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Annoncé en 2016 comme le potentiel successeur d'Usain Bolt, le Canadien Andre De Grasse aura dû attendre cinq ans pour remporter un premier titre majeur, celui du 200 m aux JO de Tokyo, les premiers sans la légende jamaïcaine.
La photo avait fait le tour du monde: l'immense Bolt, grand sourire, la tête tournée vers le petit de Grasse, tout en joie lui aussi, tous les deux faciles et chambreurs en demi-finale du 200 m aux Jeux olympiques de Rio en 2016.
Avec les trois médailles du Canadien, 21 ans à l'époque (bronze sur 100 et relais 4x100 m, argent sur 200 m), il avait été désigné comme l'héritier du roi Bolt. "Il va être très bon, il court comme moi", avait lâché "La Foudre".
Finalement, le natif de Scarborough dans l'Ontario a connu de nombreux déboires jusqu'à atteindre le Graal mercredi à Tokyo en 19 sec 62, devenant à 26 ans le 8e performeur de tous les temps sur le demi-tour de piste.
"J'ai longtemps attendu ce moment et je me suis entraîné dur pour cela, a-t-il apprécié. Je savais que les Américains allaient me pousser, me forcer à battre mon record personnel", a-t-il indiqué.
Une cascade de blessures, notamment aux ischio-jambiers en 2017, ont quasiment coûté deux saisons au coureur né d'un père originaire de la Barbade et d'une mère venue de Trinidad-et-Tobago.
"2017 a été une année difficile pour moi, j'étais à Londres pour regarder les Mondiaux (blessé), je savais que j'aurais pu y gagner un titre. Puis je suis revenu en 2018 et me suis blessé au même endroit, j'étais abattu, j'ai eu une année supplémentaire de soins. Heureusement les Mondiaux de Doha étaient en octobre (2019)", a-t-il indiqué en zone mixte.
De Grasse s'était relevé à Doha avec l'argent sur 200 m et le bronze sur 100 m.
- "Tu m'as vu?" -
Mercredi il a pu directement saluer ses proches via un système d'écran mis en place au bord de la piste. "Yuri, tu m'as vu? Est-ce que j'ai gagné?", a-t-il demandé à sa fille de trois ans qui bondissait de joie près de sa mère, la championne du monde et vice-championne olympique 2016 du 100 m haies, l'Américaine Nia Ali.
Avec ses éternelles lunettes de soleil, peu importe l'heure de la journée, et ses nombreux tatouages, le filiforme de Grasse a aussi offert un titre olympique à son entraîneur Rana Reider, qu'il a rejoint début 2019 en Floride et dont le groupe connaissait des JO catastrophiques jusqu'ici.
Son coéquipier d'entraînement américain Trayvon Bromell, favori du 100 m, n'avait même pas atteint la finale, et la Nigériane Blessing Okagbare avait été exclue des Jeux après un contrôle positif à l'hormone de croissance le 31 juillet.
De Grasse pourra parler du lourd statut de successeur au jeune Américain Erriyon Knighton. A seulement 17 ans, le plus jeune sélectionné de "Team USA" depuis 1964 a échoué à monter sur un podium qu'il semblait convoiter avec gourmandise.
Chez Knighton le "nouveau-Boltomètre" est au maximum: il est devenu en 2021 le "teenager" le plus rapide de tous les temps, battant les records du monde cadet et junior de Bolt sur 200 m. Quasiment au même âge, le Jamaïcain était simplement éliminé en séries du 200 m olympique d'Athènes en 2004, année de naissance de Knighton.
La pression a dû être forte aussi pour le favori car champion du monde américain Noah Lyles, seulement 3e derrière son coéquipier au bandeau de kung-fu Kenneth "Kenny" Bednarek. Il pourra tout de même savourer une première médaille olympique.