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Devenu pilote auto "grâce à sa Playstation" avant de perdre son volant, ce Bruxellois a développé une incroyable "voiture de course" dans son salon

Wolfgang Reip a connu un parcours insensé dans le domaine des sports moteur. Devenu pilote de course grâce à sa Playstation, il a conduit des bolides sur les plus beaux tracés du monde durant plusieurs saisons. Sans volant, il en est revenu à ses premiers amours et a développé un simulateur de conduite plus vrai que nature. Rencontre avec un homme qui voyage entre le réel et le virtuel...

Wolfgang Reip a la compétition automobile dans le sang. Tout petit déjà, le Bruxellois rêvait de piloter des bêtes de course et de se frotter aux meilleurs pilotes du monde sur les plus beaux circuits de la planète. Et puis, un jour, le jeune garçon a pu goûter aux sensations que procure un moteur. "Tout a commencé quand j'avais 6 ans avec le karting, mais je n'ai jamais pu faire beaucoup plus que du loisir, une fois de temps en temps", nous explique-t-il.

Comme de nombreux gamins, il décide donc de vivre sa passion en parallèle du monde réel et passe des heures et des heures à faire la course devant ses écrans. "Je n'avais pas les moyens de gravir les échelons, donc j'ai compensé avec les jeux de simulation sur console et PC".


Il gagne un concours et devient pilote: "Le rêve!"

S'il garde un bon coup de volant en karting, Wolfgang devient un as des manettes. Et parmi les e-racers, il fait petit à petit partie du gratin mondial. Il décide donc de tenter sa chance à la GT Academy, une compétition organisée par Nissan qui fait passer les meilleurs joueurs de Gran Turismo du monde virtuel au monde réel en leur offrant l'opportunité unique de s'affronter. Et Bingo: "J'ai gagné la Nissan GT Academy en 2012. C'était assez incroyable", explique Wolfgang, qui devient ainsi pilote de course à 25 ans.

Émotionnellement, c'était un des plus beaux jours de ma vie, parce que j'accédais à quelque-chose dont je rêve depuis toujours

Le rêve est devenu réalité, du jour au lendemain. Tout d'un coup, le jeune Bruxellois peut mettre sur sa carte perso: "pilote automobile". Pas besoin de se soucier des dépenses, des déplacements, des équipements ou quoi que ce soit: tout est pris en charge par Nissan. Wolfgang, lui, n'a qu'à se concentrer sur son pilotage et doit travailler son physique pour que "l'emballage" soit à la hauteur du talent. Avouez qu'il y a de quoi "perdre les pédales"... "Quand ils ont annoncé que j'avais gagné, je savais ce qui m'attendait. Émotionnellement, c'était un des plus beaux jours de ma vie, parce que j'accédais à quelque-chose dont je rêve depuis toujours. Quand j'étais petit, j'étais capable de passer des heures et des heures à m'imaginer faire des courses et faire carrière dans le sport auto. Et là, j'étais dans ce monde, en un coup. C'était incroyable".


Un monde dont il est si proche... et si loin à la fois

Entré par la grande porte, Wolfgang découvre alors un monde qu'il ne connaissait finalement qu'en apparence. Dans la voiture, le jeune homme qui venait d'abandonner ses études de physique s'accommode rapidement. "J'ai eu pas mal de bons résultats dès le début en GT, beaucoup de podiums", déclare-t-il. Vitesse, exigences physiques, Wolfgang apprend à maîtriser les divers éléments pour enrichir son expérience, et son palmarès. "Au niveau du pilotage, ce n'est pas si différents. La pédale de frein d'une voiture de course est très dure, mais on s'y habitue. La vitesse, c'est en karting de compétition qu'on la ressent le plus. Sur circuit, j'ai atteint 320 km/h, mais on ne s'en rend pas compte. Il y a des dégagements, des repères, des points de freinage. Je dirais que là où on se rend compte qu'on va vite, c'est plus au freinage parce qu'il faut un certain temps pour ralentir la voiture. Mais on s'habitue vite à ça, et quand on atteint un bon niveau en jeux de simulation, on a vite une voiture de course en mains".

Preuve en est, Wolfgang accumule les courses et les trophées. En 2015, il gagne le "Blancpain Endurance Series" et les 12h de Bathurst, son "plus beau souvenir".

En dehors du cockpit, par contre, le jeune Bruxellois éprouve un peu plus de difficultés à s'acclimater à son nouvel environnement. "Je ne me retrouvais pas tout à fait dans ce monde, parce que je venais d'un monde différent. Socialement, financièrement, je n'avais pas le même passé que la plupart des autres pilotes et je sentais bien qu'il y avait un décalage à ce niveau-là. Des fois j'avais l'impression de ne pas faire partie du même monde, même si une fois dans la voiture il n'y avait plus rien qui changeait", indique Wolfgang qui précise néanmoins avoir fait "des rencontres intéressantes, que ce soit avec d'autres pilotes ou des ingénieurs".

