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Décès de Michel Hidalgo, le premier "gagneur" du foot français

Le nom de Michel Hidalgo, décédé jeudi à 87 ans, restera à jamais associé à la première grande victoire du football français: il était le sélectionneur de la bande à Platini, triomphante à l'Euro-1984, deux ans après les larmes de Séville.

Le Cyrano du foot tricolore gagnait avec "panache". Avant Aimé Jacquet, champion du monde en 1998, avant Didier Deschamps, vainqueur du Mondial-2018, il y eut Hidalgo, le patriarche, la statue du Commandeur.

Contrairement au héros d'Edmond Rostand, Michel Hidalgo n'avait pas un grand nez, mais du flair. Il a senti l'éclosion du génie Michel Platini et a bâti, en huit ans à la tête des Bleus entre 1976 et 1984, une sélection séduisante, forte d'une identité de jeu offensive.

Il a mené la France vers de nouveaux sommets, et même atteint l'apothéose lors du Championnat d'Europe, un jour de juin 1984, au terme d'une finale mémorable contre l'Espagne (2-0) à Paris, qui a couronné le talent de "Platoche" (9 buts en cinq matches).

Après des décennies de défaites glorieuses, du Mondial-1958 (3e) aux finales de Coupe des champions perdues, par Reims (1956, 1959) ou Saint-Étienne (1976), la France gagnait enfin un trophée majeur du foot, et avec la manière.

Mais le chemin a été long, Hidalgo n'a pas toujours été un winner. La "lose" lui a longtemps poissé les crampons.

Comme joueur, il perd par exemple la première finale de la Coupe des clubs champions, l'ancêtre de la Ligue des champions actuelle, avec le Stade de Reims, contre le Real Madrid (4-3). Les Champenois avaient pourtant mené 2-0 et Hidalgo lui-même, de la tête, avait marqué le but du 3-2 au Parc des Princes.

- Le "carré magique" -

Le fils d'immigré espagnol est aussi le coach de la tragédie sportive de Séville en 1982, où les Bleus perdirent une demi-finale de Coupe du monde contre l'Allemagne, aux tirs au but (3-3 a.p., 4-3 aux t.a.b.), après avoir mené 3-1 pendant la prolongation.

Ce soir-là, tout son vestiaire était en larmes, "comme des enfants", raconta-t-il. Deux ans plus tard, c'est lui qui pleure, de joie, porté en triomphe par son groupe champion d'Europe.

La victoire porte le sceau de Platini, bien sûr, mais aussi celui d'Hidalgo, le penseur du "carré magique". "Les autres équipes jouent avec trois 6 et un 10, moi je joue avec trois 10 et un 6", disait-il avec son sens de la formule. Alain Giresse, Bernard Genghini et Jean Tigana accompagnaient Platoche, puis Luis Fernandez à la place de Genghini.

Il lui a fallu huit ans à la tête des Bleus, le plus long bail avec Deschamps, pour arriver au sommet, la qualifiant d'abord pour la Coupe de monde 1978, après douze ans d'absence de l'élite.

Dès 1976, Hidalgo s'est appuyé sur ce qu'il ne voulait pas voir comme des "mots tabous": "le panache et le brio", "un football souriant", expliquait-il. Son mantra: "la beauté est compatible avec l'efficacité".

"J'ai été joueur, entraîneur puis spectateur, j'ai toujours eu ces idées. Et tant pis si je passe pour un poète ou un ringard!", souriait-il.

- Avec Tapie à l'OM -

Avant sa carrière d'entraîneur, le natif de Leffrinckoucke (Nord), le 22 mars 1933 (il avait un frère jumeau, Serge), n'avait pas été aussi haut dans le foot.

Il a commencé sa carrière professionnelle au Havre -- son père, ouvrier métallurgiste dans les hauts-fourneaux, avait installé la famille en Normandie, à Mondeville, près de Caen.

Michel Hidalgo a ensuite rejoint le grand Reims (1954-1957), où il n'était pas un titulaire indiscutable, puis a participé à la montée en puissance de l'AS Monaco, où il a remporté deux nouveaux titres de champion de France (1961, 1963), après celui de 1955 avec Reims.

Il n'a connu qu'une sélection en Bleu comme joueur, le 5 mai 1962, une défaite en amical contre l'Italie (2-1).

Après son triomphe de 1984, Hidalgo n'a plus jamais été aussi haut.

Il a failli être ministre des Sports de Laurent Fabius à l'été 1984, puis est devenu directeur technique national (DTN) à plein temps de 1984 à 1986, après avoir cumulé la fonction avec celle de sélectionneur.

Puis il a rejoint Bernard Tapie dans la construction d'un puissant Olympique de Marseille, en 1986, comme directeur général, jusqu'en 1991.

Mais sa légende, il l'a écrite avec le maillot au coq. Une dernière punchline en guise d'épitaphe? "Un sélectionneur qui gagne, disait Michel Hidalgo, c'est Louis XIV, Versailles et la Galerie des Glaces. Quand il perd, c'est Louis XVI, la guillotine..."

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