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Pour les femmes pilotes, la F1 reste encore un mirage

Le championnat de monoplaces réservé aux femmes, la W Series, revient ce week-end pour sa deuxième saison, cette fois en ouverture des Grands Prix de Formule 1, avec toujours comme objectif de briser le plafond de verre entre les femmes pilotes et leur rêve.

La Formule 1 est un sport mixte réservé aux hommes: en 71 éditions, seules deux femmes ont pris le départ d'un GP, Maria Teresa de Filippis en 1958 et Lella Lombardi de 1974 à 1976.

"Si l'on regarde le nombre de femmes dans les championnats de monoplaces, il décroit année après année, c'est choquant", explique à l'AFP Catherine Bond Muir, l'une des fondatrices de ces W Series (W pour Women) qui redémarrent en Autriche ce week-end.

"Historiquement, il y avait beaucoup de pilotes femmes dans les années 1920-1930", reprend la femme d'affaires, alors qu'aujourd'hui aucune ne figure en F1, F2 ou F3, les deux antichambres de l'élite chapeautées par la Fédération internationale de l'automobile (FIA).

Alors, pour "aider les femmes à briser ce plafond de verre", les W Series - dont l'édition 2020 a été annulée, pandémie oblige - regroupent 18 pilotes sélectionnées au mérite.

- Gratuité -

Dans un monde où le financement est l'un des principaux obstacles, ce championnat a fait de la gratuité un principe, pour intégrer les pilotes selon leurs qualités et non la taille de leur porte-monnaie.

"Nos pilotes n'ont pas eu le même soutien financier que les hommes. Avant qu'elles n'arrivent en W Series, certaines n'avaient plus couru depuis plusieurs années faute d'argent", regrette la présidente de la W Series.

Pourtant, le championnat avait été taxé de fausse bonne idée lors de ses débuts en 2019.

"Les W Series ont eu assez mauvaise presse, accusées de ségrégation entre les femmes et les hommes", se rappelle Jamie Chadwick, championne inaugurale et première femme à remporter une course en Formule 3 britannique en 2018.

"Je pense au contraire qu'il s'agit de donner aux femmes une plateforme pour montrer leurs talents et aller plus haut", estime-t-elle.

La Britannique de 23 ans, pilote de simulateur de l'écurie de F1 Williams, n'a pas encore eu la chance de monter dans l'une des monoplaces anglaises lors d'essais officiels, comme l'Ecossaise Susie Wolff en 2014 et 2015, à Silverstone.

Obligée de se diversifier, elle participe aussi à l'Extreme E, un nouveau championnat de SUV électriques opposant des équipes mixtes, une femme et un homme, dans des lieux emblématiques de la défense de l'environnement.

A 26 ans, la vice-championne des W Series, Beitske Visser, a elle fait une croix sur son rêve de petite fille: devenir pilote de F1. "Ce n'est plus vraiment réaliste d'y penser."

Engagée en Championnat du monde d'endurance (WEC) et donc aux 24 Heures du Mans dans un équipage de trois pilotes femmes, la Néerlandaise est persuadée d'une chose: "Intégrez une femme en F1 et elle prouvera qu'elle mérite d'y être".

"Les femmes et les hommes peuvent piloter en même temps et faire jeu égal, c'est incontestable", assure Catherine Bond Muir, qui réfute la théorie selon laquelle les femmes n'auraient pas les capacités physiques suffisantes.

- "Catalyseur" du changement -

Selon elle, outre cette croyance, le problème est culturel. Elle veut que son championnat serve de "catalyseur" pour "montrer aux jeunes filles que le sport automobile est quelque chose qu'elles peuvent faire".

"Ce qu'il faut, c'est qu'à 9, 10 ans, les filles pilotent autant d'heures que les garçons", appuie-t-elle.

Beitske Visser, qui a commencé le karting à cinq ans, élevée par des parents gérants d'une concession automobile, se souvient qu'elle était la seule fille. "Aujourd'hui, observe-t-elle, il y en a un peu plus."

La Fédération française du sport automobile (FFSA) note par exemple une augmentation des licences féminines depuis une décennie, toutes disciplines confondues (karting, circuit, rallye, etc.), même si elles ne représentent qu'environ 10% du total.

"Cela va prendre beaucoup de temps", reconnaît Catherine Bond Muir. "J'espère que cela arrivera plus tôt mais peut-être que la prochaine femme en Formule 1 a aujourd'hui 9 ou 10 ans."

Le changement est déjà en marche, selon elle, avec "plus de femmes visibles" dans les équipes, par exemple des mécaniciennes ou des ingénieures. Mais Claire Williams, aux commandes pendant sept saisons de l'écurie créée par son père, Sir Frank, a quitté la F1 fin 2020.

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