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Cette centrale nucléaire située en Lituanie est devenue l'attraction phare du pays grâce à la série "Tchernobyl"

Loin de sa ville de Chicago, Vytas Minaitis vient d'arpenter le sommet d'un réacteur nucléaire désaffecté, en Lituanie, et ce touriste américain assure ne pas "avoir eu peur du tout". A mille lieux de l'enfer décrit dans la série "Tchernobyl" qui y a été tournée.

"Ils savent ce qu'ils font", assure l'ingénieur informaticien à la retraite, impressionné par le "Tour Tchernobyl" de trois heures, "très intense", organisé par la centrale.

Bien avant la sortie en mai de la mini-série de HBO sur la pire catastrophe nucléaire de l'histoire, nominée 19 fois aux Emmys, le site abandonné de Tchernobyl en Ukraine était devenu une destination du "tourisme noir".

Avec la série, ils sont de plus en plus nombreux à venir aussi visiter l'ancienne centrale d'Ignalina, dans l'est de la Lituanie et distante d'à peine 450 km de Tchernobyl, où ont été tournées les scènes d'extérieur au printemps 2018.

Là, les touristes enfilent une combinaison blanche et un casque bleu, passent au-dessus du réacteur, et visitent les différents postes de travail.

Le centre d'information d'Ignalina a également reproduit le poste de commande qu'on voit dans la série, où les visiteurs peuvent s'imaginer à la place des protagonistes, le 26 avril 1986, et même appuyer sur les boutons.

Nuages radioactifs


Ce jour-là, le réacteur numéro 4 de Tchernobyl explosait, projetant des nuages radioactifs qui ont contaminé jusqu'aux trois quarts de l'Europe, surtout en URSS.

Ignalina, fermée en décembre 2009, n'avait pas attendu la série pour ouvrir ses portes au public, mais la diffusion de "Tchernobyl" a attiré de nouveaux visiteurs: des Lituaniens dans la majorité mais aussi des touristes étrangers essentiellement venus de Pologne, de Lettonie et du Royaume-Uni, selon Natalija Survila-Glebova, directrice de la communication de la centrale.

Ils étaient près de 900 en juillet, et les visites, interdites aux moins de 18 ans, "affichent quasiment complet jusqu'à la fin de l'année", indique-t-elle à l'AFP.

La seule centrale nucléaire de Lituanie a été fermée à la demande expresse de l'Union européenne, condition à l'accession en son sein du petit pays balte en 2004. Les raisons était d'ordre sécuritaire: elle était équipée de deux réacteurs de type RBMK, du même modèle que ceux de Tchernobyl.

La série a également été tournée à Vilnius, à une centaine de kilomètres au sud d'Ignalina, où le quartier de Fabijoniskes a été transformé en Pripyat, ville proche de Tchernobyl.

Les producteurs du film ont vu dans les lugubres rangées d'immeubles gris de l'époque soviétique un site parfait pour y reconstituer notamment l'évacuation de masse des habitants, après l'explosion.

Manne inattendue 


Le "Tour Tchernobyl" y promène les touristes. Parmi eux, Vytautas Kastanauskas, 47 ans, salue le travail des producteurs de la série. "L'atmosphère de l'époque et les relations entre les gens, tout cela a été recréé parfaitement", assure ce Lituanien, qui travaille dans le secteur du tourisme.

Désireux de participer à cette manne inattendue, un jeune Lituanien a même aménagé dans ce quartier l'appartement de ses grands-parents à la mode soviétique et le fait visiter, ou le loue sur AirBnb.

A l'office du film de Vilnius, on se félicite de l'intérêt porté par l'industrie du cinéma à la capitale lituanienne, où des facilités fiscales introduites en 2014 attirent un nombre croissant de tournages, indique Jurate Pazikaite, l'une de ses responsables.

Aussi, pour une adaptation par la BBC de Guerre et Paix de Tolstoï, Vilnius est devenue en 2016 à la fois le Moscou du 19e et les Alpes autrichiennes. De même, une nouvelle série de HBO, Catherine la Grande, y a été en partie tournée.

Risque nucléaire


Mais la série ne génère pas que curiosité et fierté en Lituanie. "La série +Tchernobyl+ nous a profondément touchés", confie Ieva Nagyte, 27 ans, salariée de l'Académie de Beaux Arts de Vilnius, qui participe au "Tour Tchernobyl" dans la capitale.

"Mes amis et moi parlons du risque nucléaire", poursuit-elle. Une allusion à la centrale nucléaire en construction à Ostrovets, en Belarus, et dont les deux tours de refroidissement sont visibles depuis les environs de Vilnius.

Projet mené par le groupe public russe Rosatom, celle-ci comptera deux réacteurs de 1200 mégawatts chacun, qui devraient entrer en service avant la fin de l'année.

Vilnius affirme que la centrale ne répond pas aux normes de sécurité, et a multiplié les pressions diplomatiques pour plus de coopération avec Minsk.

L'inquiétude n'est pas récente, mais le réalisme glaçant de la série a soudain rendu palpable la réalité d'un accident nucléaire.

"Si les réacteurs d'Ostrovets explosaient, je ne serais pas sûre de savoir ce qu'il faudrait faire", lâche Ieva.

Les autorités lituaniennes elles se sont préparées au pire: elles ont stocké des cachets d'iode pour éviter les cancers de la thyroïde, testent régulièrement les sirènes d'alerte et ont signalé des routes d'évacuation.

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