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Mondial de rugby: face à la fuite des talents, les îles du Pacifique rêvent de révolution

Les Fidji, Samoa et Tonga s'appuient sur un riche héritage rugbystique et un large réservoir de joueurs talentueux. Mais, isolées géographiquement et faibles financièrement, les Iles du Pacifique perdent nombre de leurs pépites qui s'expatrient vers des championnats plus huppés et plus rémunérateurs.

Ces nations peinent à exister sur la scène mondiale. Pourtant, selon le Pacific Rugby Players Welfare (PRPW), qui représente les joueurs issus de ces îles, ces derniers comptent pour 20% de l'ensemble des rugbymen professionnels de la planète.

Si cette statistique reste sujette à caution, il est clair que les archipels du Pacifique ont, depuis longtemps, fourni des joueurs aux grandes nations voisines Nouvelle-Zélande et Australie. Plus récemment, c'est en Europe (Angleterre et France notamment) que de nombreux éléments sont arrivés.

"Ce sont des sportifs très doués et ils ont cet esprit guerrier qui a toujours existé dans leur histoire. C'est dans leur ADN et ça transparaît dans leur rugby", explique le sélectionneur des Fidji, le Néo-Zélandais John McKee.

- L'ouest sauvage -

Bien souvent, ces guerriers ne profitent pas aux pays qui les ont vu naître. Il manque à ces îles, dont la population totale ne dépasse pas 1,5 million d'habitants, le poids financier capable de retenir les plus prometteurs.

"Pour certaines personnes, les emmener là-bas est une question de chiffres: s'ils peuvent placer dix joueurs en France et que l'un d'entre eux devient une superstar, c'est génial pour les agents", déplore McKee. "Mais qui s'intéresse aux neuf autres qui n'ont pas eu de contrat? Ils dégringolent de niveau et finissent à jouer au rugby fédéral (amateur)".

"Nos meilleurs joueurs sont éparpillés à travers le monde, particulièrement en Europe", regrette McKee. Pour la sélection nationale, forger une cohésion d'équipe en est d'autant plus difficile. "Garder un oeil sur leur forme, leur condition physique et leur état de santé est une tâche colossale pour nous".

Pour Ben Ryan, ancien entraîneur de l'équipe fidjienne de rugby à VII, qui a décroché la première médaille d'or olympique de l'histoire du pays en 2016 à Rio, la situation rappelle le "Wild West", l'ouest sauvage sans foi ni loi. Mais Ryan nuance: "beaucoup de problèmes sont venus de chez nous, de la Fédération fidjienne. Beaucoup de choses importantes doivent être améliorées".

Si tout n'est pas réglé, des améliorations ont eu lieu. Ainsi, l'année dernière, les Fidji et les Samoa ont été accueillies au sein du "Conseil" de World Rugby, le gouvernement du rugby mondial, après avoir satisfait aux critères de gouvernance stricts définis par la fédération internationale.

Mais le projet récemment abandonné de Championnat des nations, qui aurait pu rassembler les meilleures équipes du monde à partir de 2022, met en lumière le peu d'estime de World Rugby pour les archipels du Pacifique, qui devaient être initialement exclus en bloc de la première division de la compétition. Au final et après une énorme polémique, World Rugby avait indiqué que les Fidji pourraient y avoir une place.

- Une franchise du Pacifique ? -

Sur le plan purement sportif, les Fidji ont pourtant montré qu'ils n'avaient pas à rougir face aux équipes soi-disant mieux armées en remportant un test match historique en France en novembre dernier (21-14).

"Ce dont nous avons besoin, c'est d'une équipe professionnelle dans une compétition professionnelle, qui nous permettrait de garder nos joueurs", avance McKee, citant l'exemple des Jaguares basés à Buenos Aires.

Depuis 2016, la franchise argentine croise le fer dans le Super Rugby avec les provinces historiques de l'hémisphère sud, disputant même en juillet dernier leur première finale (perdue face aux Crusaders). Pour nourrir les Jaguares, la plupart des Argentins d'Europe sont revenus au pays, recréant l'unité de la sélection nationale.

Une franchise des îles pacifiques au Super Rugby ? L'idée est séduisante, mais une tentative a échoué l'an passé, jugée non viable financièrement par les organisateurs. McKee a bien une idée: que World Rugby reverse une partie des droits TV, toujours plus lucratifs, aux îles du Pacifique.

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