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Droit à l'image des sportifs: le gouvernement temporise

Les clubs pourront-ils à nouveau verser des droits à l'image à leurs joueurs, synonymes d'économies sur les cotisations sociales ? La mesure, "fondamentale" pour le secteur au nom de la compétitivité, figure dans la loi, mais le gouvernement temporise face à l'épouvantail d'un cadeau fiscal aux plus riches.

. Pourquoi un droit à l'image?

Ce dispositif de rémunération des sportifs et des entraîneurs professionnels figure dans la loi du 1er mars 2017 sur l'éthique du sport et la compétitivité des clubs, adoptée sous l'ancien gouvernement. "Un footballeur a au moins deux fonctions", expose à l'AFP Muriel Féraud-Courtin, avocate associée du cabinet Taj. D'un côté, les entraînements et compétitions, "une partie sportive pour laquelle il a un contrat de travail avec son club". De l'autre, "certains footballeurs qui ont acquis de la notoriété prêtent leur image pour promouvoir leur club via des spots publicitaires, des produits dérivés...", poursuit l'avocate. L'idée, "c'est de comptabiliser cela dans la rémunération du joueur", via "un contrat commercial avec le club, séparé du contrat de travail et avec un assujettissement différent aux charges sociales".

. Quel est l'intérêt pour les clubs?

"Quand on peut faire venir un certain nombre de joueurs avec des conditions améliorées face à la concurrence européenne, grâce à des contrats d'images, on est dans un niveau de développement important", a récemment plaidé Jean-Michel Aulas, le président de l'Olympique Lyonnais pour qui la mesure est "fondamentale".

Ces contrats d'image doivent permettre aux clubs de verser plus d'argent à leurs joueurs les plus célèbres, sous forme de redevances, avec un niveau de cotisations patronales moins élevé. "On aura un système pour dire à un joueur +reste à Toulouse au lieu d'aller cirer le banc à Newcastle+", explique le président de l'Association nationale des Ligues sportives professionnelles (ANLSP), Patrick Wolff.

Le patron du syndicat des footballeurs professionnels (UNFP), Philippe Piat, estime que plusieurs dizaines de millions d'euros d'économie pourraient être à la clé pour les clubs. "Mais ça ne doit pas se faire au détriment de la protection sociale du joueur", prévient-il, en assurant avoir obtenu des garanties.

. Pourquoi ce n'est pas (encore) en vigueur?

Bientôt un an après la publication de la loi au journal officiel, le décret d'application de la mesure n'est toujours pas sorti. Si ce retard peut être attribué au changement d'exécutif, l'actuel gouvernement ne semble pas pressé.

En décembre, "un groupe de travail technique" a été mis en place pour "faire des propositions au gouvernement", indique-t-on à Matignon. Après "un nouveau tour de table" avec les ministères concernés, l'Elysée et Matignon, se dessinera "une commission de travail avec les acteurs du secteur". Mais surtout, "l'accord du gouvernement sur ce dispositif ne sera possible que si celui-ci est neutre ou positif pour les finances publiques", prévient-on à Matignon.

. Pourquoi le sujet est délicat?

Car le dispositif en rappelle un précédent, le DIC, pour droit à l'image collective. Pour moins payer d'impôts, les clubs l'avaient détourné de son objectif initial: "tous les clubs pouvaient soustraire forfaitairement 30% du salaire des joueurs, qui se trouvaient exonérés de charges sociales et patronales", sans forcément exploiter leur image, rappelle Muriel Féraud-Courtin. De son côté, l'Etat devait compenser la perte de recettes fiscales. Coût pour les finances publiques: "près de 63 millions d'euros" de 2005 à 2007, avait relevé la Cour des Comptes dans un rapport qui avait sonné le glas du DIC, supprimé en 2010.

Cette fois, "la rémunération correspond à des prestations réelles, on n'est pas dans l'artificiel", plaide Patrick Wolff. "Il s'agit d'une image individuelle, plus facile à appréhender. On sait à peu près ce que vaut l'image de Neymar, on peut quantifier celle d'un autre joueur de L1" en fonction du nombre de maillots qu'il fait vendre par exemple, abonde Muriel Féraud-Courtin.

Le monde du football "assure que ça ne coutera pas un centime à l'Etat, parce que le manque à gagner sera comblé par la venue d'autres joueurs", décrypte Philippe Piat, "mais Bercy voit les choses autrement". Et "faire savoir qu'on va permettre de faire des nouvelles économies au foot qui brasse déjà des millions, c'est compliqué".

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