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Au lendemain de l'annulation des Championnats d'Europe d'athlétisme à Paris en raison de la pandémie de coronavirus, le recordman du monde du décathlon Kevin Mayer, interrogé vendredi, se veut "fataliste" et estime que le "sport est secondaire" durant cette crise, même si le manque de compétition lui pèse.
Q: Quel est votre sentiment après l'annulation de l'Euro à Paris (prévu du 25 au 30 août) ?
R: "Il y a du fatalisme depuis deux mois. Depuis le confinement, je me doutais que les Jeux olympiques et les Championnats d'Europe seraient reportés. On ne pensait pas à une annulation pour l'Euro mais je vis tellement au jour le jour en ce moment que je ne m'attends plus à rien. Je m'entraîne pour la prochaine compétition tout en ne sachant pas où et quand elle pourrait avoir lieu. Ce qui est dommage c'est que je n'ai jamais fait de championnat dans mon pays et ça me tenait à coeur. Il va falloir de la patience, on est dans une période compliquée où le sport passe au second plan et malheureusement il faut l'accepter."
Q: Que pensez-vous des propos de la ministre des Sports Roxana Maracineanu, qui a déclaré mercredi que le sport n'était pas "prioritaire" pour le déconfinement ?
R: "Je comprends pourquoi elle a dit ça, à sa place j'aurais dit pareil. Aujourd'hui, le sport est secondaire et il ne faut pas râler sur les annulations. Ce serait très égoïste de le faire. Après, le mouvement revient un petit peu à la mode. On n'a jamais vu autant de joggeurs dans les rues depuis le début du confinement. On se rend compte que le sport est universel et que tout le monde en a besoin pour son bien-être."
Q: L'incertitude actuelle crée-t-elle de l'angoisse chez vous ?
R: "L'angoisse vient du fait que s'il n'y a pas de compétition, il n'y a pas de revenus financiers. Le problème se pose pour certains mais personnellement je ne suis pas trop inquiet de ce côté-là parce que je ne suis pas quelqu'un de très dépensier, que j'ai des réserves, et à part la construction de ma maison, il n'y a rien qui sort de mes comptes pratiquement. Mais parler du futur est vraiment très compliqué. Regarder dans le futur, c'est regarder dans le brouillard. Autant vivre le moment présent, profiter des petits moments de chaque jour et continuer à s'entraîner pour devenir plus fort. C'est ma première motivation. Je m'éclate tellement dans mes entraînements que ça m'atteint peut-être moins que les autres."
Q: Comment organisez-vous votre entraînement ?
R: "J'ai été blessé une bonne partie du temps au tendon d'Achille après les Mondiaux de Doha en 2019 et je n'ai pas fait d'athlétisme. Quand j'ai repris, j'étais plus fort qu'avant. Ma pratique de l'entraînement est moins importante qu'avant parce que j'ai atteint une certaine maîtrise technique que je retrouve dès que je reprends. Je base donc tout sur la préparation physique pour être encore plus fort, pour que ce soit plus facile quand j'aurais accès à la piste comme il faut. J'ai des barres de musculation. La salle de musculation dans la maison que je construis est terminée, on n'a plus que quelques petits trucs à faire pour que je puisse aller y faire de la musculation. Je suis à deux doigts d'avoir des conditions d'entraînement pratiquement parfaites à part la pratique de l'athlétisme en elle-même."
Q: Avez-vous dans l'esprit de profiter d'une éventuelle fenêtre de reprise en septembre-octobre pour commencer à retrouver la compétition ?
R: "Je n'ai qu'une envie, c'est de faire des compétitions. Tout ce que j'aurais à me mettre sous la dent, je prendrai sans souci. Si le Décastar (19-20 septembre à Talence dans l'agglomération de Bordeaux, ndlr) est maintenu, ce serait une possibilité que j'y participe. Mais on n'a tellement pas de certitudes que ça ne sert à rien de se projeter vers l'avant."
Q: Qu'est-ce qui vous manque le plus en ce moment ?
R: "C'est d'aller à la plage, dans une forêt, à la rivière, faire du surf. Je peux toujours courir un peu mais c'est l'espace qui me manque. mais je ne suis pas au bord de la dépression. D'un point de vue physique et psychologique, je vis très bien ce confinement. Je ne m'ennuie pas du tout. Je regarde des séries, je suis fan d'astronomie et j'en ai profité pour acheter du très bon matos, je lis des mangas et la préparation physique me prend beaucoup de temps et d'énergie, entre 2 et 4 heures (par jour). J'occupe bien mes journées. Mon inquiétude est rivée sur les catastrophes que provoque cette pandémie pour la société en général."