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Super League des 12 clubs riches: Agnelli, le président de la Juventus, "un des hommes qui fait le plus mal à l'idée de l'universalité du foot"

Partisan affiché d'une Ligue des champions élargie avant de lui préférer le projet de "Super League" privée officialisée lundi, Andrea Agnelli est un dirigeant salué pour la révolution menée à la Juventus mais honni par certains comme le promoteur d'un football formaté pour les puissants.

La compétition remodelée, que l'UEFA doit adopter lundi, est "très très proche d'une Ligue des champions idéale", avait récemment affirmé l'Italien, alors président de l'Association des clubs européens (ECA), et à ce titre porte-parole des plus grands clubs.

Un nouveau format sur lequel il avait activement travaillé avant d'annoncer dans la nuit de dimanche à lundi que la Juventus se joignait finalement à onze autres grands clubs pour lancer une "Super League", une compétition privée vouée à supplanter la C1, véritable déclaration de guerre à l'UEFA.

Agnelli a démissionné dans la foulée de la présidence de l'ECA, dans un sacré coup de théâtre.

Cela ne va pas contribuer à redorer son blason auprès de ceux qui voyaient déjà en lui un dirigeant faisant passer l'intérêt des plus riches avant celui du football.

Dans un éditorial cinglant, le quotidien sportif français L'Equipe avait qualifié en février Agnelli de "l'un des hommes qui fait le plus de mal à l'idée de l'universalité de ce jeu". Le Guardian britannique a aussi fustigé le patron de la Juventus et son combat pour "garantir davantage d'argent à ceux qui sont déjà riches, qu'importe s'ils sont bien ou mal gérés".

"Développer la Ligue des champions: cela a toujours été son idée fixe, d'abord pour augmenter sa valeur économique", explique à l'AFP Marco Iaria, journaliste à la Gazzetta dello sport, pointant l'admiration d'Agnelli pour le football américain et son "Superbowl".

Pour autant, jusqu'ici, Agnelli n'avait jamais défendu publiquement une "Superligue" fermée.

Né à Turin il y a 45 ans, il s'est formé au marketing à travers plusieurs expériences en Italie et à l'étranger. Cet entrepreneur aux sourcils broussailleux et à la barbe sombre a mis en pratique sa vision d'un football "mondialisé" à la Juve depuis 2010.

Nommé à la tête d'un club encore secoué par l'affaire du Calciopoli et la rétrogradation en deuxième division (en 2006), le fils d'Umberto Agnelli a totalement révolutionné la "Vieille dame" en diversifiant les activités (hôtel, musée), en développant le sponsoring, en toilettant le logo pour le rendre plus "universel" avec un simple "J". La valeur boursière du club a explosé.

"Giovanni Agnelli (son oncle, ancien patron de Fiat, NDLR) était l'incarnation du fordisme appliqué au football, Andrea Agnelli est l'incarnation de la mondialisation dans le sport, dans le sillage de Fiat qui est totalement mondialisée", observe pour l'AFP l'historien Giovanni De Luna, auteur d'un livre sur l'histoire du club.

"Que ce futur soit pour le bien ou non du football, je l'ignore, mais Agnelli est totalement dans ce néo-football", ajoute-t-il.

Sur le terrain aussi, la Juventus s'est envolée en Italie avec ses neuf titres consécutifs (2012 à 2020).

Le pic de cette stratégie a été atteint en 2018 avec le recrutement du quintuple Ballon d'Or Cristiano Ronaldo. Même si, trois ans plus tard, les avis divergent sur le bilan, alors que la Juve s'est ratée en C1 et est en passe d'être détrônée en Italie.

"L'opération Ronaldo, c'était avant tout une fusion entre deux marques. Cela a apporté des résultats significatifs avec des titres mais, selon moi, cela a un peu déséquilibré les équilibres internes au sein de la Juve", remarque Giovanni De Luna.

Économiquement, cette "opération reste bonne, car elle a couronné une stratégie qui vise à faire de la Juventus une marque globale, grâce à la notoriété de Ronaldo", estime pour sa part Giovanni Palazzi, dirigeant de StageUp, cabinet de conseil dans le business du sport.

Une "marque globale" que Agnelli compte bien continuer à développer à travers cette "Super League", au moment où sa Juve souffre à la fois économiquement, avec des comptes plombés par la crise du coronavirus, et sportivement, avec l'audacieux pari de lancer sur le banc le novice Andrea Pirlo qui ne porte pas ses fruits.

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