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Elles s'appellent Odile, Odette et Michèle... Trois Françaises en lutte pendant la Seconde Guerre mondiale, trois profils différents mais un point commun, essentiel: la Résistance contre les nazis a été pour chacune "une évidence".
Il y a Odile de Vasselot, qui consacrera sa vie à la Communauté apostolique Saint-François-Xavier, Odette Nilès, la jeune marxiste, et Michèle Agniel, la lycéenne patriote qui ignore le danger.
Elles ont aujourd'hui respectivement 101, 100 et 96 ans. Trois héroïnes simples et modestes, inconnues du grand public mais dont le rôle a, comme des milliers d'autres anonymes, été majeur face à l'occupant allemand.
Des femmes sans qui la résistance intérieure n'aurait jamais pu exister: dactylos, radios, agentes de liaison, en charge de la presse clandestine, convoyeuses de soldats évadés, ravitailleuses de maquis ou maquisardes elles-mêmes, espionnes, parfois cheffes de réseaux de centaines d'hommes...
"On s'est tout de suite dit +il faut faire quelque chose+. On ne savait pas très bien quoi mais c'était une évidence", résume Odile de Vasselot.
"Ce n'était pas possible de ne rien faire avec ces grands étendards qui pendaient avec la croix gammée dessus, les affiches en allemand...", raconte à l'AFP celle qui sera agente de liaison et convoyeuse à travers la France de prisonniers évadés ou d'aviateurs alliés, échappant à plusieurs reprises à l'arrestation.
Et la peur, dans tout ça ? "Je ne me souviens pas si j'ai vraiment pris conscience du danger", dit Odette Nilès. "La peur, c'était secondaire, on n'avait pas le temps d'y penser", balaie Michèle Agniel.
- Oubliées de l'Histoire -
Les actes de bravoure de ces femmes invisibles ont souvent été sous-estimés ou carrément oubliés, l'Histoire glorifiant d'abord une vision guerrière et masculine de la Résistance. Les soldates de l'ombre d'une armée qui était elle-même de l'ombre en quelque sorte...
"On estime entre 12 et 25% la proportion des femmes dans les mouvements de résistance, mais ce chiffre est très trompeur", souligne pour l'AFP l'historien Laurent Douzou, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale.
"Leur nombre et leur rôle sont mécaniquement minorés par le processus d'homologation", déclaratif, "les femmes ayant moins tendance à revendiquer ce qu'elles avaient fait".
"Ma résistance a été très modeste, très ordinaire, au ras des pâquerettes", minimise par exemple Odile de Vasselot.
On identifie souvent aussi les résistants comme ceux ayant agi armes à la main. On ne compte que 8,6% de femmes parmi les médaillés de la Résistance et seulement 6 femmes Compagnons de la Résistance pour 1.038 hommes.
"La résistance civile, qui était beaucoup le fait des femmes, n'a pas donné lieu à des décomptes", explique à l'AFP Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l'Ordre de la Libération.
"Cela ramène aussi au statut des femmes de l'époque. Il n'était pas question de se mettre en avant", ajoute-t-il.
Cela a pu servir leur action dans la clandestinité. L'occupant allemand, avec une vision conventionnelle de la guerre, a eu tendance, très longtemps, à ne pas s'en méfier et à traquer prioritairement les hommes.
"On était beaucoup moins repéré, on ne nous soupçonnait pas", confirme Michèle Agniel, qui, adolescente, allait chercher, en province, des aviateurs américains et britanniques pour les ramener en train à Paris.
Elles paieront toutefois un très lourd tribut, comme Michèle, déportée avec sa mère vers l'Allemagne. On recense 6.700 femmes déportées de France, hors zone annexée.
Malgré leur rôle, déjà essentiel, tout au long de la guerre 1914-1918, les Françaises sont alors toujours des mineures civiques.
Leur implication dans la Résistance sera décisive dans l'obtention du droit de vote en 1944.