Ils ont commencé à prendre des pilotes qui payaient et ont arrêté de faire rouler ceux qui étaient issus de la GT Academy


Nissan se retire: "Ce fut très dur"

Après avoir fait briller son pseudo en pilotage virtuel, Wolfgang Reip commence donc petit à petit à se faire un nom en sport auto. Mais alors que le succès est au rendez-vous, c'est le coup de massue fin 2015. Nissan met fin à son programme en GT, et Wolfgang passe à la trappe avec tous les autres pilotes. "Quand Nissan s'est retiré, cela a été très dur parce qu'on venait de gagner le championnat. J'étais d'une certaine façon au sommet de ma carrière jusqu'à ce moment-là en tout cas. Pour moi, l'avenir était flamboyant et j'allais mener un double programme en 2016. Mais quand Alan Cox, fondateur de la GT Academy, est parti, j'ai compris que ça n'allait pas se passer exactement comme je l'espérais. Et puis ça a été pire que ça encore parce qu'ils ont commencé à prendre des pilotes qui payaient et ont arrêté de faire rouler ceux qui étaient issus de la GT Academy. Ce fut très dur".

Le temps d'un saison, Wolfgang a encore limé le bitume en GT, une opportunité inouïe s'étant présentée à lui. "Bentley cherchait un pilote et j'étais disponible. Ils ont regardé mes datas et ont vu que j'étais rapide. Mais j'ai fait une erreur au mauvais moment, aux 24h de Spa, et ça n'a pas joué en ma faveur", confie Wolfgang qui perd son volant fin 2016. "J'ai beaucoup appris sur moi-même, à me surpasser. J'aurais juste voulu continuer un peu plus longtemps, parce qu'on ne cesse d'apprendre de ses erreurs. Par contre c'est un monde où il est très difficile de perdurer si on n'a pas des partenaires avec soi", ajoute-t-il.


Une voiture de course dans son salon

Désormais âgé de 31 ans, Wolfgang ne se laisse pas déstabiliser et donne une autre direction à sa carrière. Fort de son expérience, il donne des cours de maîtrise automobile, notamment dans un centre du RACB (Royal Automobile Club de Belgique). Parallèlement à cela, il entreprend des études de psychologie à l'université. "C'est quelque chose qui m'a toujours intéressé, comme la physique que j'étudiais avant de m'engager avec Nissan". Et pour bien remplir ses journées, il approfondit sa connaissance en "courses virtuelles" en développant un simulateur d'un niveau inimaginable dans son salon.

Grâce au fait que j'ai été pilote, j'ai pu mettre des pièces qui viennent de voitures de course. L'objectif est qu'on se rapproche le plus possible de la simulation, de la réalité

Le tout ressemble à un engin qui pourrait nous propulser sur orbite. Le châssis est en aluminium, le baquet est sorti tout droit d'une voiture de course, tout comme la colonne de direction, volant et pédalier sont plus vrais que nature, et les trois écrans vous plongent dans un univers dans lequel tout passionné de sport auto souhaiterait basculer. Si les graphismes ne sont pas toujours à la hauteur des jeux de console, tout le reste est phénoménal, à commencer par le comportement des voitures et le feedback qu'on ressent dans le volant. "J'ai poussé le développement assez loin, mais c'est aussi parce que je connais une voiture de course, et puis j'avoue que je suis un peu geek aussi. Mais en plus, grâce au fait que j'ai été pilote, j'ai pu mettre des pièces qui viennent de voitures de course. L'objectif est qu'on se rapproche le plus possible de la simulation, de la réalité".

Et à vrai dire, on s'y croirait. Tours après tours, la piste évolue, les pneus chauffent, se dégradent, la tenue de route change et le pilotage en est affecté. Le réalisme va tellement loin qu'un amateur de jeux arcades n'y trouverait certainement pas ce qu'il cherche. Mais si Wolfgang a poussé le développement aussi loin, c'est aussi parce qu'il imagine bien rebondir une nouvelle fois grâce au pilotage virtuel. "Je pense que le sport automobile virtuel va prendre de plus en plus d'importance et ça va être intéressant", indique-t-il dans un premier temps, sans cacher qu'une deuxième "carrière" dans ce domaine lui irait comme un gant.

Mais avec le cumul de son expérience de pilote et de ses études de psycho, il entrevoit aussi d'autres possibilités. "A l'heure actuelle, des pilotes viennent chez moi pour rouler dans le simulateur. Cela permet d'apprendre des circuits, mais on peut aussi aller plus loin et analyser les datas, voir où il peut s'améliorer. A l'avenir, avec l'expérience que j'aurai en psychologie, je compte bien proposer un suivi complet aux pilotes automobiles. Donc il y aurait des heures sur le simulateur, mais aussi un encadrement axé sur le mental", confie Wolfgang. "Je viens de ce monde virtuel et c'est quelque chose dans lequel je garde une bonne expertise. Les gens me font confiance, et à priori j'ai pas mal d'expérience dans les deux mondes, le virtuel et le réel, ce que peu de pilotes ont", ajoute-t-il avant de préciser que "c'est une super alternative à une carrière en sport auto. Et c'est très intéressant. Mais attention, je n'ai pas dit non plus que le sport auto était tout à fait fini pour moi..."

@ArnaudRTLinfo

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