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Pour Dino Zoff, la légende du football italien, le Mondial en Russie ne "ressemble pas à une Coupe du Monde"

Champion du monde en 1982 à 40 ans, Dino Zoff reste le joueur le plus âgé à avoir gagné un Mondial. Dans un entretien avec l'AFP, l'ancien gardien raconte comment il se prépare à regarder cet été (14 juin - 15 juillet) une Coupe du Monde qui, sans l'Italie, "ne ressemble pas à une Coupe du Monde".

Q: Comment avez-vous vécu ce barrage perdu contre la Suède ?

R: "Chez moi, en famille. Et ça a été dur, bien sûr, après 60 ans où l'Italie a toujours été au Mondial. On voit le panorama des équipes présentes et certaines n'ont pas nos trophées, notre histoire. Pour moi qui suis resté si longtemps en sélection, ça fait mal. Que l'Italie doive regarder un Mondial où elle n'est pas, ça n'est pas normal. Ca ne ressemble pas à une Coupe du Monde, mais c'est une Coupe du Monde quand même. Les gens en Italie sont très attachés au foot et ils vont quand même regarder. Mais ça sera peut-être difficile de voir jouer, disons une petite équipe, alors que nous, qui sommes dans l'histoire du football avec nos quatre titres, nous sommes éliminés."

Q: Que représente la Coupe du Monde dans votre vie ?

R: "Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus grand, l'absolu, la plus grande joie. Arriver au sommet du monde dans ton domaine, à 40 ans, en tant que capitaine... Ca a été un bonheur immédiat, le point culminant de ma carrière parce que le Mondial est le point culminant du football."

Q: L'Italie est 20e au classement Fifa. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

R: "Eliminée de la Coupe du Monde, 20e au classement mondial... Je n'aime pas parler de mon époque, mais on était toujours dans les premières positions. C'est un mauvais signal pour le football italien."

Q: Pourtant, vos club réussissent de belles performances...

R: "Oui, mais avec beaucoup d'étrangers. En tous cas, la sélection est à reconstruire et il y a des jeunes intéressants, même s'ils ne sont pas si nombreux. Une génération est passée et on doit commencer à croire en l'avenir. En 2006, l'Italie a gagné le Mondial avec les dents, avec des buts de peu de choses, sur corner etc... Mais il y avait une grande génération. Moi aussi, comme sélectionneur, j'ai eu une grande génération en 2000, et on a failli gagner l'Euro. Maintenant, il faut attendre et travailler sur les jeunes. Les jeunes qui sont sur les terrains sont l'avenir."

Q: On entend souvent que l'Italie est obsédée par la tactique, que les jeunes ne travaillent pas assez la technique...

R: "L'intégrisme, ça ne me plait pas. Technique, tactique, physique, il faut développer tout ça chez les jeunes. Mais surtout, jusqu'à un certain âge, il faut les laisser libres. On a parfois l'impression qu'on élève ces petits footballeurs comme des poulets en batterie. Un enfant doit se développer, pas commencer avec des règles strictes. On devrait les faire jouer plus, y compris à l'école. Mais combien de fois par semaine un enfant peut-il aller à l'école de foot ? Une fois, deux fois. Parce qu'il y a les cours, il y a l'anglais, il y a tout ça. C'est beaucoup plus dur qu'avant."

Q: Vous pensez que la situation a changé par rapport à votre époque ?

R: "On n'était pas meilleurs et on ne travaillait pas différemment, mais les conditions étaient plus favorables. On ne peut plus envoyer un enfant jouer seul dans le jardin ou dans la rue pendant des heures. Et on ne peut pas comparer trois heures par semaine à l'école de foot et jouer sept heures, 14 heures ou 21 heures... A mon époque, on jouait huit heures par jour, de 13h jusqu'au dîner."

Q: Est-ce un problème de structures ?

R: "Les structures, on les a. Mais on a moins de joueurs. Dans ma région, chaque village avait son équipe. Maintenant ils sont obligés de regrouper les villages par trois ou quatre pour faire une équipe. Il y a moins d'enfants, moins de joueurs et plus de possibilités d'aller vers d'autres sports."

Q: Mais le statut du foot en Italie n'est pas menacé...

R: "L'Italie est un pays de foot, parce qu'il y a une tradition. Ca remonte à loin, on a gagné des Coupes du Monde, un Euro. C'est un jeu simple, populaire, qui a toutes les caractéristiques pour rester un sport qui compte."

Propos recueillis par Stanislas TOUCHOT

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