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Mondial-2018: une campagne de promotion en Mondovision pour la Croatie

Ils ont perdu une finale mais gagné beaucoup: l'exceptionnel parcours des 'Vatreni' lors du Mondial-2018 est la meilleure des promotions pour la Croatie, même si l'impact sur une économie en crise reste très incertain.

Merci. C'est le mot qui résume ce que les Croates veulent dire à leurs joueurs, battus dimanche en finale par la France (4-2) sans démériter. Pour Vecernji List, l'un des deux principaux quotidiens de ce petit pays, Luka Modric et sa bande ont rendu "la Croatie meilleure".

"Ils lui ont rendu la fierté, l'ont sorti du pessimisme" ambiant dans un pays dont l'économie stagne depuis des années et dont les citoyens ont le sentiment que l'adhésion à l'Union européenne en 2013 n'a pas apporté les fruits escomptés.

Un salaire moyen qui plafonne à 830 euros, mais surtout une jeunesse qui fuit, le dépit face à la faiblesse des réformes, une classe politique décrédibilisée et un clientélisme prégnant dans la société (dont les scandales touchant le football sont un symptôme), sont les principales explications régulièrement avancées pour expliquer ce marasme.

Mais pendant un mois, les Croates ont renvoyé au monde une image d'allégresse généreuse, bien loin des incidents provoqués par leurs supporteurs à l'Euro-2016, de la croix gammée tracée en 2015 sur la pelouse de Split par les ultranationalistes les plus extrémistes, ou encore des conflits balkaniques des années 1990 auxquels ils sont encore souvent renvoyés à l'étranger, à leur grand dépit.

- La sympathie du monde -

"Nous avons gagné la sympathie du monde entier", a déclaré Miroslav Blazevic, le légendaire sélectionneur de l'équipe arrivée en demi-finale du Mondial en 1998.

"C'est une superbe campagne de promotion, plus efficace encore que celle d'il y a 20 ans", dit le politologue français Loïc Tregoures, spécialiste des Balkans et de leur football.

Car à l'époque, juste après la guerre d'indépendance contre les forces serbes (1991-95), "on parlait quand même beaucoup du régime de Tudjman", autoritaire, alors que la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic (centre droit), fervente supportrice des "Vatreni", a renvoyé à l'étranger une image "sympathique, enjouée", selon l'universitaire français.

"Cette dernière semaine, les médias internationaux ont plus parlé" de la Croatie que durant des années auparavant, relève Bozo Skoko, qui enseigne les Relations publiques à la faculté de Sciences politiques de Zagreb.

"Nous devons utiliser ce moment d'optimisme et nous engager dans un processus positif pour la Croatie", cela "peut conduire à la croissance économique si nous exploitons bien cette situation", a dit Kolinda Grabar Kitarovic.

Dans la foulée de la demi-finale héroïque contre l'Angleterre (2-1), l'office de tourisme a constaté une explosion des consultations de ses pages (+250%). Le Mondial "nous place au centre de l'attention mondiale", a dit son patron, Kristjan Stanic.

Dans une vidéo, les joueurs vantent les paysages aussi superbes que variés qu'offre la Croatie. "Venez-voir ma Slavonie", recommande l'attaquant Mario Mandzukic. "Vous devez visiter nos parcs nationaux", dit Ivan Rakitic.

- L'hémorragie de la population -

Le tourisme pèse pour 20% du PIB, ce qui traduit autant la force de ce secteur que la faiblesse du reste du tissu économique. Mais peut-il encore être développé?

"Sur le plan touristique, ils sont déjà blindés", dit Loïc Tregoures. Avec plus de 18 millions de visiteurs en 2018, certains endroits, comme les lacs de Plitvice, les villes de Split ou Dubrovnik, sont saturés l'été, au point de susciter le mécontentement des populations locales.

Quant à la démographie, principale faiblesse économique, une finale de Mondial n'y changera rien: "le boost moral" consécutif à l'exploit des footballeurs, "va peut-être se traduire par un mini-boom à neuf mois. Et encore... Mais cela n'empêchera pas les jeunes de continuer à partir...", dit Loïc Tregoures. A ses yeux, il n'y aura "bien sûr" aucun effet économique, "zéro".

Officiellement, 40.000 personnes ont quitté le pays en 2017. Mais selon diverses estimations, l'exode fut en fait double. Si la population est de 4,2 millions à en croire le dernier recensement de 2011, les démographes pensent qu'elle est en fait passée sous la barre des 4 millions, et qu'à ce rythme elle pourrait même chuter sous les trois millions d'ici à quinze ans.

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