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Aux Etats-Unis, les supporters de la rencontre Iran-USA coincés entre le football et la politique

Entre la vague de manifestations actuelle contre le pouvoir des ayatollahs et l'amour du football, la rencontre mardi entre l'Iran et les Etats-Unis lors du mondial au Qatar a coincé de nombreux supporters perses expatriés entre le marteau et l'enclume.

A Los Angeles et Washington, beaucoup d'Irano-Américains ont accepté la défaite de la "Team Melli" 0-1 face à leur pays d'adoption, synonyme d'élimination, sans vouloir y ajouter de vibrant plaidoyer politique.

"Honnêtement, vu la situation en Iran, je me sentais déchiré" confie à l'AFP Aubteen Maroufi. Cet Irano-Américain d'une vingtaine d'années, venu regarder la rencontre dans un pub de "Tehrangeles", le quartier perse de la Cité des Anges en Californie, se serait satisfait d'une victoire de l'une ou l'autre des équipes.

Le jeune homme n'a pas chanté l'hymne iranien au début de la rencontre. Mais contrairement à un groupe de voisins plus virulents, il n'a pas non plus brandi de doigt d'honneur face aux écrans plats montrant les joueurs l'entonner à Doha.

La tension est extrême en Iran, théâtre d'un mouvement de contestation à la suite de la mort le 16 septembre de la jeune Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs à Téhéran pour, d'après celle-ci, ne pas avoir respecté le code vestimentaire strict imposé par le régime.

Dans ce contexte brûlant, la sélection iranienne a dû faire face à une pression immense pendant toute la phase de poules.

Refus de chanter l'hymne face à l'Angleterre, célébration ou non de leurs buts, rencontre avec le président ultraconservateur Ebrahim Raïssi juste avant de s'envoler pour le Qatar... les moindres faits et gestes des joueurs ont pu être interprétés comme une marque de soutien à la contestation, ou brandis en étendard politique par Téhéran.

Face à un match synonyme de dilemme pour les Iraniens expatriés, Shirin botte en touche derrière son assiette de poulet frit.

"Je soutiens les deux" équipes, explique prudemment cette quinquagénaire, qui refuse de donner son nom de famille.

- "Sentiments partagés" -

Près d'elle, son amie Rachel avoue soutenir les Etats-Unis, après 30 ans passés sur le sol américain, malgré ses racines iraniennes. Mais ce soutien sert-il à dénoncer la répression de Téhéran, qui a fait plus de 400 morts selon l'ONG Iran Human Rights?

"C'est une question vraiment compliquée, je ne souhaite pas y répondre", évacue cette quinquagénaire.

A Washington, dans un bar tout proche de la Maison Blanche, Darius tente lui aussi de faire fi des décennies de tensions entre l'Iran et les USA, qui ont rompu leurs relations diplomatiques depuis 1980.

Cet Irano-Américain de 23 ans se dit "neutre" et compatit avec le rôle de funambule imposé aux joueurs iraniens.

"Avec tout ce qui se passe dans le pays, ils jouent pour bien plus que pour eux, que pour l'équipe", observe-t-il, sans donner son patronyme. "Ils jouent pour le peuple resté à la maison."

Quelques tables plus loin, un Irano-Américain qui assure s'appeler Mike confie ses "sentiments très partagés". Au final, la politique a été plus forte que sa passion pour le ballon rond et il a décidé de soutenir la sélection américaine.

"Je ne voulais pas faire cette joie au gouvernement iranien", souffle-t-il. "Mon coeur est avec le peuple iranien, pas le gouvernement."

Bien moins tiraillés, les supporters américains ont eux pu savourer la qualification sur le fil de leur équipe en huitièmes de finale, après deux matches nuls.

Pour Max Spear, qui sirote sa bière avec des amis à Los Angeles, le football a éclipsé tout le reste.

"Je sais que certains ont utilisé le match pour montrer leur soutien à la révolution, en sifflant l'hymne, mais je ne pense pas que la rencontre soit un affrontement entre l'Occident et l'Orient", estime cet universitaire d'une vingtaine d'années.

"Je ne crois pas que supporter les joueurs iraniens signifie soutenir le régime", ajoute-t-il. "Ce sont deux choses différentes."

burs-hg/rfo/led

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