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Vous êtes wallon et vous avez une voiture de leasing? JACKPOT pour... la Flandre!

Les sociétés de leasing sont principalement installées à Bruxelles ou dans sa périphérie flamande, par facilité. Cela implique que les voitures de leasing sont majoritairement immatriculées au Nord du pays, voire en région bruxelloise. Par conséquent, ce sont ces régions qui en perçoivent les taxes, même si les voitures sont utilisées par des Wallons, sur des routes wallonnes. La perte se chiffre en millions d'euros.

Les voitures de leasing représentent une catégorie particulière de véhicules en circulation dans le pays. Déjà, ces voitures n'appartiennent pas à la personne qui en a l'usage, ni à son employeur s'il s'agit d'une voiture de société. Non, elles appartiennent à une société de leasing qui offre en quelques sortes un service clé en main. Cette société met donc une voiture à disposition d'un usager en échange d'une certaine somme mensuelle qui comprend une série de services, comme la prise en charge des entretiens et, bien souvent, les frais de réparation.

Outre son mode de fonctionnement, ce marché a d'autres spécificités. Tout d'abord, les voitures de leasing ne sont pas taxées de la même manière que les autres voitures. En effet, leur taxe de mise en circulation et leur taxe de circulation sont encore identiques pour les trois régions, selon le système qui existait avant la régionalisation de ces compétences. Pas question donc d'aspects environnementaux, ce sont encore la puissance du véhicule et sa cylindrée qui sont déterminantes pour calculer les montants dus à partir d'une donnée qui s'exprime en chevaux fiscaux (CV).


"J'ai l'impression que les Wallons subventionnent les routes flamandes"

Mais le marché du leasing a encore une autre particularité: même si les montants exigés pour ces taxes sont basés sur le système de calcul qui était d'actualité lorsque ces taxes étaient fédérales, ils sont désormais perçus par la région. Rien de bien exceptionnel... à première vue. Mais quand on s'y attarde, on remarque que ce système génère une fameuse inégalité, car une voiture de leasing appartient à une société de leasing, et non à l'usager. C'est donc dans la région où est établie cette société de leasing que la taxe est perçue. Or, ces sociétés de leasing se trouvent pour la plupart en Flandre et à Bruxelles. En Wallonie, elles sont quasi inexistantes.

"On a ainsi des tas de voitures qui roulent en Wallonie, conduites par des gens domiciliés en Wallonie, mais qui paient les taxes à la Flandre car immatriculées en Flandre. Moi-même je travaille pour une intercommunale wallonne, mais ma voiture est 'flamande'. Bref, j'ai l'impression que les Wallons subventionnent les routes flamandes", nous a ainsi indiqué une personne souhaitant garder l'anonymat via notre bouton orange Alertez-nous.


Pourquoi ces sociétés de leasing se trouvent en Flandre ou à Bruxelles ?

A la base de la controverse, il y a tout d'abord le lieu où sont établies ces sociétés de leasing. Pourquoi la plupart d'entre elles se trouvent en Flandre, voire à Bruxelles ? "C'est historique et c'est le cas depuis très longtemps. Depuis tout le temps, ai-je même envie de dire. Et la raison est simple: en s'installant à Bruxelles où dans sa périphérie, soit le Brabant flamand, ces sociétés se retrouvent stratégiquement mieux placées, au centre du pays. L'explication est là", nous a indiqué Christophe Dubon, porte-parole de la Febiac, la fédération belge de l'auto et du cycle.

Et inutile d'y voir un "complot" flamand ou de tenter d'expliquer ce phénomène par un système de taxation plus avantageux au Nord qu'au Sud. "Non, comme indiqué plus haut, ces sociétés étaient déjà basées là quand il n'était pas du tout question de régionalisation des taxes de mise en circulation et de circulation. Et en ce qui concerne les montants à payer, ils sont identiques de région en région pour les voitures de leasing, car elles sont encore taxées selon le même système que lorsque ces taxes étaient fédérales, autrement dit la même chose pour tout le monde, quelle que soit la région", a précisé Christophe Dubon.

