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Le Royal Excel Mouscron lance la première équipe de réfugiés en Belgique: "Quand on joue, on n'a pas un Guinéen, un Ethiopien, un Irakien, mais des footballeurs"

Ils viennent de Guinée Conakry, Sénégal, Gambie, Irak, Sierra Leone ou encore El Salvador. Mais, ensemble, ils défendent le même blason: celui du Royal Excel Refugees, une équipe de football composée de demandeurs d'asile. C'est le club de Mouscron qui est pionnier en la matière en Belgique. En espérant que les autres suivent le mouvement.

"Je voyais souvent, derrière le bâtiment, un jeune qui tapait du ballon quotidiennement comme un acharné. Il m'avait l'air affûté et pas maladroit du tout de ses pieds. J'ai été le voir pour discuter avec lui...". C'est de cette manière, toute simple, que Mouâd Salhi, chargé des contacts externes au sein du centre d'accueil de Mouscron, a eu l'idée de créer une équipe de demandeurs d'asile.

Le jeune en question s'appelle Ibrahim. Il a 18 ans et, en Guinée Conakry d'où il vient, il jouait dans une académie de football reconnue en Afrique. Lors de leur discussion, il explique ainsi à Mouâd Salhi qu'il cherche un club en Belgique avec un objectif: devenir footballeur professionnel. "L'insertion et l'intégration, c'est dans ce cadre-là que rentre l'équipe du Royal Excel Refugees. Donc je me suis dit pourquoi pas créer une équipe permettant à plusieurs résidents de taper du ballon et sortir de leur quotidien et permettre à certains d'être mis en valeur et peut-être taper dans l'oeil d'un recruteur, que ce soit au niveau professionnel ou régional. S'il gagne un petit peu d'argent avec le foot, ça lui permettra de faire autre chose que de rester entre quatre murs ici au Refuge", précise encore Mouâd dont le rôle est justement de créer des partenariats avec différents organismes (culturels, sportifs, institutionnels) et de faire en sorte que le centre d'accueil s'intègre au mieux dans la vie mouscronnoise dans sa globalité.

Le club de Jupiler Pro League a, de son côté, a immédiatement accepté la proposition de Mouâd. "Je suis parti la fleur au fusil. Je leur ai expliqué mon métier, que j'aimerais établir un partenariat sans encore avoir l'idée de l'équipe des réfugiés, d'ailleurs. Je ne savais pas encore comment cela se concrétiserait mais je leur ai dit que cela devait être 'win-win'. Par exemple, nos résidents pouvaient les aider pour n'importe quel travail au sein du club. Et là m'est venue l'idée de l'équipe".

Le centre Fedasil est actuellement le plus grand centre d'accueil francophone de Belgique avec plus de 750 résidents pour une capacité de 860 personnes. De quoi créer plus qu'une équipe! Sauf que ce n'est pas si facile... "Les demandes d'asile, c'est assez fluctuant car c'est au cas par cas. Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) est normalement censé donner une réponse favorable ou défavorable aux demandeurs d'asile dans les quatre mois. Mais étant donné qu'il y a eu des quotas fixés à un moment donné par le secrétaire d'État à l'Asile et aux Migrations de l'époque (Theo Francken), cela a créé une sorte de bouchon et la liste d'attente allait en augmentant. Le délai de 4 mois n'est plus tenable, cela peut durer parfois 2-3 ans, tout est question de procédure et de nationalité", explique Mouâd. "C'est ça aussi l'équation que je devais prendre en compte au moment de créer cette équipe car je savais que, peut-être dans 4 mois, aucun joueur ne sera encore là. J'ai donc fait en sorte que ce soit une équipe ouverte à tous les résidents souhaitant jouer un peu".

En plus de son rôle au sein du Refuge, Mouâd Salhi est donc un peu le coach de cette équipe. "C'est Ibrahim qui a fait le casting de l'équipe car il est au plus proche des résidents. Au-delà de l'aspect football, il y a un petit aspect compétition tout de même (rires). Là, on sèche un peu sur le poste de gardien de but".

Comme dans toute équipe de foot, en fait. Mouâd acquiesce: "Cette équipe leur permet avant tout de rencontrer du monde et de s'intégrer par le sport. Le football est un sport qui véhicule un maximum de valeurs (entraide, respect, solidarité) et je mets un point d'honneur pour leur expliquer la démarche. A chaque fois qu'on joue un match, ils vont vers les autres, discutent et font des rencontres. Quand on joue un match, on n'a pas un Guinéen, un Ethiopien, un Irakien. Non, on a des joueurs de foot qui ont ensuite les mêmes débats que tout le monde après les matches; qui est le plus fort entre Lionel Messi et Cristiano Ronaldo".

Un projet qui donc plu directement au club hurlu, comme nous l'indique Céline Mawet, responsable communication et Community (social) du Royal Excel Mouscron: "Pour le volet social, nous avons reçu de la Pro League un subside de 3.500 euros. Comme il en restait un peu, la direction a directement accepté, sans souci. Ils ont trouvé que c'était une très bonne idée".

Le club mouscronnois a pris en charge tout ce qui touche au matériel comme les maillots, les shorts, les crampons, les ballons, les plots, les cônes, etc. "Nous sommes à l'écoute de ce dont ils ont besoin", insiste Céline Mawet.

Il faut dire que ce projet donne une bonne image du club à l'extérieur. "On fait de notre mieux pour améliorer notre image en Wallonie mais en Flandre aussi. C'est une très bonne campagne. On espère que les autres clubs vont suivre. On espère commencer une sorte de championnat à l'instar de la Homeless Cup".

C'est également un "rêve" de Mouâd. "J'espère être le premier et pas le dernier en Belgique. J'espère inspirer les autres clubs de Jupiler Pro League. Car si on fait une cartographie des des centres d'accueil, on peut réunir les 16 clubs de D1A, à peu de choses près. Il y a moyen de créer une Pro League Refugees par exemple. Mais il faut la volonté du board de l'Union belge de football et des clubs pour débloquer de l'argent et consacrer du temps sur ce type de thématique". "Pour Ibrahim et les autres, c'est une réelle fierté de porter les couleurs d'un club pro en Belgique. Quand on a fait la photo officielle, ils ont ressenti une certaine fierté, certains se sont mis à rêver en se disant que c'était un tremplin pour leur future carrière, ce que je leur souhaite".

Le dernier mot revient à Céline Mawet. Et il est de nature à donner espoir aux joueurs du Royal Excel Refugees: "Le but de certains est de devenir professionnel. Pour eux, c'est une manière de se montrer. Et qui sait, peut-être intégrer une formation professionnelle. On va essayer de mettre en place un match amical entre l'équipe première et l'équipe de réfugiés en fin de saison. Et qui sait?".

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