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A Marseille, la HCup et le foot des quartiers ont résisté aux balles

"Pour le jeu, pour la passion, pour le quartier!": à Marseille, la HCup, tournoi de football inter-quartiers, s'est relevée de la dramatique fusillade qui avait mis fin à l'épreuve l'été dernier et prend même de l'ampleur, célébrant un football populaire auquel quelques "pros" viennent regoûter.

Vendredi soir, le stade de La Martine, dans les quartiers Nord de Marseille, a pris des airs de mini-Vélodrome. Tambours, mégaphone, fumigènes et feux d'artifice, ils étaient plusieurs centaines de supporters venus pour les demi-finales soutenir l'équipe "de chez eux", de leur quartier.

Face au spectacle, Salim Ben Boina, gardien de but de la sélection des Comores et co-organisateur de l'évènement, trépigne: "L'année prochaine, on veut le Vélodrome".

En attendant le grand stade, la finale opposera dimanche "les gars du 3" de Félix-Pyat, cité du très populaire 3e arrondissement et fief de la diaspora comorienne, à l'équipe du Clos, quartier du 13e arrondissement, dans le Nord de Marseille. Le coup d'envoi sera donné par le maire Benoît Payan, signe que la HCup s'est installée dans le paysage local.

En 2020 pourtant, la première édition, un peu sauvage, un peu clandestine, s'était faite à la débrouille, jusqu'aux arbitres qui sifflaient cagoulés pour éviter d'être sanctionnés par la Ligue.

"C'était la fin du confinement, tout le monde avait besoin de se retrouver. On a organisé quelques matches entre amis de chaque quartier et on s'est dit pourquoi ne pas faire une compétition?", raconte à l'AFP Soilhou Ahamed, agent sportif chez OnlyPro, l'un des quatre copains à l'initiative du tournoi.

- Pizzas et rappeurs -

"On sait d'où on vient, on peut se débrouiller avec trois bouts de bois. On demandait cinq euros aux joueurs, on allait chercher pizzas et boissons et on était ensemble pour un moment convivial", ajoute-t-il.

Mais petit à petit, l'affaire a grossi, portée par l'efficacité des réseaux sociaux, le dynamisme d'une équipe de bénévoles et le coup de pouce de célébrités locales comme les rappeurs Alonzo ou L'Algerino, venus donner les coups d'envoi.

Pour Soilhou Ahamed, le tournoi a ainsi permis de "montrer le savoir-faire et le talent des gens des quartiers, à qui on ferme souvent les portes".

Initialement cantonnée au Nord, l'épreuve s'est aujourd'hui élargie au centre (Félix-Pyat), au Sud (La Cayolle) et même aux alentours de Marseille avec Aubagne et Vitrolles.

"Marseille, c'est le melting-pot et la capitale du foot. Mais on voulait montrer que c'est aussi celle du foot populaire, pas uniquement l'OM", explique Soilhou Ahamed.

"L'année dernière, on a joué des matchs au sud, on voulait casser le cliché et la fracture sociale Nord-Sud. L'année prochaine il y aura d'autres équipes, certaines de quartiers plus aisés et on montrera que tout ça, c'est Marseille, qu'on peut se mélanger."

- Dramatique fusillade -

L'ambiance et le très bon niveau de jeu ont aussi attiré quelques joueurs confirmés de L2 ou de L1, venus défendre les couleurs de leurs quartiers d'origine, comme Ilan Kebbal (Reims), Hugo Magnetti (Brest) ou Youssouf M'Changama (Auxerre).

"C'est notre petite pléiade de stars qui jouent le jeu", sourit Soilhou Ahamed. "Pour eux c'est une sensation énorme de revenir jouer dans leur quartier. Ils retrouvent l'ADN de leur passion."

Tout aurait pourtant pu s'effondrer l'année dernière, quand l'édition 2021 a été rattrapée par la violence qui frappe certains quartiers de Marseille avec une fusillade après un match. Deux joueurs de Malpassé sont pris pour cible, l'un est tué, l'autre gravement blessé. Les deux venaient de sortir de prison après des condamnations pour trafic de stupéfiants.

"Ca a été dramatique. Mais ça reflète aussi ce qui se passe dans notre ville", reconnait Soilhou Ahamed. "Si ça n'avait tenu qu'à nous quatre, on aurait arrêté. Mais ça nous a dépassé et on a décidé de le faire pour Marseille et les quartiers."

Malgré des attaques venues du Rassemblement national, la municipalité n'est pas revenue sur son soutien à l'évènement. "Ca n'a jamais été en discussion", a assuré à l'AFP Hedi Ramdane, l'adjoint au maire chargé de la jeunesse. "Le maire les a reçus et leur a dit qu'il allait les soutenir pour qu'ils reviennent encore plus fort." Jusqu'au Vélodrome?

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