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Édito: au final, je ne pourrai jamais vous en vouloir

Hier soir, sur le coup de 22h45, je n'avais aucune colère. De la déception, oui, bien sûr, comme toujours quand la Belgique perd un match. Mais cette défaite m'a conforté dans cette impression qu'au fond, les Diables Rouges n'avaient aucune obligation de gloire. Et qu'au final, c'était très bien comme ça.

Depuis hier soir, il règne sur la Belgique du foot comme une impression de légèreté. Oui, la défaite des Diables Rouges s'accompagne de son lot de déceptions. La Belgique pouvait vaincre cette Italie, comme elle aurait pu s'incliner contre le Portugal quelques jours plus tôt. L'Euro 2020 se termine et certains veulent déjà renverser la table : dehors Martinez, dehors Vertonghen, dehors Hazard, dehors tout et n'importe quoi. Ne comptez pas sur moi pour dire cela. 

Je vais paraître naïf, insouciant voire désintéressé aux yeux de certains. Mais pour moi, aujourd'hui, la Belgique est à sa place. Là où il faut. Quart de finale d'un Euro, cela correspond, à mon sens, à ce que représente vraiment cette équipe nationale belge. Et ce n'est pas un scandale : nous nous sommes tellement entêtés à dire que la Belgique devait gagner un titre, que nous en avons oublié que d'autres avaient peut-être plus d'obligation que nous. Nous avons confondu le pouvoir du devoir : la Belgique peut glaner quelque chose, mais elle ne doit pas le faire.

Pourquoi ? Parce qu'alors que notre génération évolue, d'autres nations ont retrouvé du souffle ou forgé des meilleurs effectifs. Le reconnaître ne fait pas de moi un traître : hier soir, j'ai vu une Italie supérieure à la Belgique. C'était serré. J'ai rêvé, vibré, j'ai encore une fois passé une bonne soirée, même si au bout, la Belgique est sortie. Il n'y a aucune honte à tomber contre mieux armé.

Ce que cette équipe m'a procuré, personne ne saura l'égaler. J'ai des souvenirs gros comme RTL House au fond d'un tout petit cœur. Je n'oublierai jamais cela, je ne pourrai jamais leur en vouloir de passer à côté du Graal. C'est peut-être manquer d'ambition, je le reconnais. Mais je suis tellement fier que notre Belgique ait eu un rayonnement pareil. Tellement fier de voir de tels joueurs représenter ce pays. Je retiens bien plus de positif que de négatif.

Je pense que ce tournoi doit nous rappeler d'où l'on vient : il n'y a pas si longtemps, il fallait offrir des places pour que les fans belges se ruent dans le stade. Nous battions péniblement le Kazakhstan, nos joueurs eux-mêmes ne croyaient pas en eux et les matchs rassemblaient péniblement 12 spectateurs, ou presque. Mais lorsque nous allions en tournoi, il y avait quelque chose. 1986 faisait partie de cela : il y avait quelque chose de très fort. Mais il n'y avait aucune pression, aucune obligation. Juste l'envie de bien faire au milieu de formations de plus gros calibre.

Alors oui, la Belgique a loupé de grosses opportunités avec le vivier le plus relevé de son histoire. Ce qui est passé est passé, nous ne referons pas l'histoire. Je comprends les regrets, mais je pense qu'il faut maintenant passer à une approche plus pragmatique. Le futur n'est pas si sombre, il y a du talent à venir. Il y a encore des joueurs de classe mondiale dans notre noyau qui seront présents au Qatar. Mais je prie tous les Dieux pour que l'on perde cette place de numéro un mondial, que l'on recule un petit peu et que l'on retrouve une forme d'insouciance. Faire rêver un pays aussi petit, parfois si divisé, c'est pour moi encore plus fort que de gagner un trophée. Titre ou pas, ce sera, pour moi, la génération dorée du football belge.

Profitons de ces joueurs, de leur talent. Il y aura encore des succès, des performances remarquables. Comme il y aura encore des déceptions. Mais souvenons-nous de 2014, quand nous étions tout simplement émerveillés. Quand Dries Mertens faisait exploser la Belgique sur un but contre l'Algérie. Ou en 2018, quand, du haut de nos ambitions, nous avions une forme de naïveté. Ce but de Chadli, cette victoire magistrale contre le Brésil. Nous pourrions revivre de telles émotions et finir par se retirer ce statut de favori, cette obligation de résultats permanente. Parce que je ne les pense pas légitimes. Et parce que je suis persuadé qu'elles créent un climat inutilement pesant. La Belgique sera sans doute régulièrement qualifiée pour les tournois. Mais sans ambition démesurée, sans folie difficile à assumer. Et vous savez quoi ? Cela me va très bien !

Passée la déception, il faudra retrouver notre force et notre union. J'y crois fermement : c'est quand on s'y attend le moins que les plus belles surprises se produisent. Alors n'attendons rien et profitons du spectacle. Comme nous le faisons si bien ! Quitte à passer pour un ringard, je préfère fêter un quart de finale qu'une désillusion sur base d'une surpression. Merci les Diables Rouges. Du fond du cœur. Et rendez-vous en septembre !

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