Il n'empêche, si rien de tout cela ne semble prémédité, l'évolution du système et la régionalisation des taxes automobiles fait désormais lourdement pencher la balance en faveur de la Flandre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: en 2015, on avait ainsi 226.222 voitures de leasing immatriculées en Flandre, contre 103.889 à Bruxelles et... 1.448 en Wallonie.

La perte pour le Sud du pays se chiffre en millions, et les autorités l'ont bien compris. "Nous avons déjà sollicité la Flandre à plusieurs reprises dans ce dossier. Nous plaidons pour qu'une solution plus juste soit trouvée. Pour nous, le plus normal serait que la taxe soit perçue sur base du domicile légal de l'utilisateur de la voiture. Éventuellement, on pourrait aussi se baser sur un système qui se baserait sur le siège social de la société de l'employeur qui fait appel à la société de leasing", nous a indiqué Charlotte Quevedo, porte-parole du ministre wallon du Budget, Christophe Lacroix.


A combien se chiffre la "perte" ?

En 2016, la région wallonne a perçu 550 millions de taxes automobiles, "dont 400 millions uniquement pour les taxes de circulation", a précisé Nicolas Yernaux, responsable presse du SPW.

Or, au cabinet du ministre du Budget, des calculs ont été réalisés pour estimer ce que paient les usagers wallons "en leasing" à la Flandre. "On pense qu'il y a entre 80.000 et 85.000 utilisateurs domiciliés en Wallonie qui utilisent une voiture de leasing immatriculée en Flandre. On estime aussi à 400 euros la moyenne des taxes de circulation par voiture. On est donc dans une fourchette de 32 à 34 millions d'euros", a expliqué Charlotte Quevedo, précisant que les voitures de leasing étaient généralement plus "gonflées" que la moyenne, et que les montants devraient donc logiquement être plus élevés encore.

De notre côté, nous avons demandé à la porte-parole du ministre du Budget flamand, Bart Tommelein, les chiffres précis des recettes liées aux voitures de leasing, mais nous attendons toujours sa réponse. Qu'importe, les projections fournies permettent d'établir un état des lieux assez fiable du manque à gagner. Mais ce n'est pas tout, car "ces voitures sont généralement remplacées tous les 4 ans. C'est une moyenne. Tous les 4 ans, il y a un turnover. Cela signifie donc qu'un quart de ces voitures, celles qui sont mises en service dans l'année en cours, paient une taxe de mise en circulation aussi", précise Christophe Dubon.

Avec une moyenne de 750 euros par véhicule (équivalent à une voiture leasing entre 11 CV et 12 CV), on a encore 15 millions supplémentaires chaque année, soit un total qui avoisine les 50 millions d'euros.


La Flandre prône le statu quo

Ce chiffre, comparé au budget global de la région wallonne, ne s'avère pas exorbitant. Mais il est déjà assez élevé que pour augmenter d'une dizaine de pourcents les revenus liés à la fiscalité automobile en région wallonne.

Il paraît aussi assez "conséquent" pour que la N-VA, dont est issu le ministre des Finances Johan Van Overtveldt, freine des quatre fers pour modifier la politique actuelle des voitures de société, pourtant contraire aux volontés d'encourager des comportements plus respectueux de l'environnement.

Enfin, cette somme semble aussi assez importante pour que la Flandre ne donne aucune suite dans les négociations. "On a essuyé un refus en bloc lorsqu'on a proposé des modifications. Donc, à l'heure actuelle, le dossier est à l'arrêt", a conclu Charlotte Quevedo.

Or, "il est certain que ces automobilistes wallons utilisent majoritairement le réseau routier wallon", acquiesce Christophe Dubon. Un réseau dont l'entretien et la modernisation sont à charge... de la région.

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