalisé que le 101 était contacté pour un nombre incroyable de 'fausses urgences', et même parfois pour des broutilles. Lorsque j'ai été confrontée à cette situation, je n'ai donc pas hésité à composer le numéro d'urgence. J'ai appris qu'une information 'non vitale' pouvait être transmise au 101, que je n'aurais jamais osé déranger auparavant".

Grâce à son bon réflexe, et même s'il ne s'agissait pas d'une urgence "vitale", une interpellation immédiate de l'auteur des faits a été possible. Sans s'en rendre compte, comme elle le souligne, elle a peut-être évité qu'un enfant se retrouve face à un exhibitionniste. Et même s'il nie les faits, il passera devant le juge et prendra sans doute conscience de son geste.

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