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Édito: en vrai, il n'y a aucune honte à être une chèvre

Désillusion, saison 4, épisode 4. Les Diables Rouges ont encore été éliminés alors que, bêtes comme nous sommes, nous pensions encore pouvoir remporter un trophée. Rangez-moi ce popcorn, on s'est encore plantés.

Les Diables Rouges sont maudits. Au fond, je ne vois plus que ça. Contre la France, à 2-0, je me vois encore célébrer tranquillement dans l'open space du RTL House. Intérieurement, parce que d'expérience, je sais que la Belgique n'a pas le droit de célébrer trop fort. Sinon, c'est la claque assurée. Et c'est ce qu'il s'est passé. 

A 2-3, ce n'est même plus de la colère, du dégoût ou de la tristesse que je ressens. C'est bien pire que ça. C'est de la résignation. Tu peux rater le coche une fois, mais pas quatre. Les calculs sont pas bons, Kevin ! Cette défaite a un aspect de traumatisme. On fait tous les surpris, alors que c'est comme pour l'alcool: si tu sais que t'es bourré après 5 verres, tu t'arrêtes à 4. Les Diables Rouges, eux, sont bourrés dès les demi-finales et on continue à les jouer. C'est du sadomasochisme. Même si on sait que, quelque part, quelqu'un a décidé que la Belgique n'aurait pas droit au bonheur. Ou qu'on ne pouvait pas y croire assez pour le toucher, c'est selon. 

Blague à part, ne soyons pas trop durs avec eux. Comme je l'ai déjà dit par le passé, nous avons confondu le pouvoir et le devoir: nous pouvions gagner quelque chose, nous ne le devions pas. Contre la France, nous pouvions nous imposer. Bon, à 2-0, ça se transforme en devions, mais on se comprend. Au final, c'est Kevin De Bruyne qui a raison: la Belgique n'a pas le vivier qu'il faut pour concurrencer des nations du top. Qu'il le dise haut et fort ne me pose pas de problème, même si j'ai hâte de voir quels joueurs vont se soulever en affirmant être du top mondial alors qu'ils ne sont, au mieux, que des solutions de rechange dans des ténors d'Europe. Soit. Et ce n'est pas parce que, d'apparence, tu n'as pas ce qu'il faut pour gagner, que tu ne peux pas le faire. La glorieuse incertitude du sport. Si Nikita Mazepin et Pastor Maldonado ont réussi à devenir pilote de F1, il ne faut jamais perdre espoir. Jamais. 

La Belgique aura connu une superbe génération de losers. Et c'est pas grave, je ne leur en veux pas. Nous avons tenté, vaillamment parfois, sans aucune audace d'autres fois. On peut regretter le palmarès, c'est vrai. Mais nous avons vu beaucoup de choses remarquables aussi. Contre la France, nous sommes passés d'une chèvre à l'autre: celle du GOAT en première mi-temps à celle plus péjorative en seconde. C'est dur, ça fait mal à l'égo et au petit coeur compatriote, mais je m'y suis tristement habitué. Cela a commencé en 2016, quand Robson-Kanu nous a enrhumé. En 2018, quand Umtiti a cassé sa meilleure démarche face à des Belges médusés. En 2021, quand Insigne s'est offert une promenade aussi tranquille que celle d'un joggeur en plein bois pour plomber nos espoirs. En 2021, quand Theo Hernandez a profité de la somnolence précoce de la Belgique pour nous ramener sur terre. 

Nous irons au Qatar. Ce qui en soit est déjà fou tant on sait que cette Coupe du Monde n'a pas de sens, mais de nouveau, je m'écarte. Nous irons encore en Coupe du Monde. La future génération a du potentiel, avec l'avantage d'avoir moins de lumières braquées sur elle à gros coup d'attentes démesurées. N'arrêtons pas de les soutenir. Ne pensons pas que l'absence de trophée soit la honte absolue pour la Belgique, qui a toujours eu en face des nations qui pouvaient au moins rivaliser. Du regret, oui, mais pas de haine. Cela n'aurait aucun sens. Ce qu'ils nous ont offert depuis 2014 ne doit pas non plus être sous-estimé. 

C'est bien Belge ce qui nous arrive: on fait les malins, on perd puis on rigole. Même si jeudi, personne ne rigolait. Certains veulent voir partir Roberto Martinez. D'autres pensent que l'on doit virer la génération actuelle de toute urgence. C'est la cruauté du sport. Moi je suis pour un entre-deux: j'aime bien voir la Belgique jouer au foot et je n'ai plus envie de me prendre la tête avec des ambitions absurdes. Je laisse ça aux joueurs. Par contre, s'ils pouvaient se prendre une ou deux gifles quand ils s'endorment, ça je suis preneur. Et si c'est Roberto ou un autre qui les donne, au fond... 

Allez, merci quand même les Diables Rouges, même si notre relation toxique entre l'amour et la haine fait parfois mal. Vivement le mois de novembre pour vaincre la terrifiante Estonie et se requinquer l'esprit. Sur ce, je vais boire une soupe bien chaude assaisonnée avec le sel de mes larmes. 

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