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Mondial-2019: sur les traces de Diacre à Soyaux, bastion et cocon

"Elle habitait à la maison", se souvient Claude Fort, co-fondateur du club de Soyaux. L'adolescente a fait du chemin depuis. Mais quand Corinne Diacre n'entraîne pas les Bleues, elle revient dans cette petite ville charentaise, là où elle s'est construite et forgée au football d'élite.

Forézienne, puis Creusoise au gré des mutations parentales mais nordiste de naissance, Corinne Diacre reste attachée à cette cité-dortoir du Grand Angoulême de 9.000 âmes, qu'elle a rejointe la première fois en 1988.

Elle a 14 ans et le rêve fou pour une femme de devenir quelqu'un grâce au ballon rond. A l'époque, ses parents l'amenaient les dimanches matins depuis Aubusson (Creuse), soit 200 kilomètres...

"Corinne avait fait parler d'elle toute petite avec le concours de jonglages gagné au milieu des garçons", se souvient Claude Fort, co-créateur du club en 1967 et qui a fait, avec sa femme Marilyn, ancienne gardienne de but devenue présidente, office de parents d'accueil.

- Les Bleues, son échappatoire -

"On avait des relations fortes. Tout ce qu'elle a pu connaître comme difficultés étant jeune (décès de son père...), on était là", raconte M. Fort, un intime.

"Je ne la conseille pas, je lui donne mon avis", sourit-il, se remémorant "même s'il ne l'a pas entraînée énormément" une "compétitrice hors norme" dotée d'un "potentiel de travail au-dessus de tout le monde" qui se chargeait elle-même "de faire passer ses messages".

Champion de France en 1984, Soyaux, c'est un peu l'histoire du village d'irréductibles, as de la débrouille. Qui perpétue une présence dans l'élite du foot féminin français depuis 40 ans, résistant avec ses 700.000 euros de budget aux nouvelles puissances estampillées Ligue 1 (7,5 millions d'euros pour Lyon).

L'idylle de Diacre avec Soyaux, club sans le sou pour rétribuer ses footballeurs, a duré 25 ans, sur le terrain puis sur le banc, comme entraîneure. La joueuse, elle, a vécu pendant des années avec sa petite bourse d'athlète de haut niveau et des boulots saisonniers.

"Au début, on pensait qu'elle ne resterait pas. Elle a été fidèle, et ça, c'est exceptionnel. Je ne sais pas si aujourd'hui quelqu'un repousserait toutes les tentations qu'elle a pu avoir. Elle a été sollicitée", y compris de l'étranger, reconnaît le dirigeant.

Pour Diacre, l'échappatoire, c'était les Bleues, portées par une génération talentueuse: Marinette Pichon, Sandrine Soubeyrand... Elle en est devenue la chef de bande, empilant les sélections (121) avec en apothéose un but contre les Anglaises en 2003, synonyme de qualification historique pour la Coupe du Monde aux États-Unis.

- Précurseur -

Trois ans plus tard, à 32 ans, une grave blessure au genou a mis fin à sa carrière. Mais pas à son appétence pour le haut niveau. Coach dans l'âme, elle est devenue adjointe du sélectionneur Bruno Bini, en parallèle de sa première expérience sur le banc de Soyaux.

"Elle dégageait un truc", se souvient la milieu Siga Tandia, au club depuis dix ans. "Elle était directive, dans le sens positif. Elle avait une idée précise et il fallait la suivre. Elle apportait cette rigueur comme si c'était notre métier alors qu'on travaillait toutes à côté. Elle était précurseure".

Avec le temps, Soyaux est devenu trop petit. Diacre a validé ses diplômes à Bordeaux auprès de Philippe Lucas, entraîneur de jeunes aux Girondins, un tuteur frappé par "sa compétence, son caractère et sa personnalité". Elle a rejoint Clermont (L2) qui a parié sur elle à l'été 2014 (jusqu'à aout 2017), première et seule femme à ce niveau.

"On a toujours dit avec mon épouse: +c'est une joueuse d'élite+ et +ce sera un entraîneur d'élite+", commentent les Fort, certains que leur protégée a "besoin d'excellence". Et de s'interroger si elle "va au bout du Mondial".

"Elle voudra aller plus loin", prévoit Claude Fort. En L1 ? "Elle a tout pour y arriver", assure-t-il.

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