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"On m'a regardé comme un extra-terrestre": devenu handicapé après un accident, Kevin revit grâce à son sport

Kevin est ce qu’on peut appeler un miraculé. Cet ancien préparateur physique, devenu handicapé à la suite d’un incident sur son lieu de travail, est en train de remordre la vie à pleines dents.

C’est le 19 juillet 2018 que la vie de Kevin Bertrand va prendre un virage à 180 degrés. Ce jour-là, Kevin, Belge installé en France depuis 10 ans, travaille à la salle de sport. Un jour ordinaire pour ce préparateur physique diplômé de l’université de Montpellier. "À un moment j’ai vu une personne qui allait se faire extrêmement mal" se souvient Kevin. "Je me suis précipité pour le sauver mais il a paniqué et il a lâché la barre [de musculation] qui m’est tombé dessus".

La suite relève du cauchemar. "J’ai eu des déchirures sur les membres inférieurs aux deux quadriceps, au mollet gauche, au fessier et une hyperextension de la colonne vertébrale. Bref, j’ai été bien arrangé."

Le bilan médical est catastrophique. Les médecins relèvent une douzaine de déchirures de différents muscles des jambes et du fessier ainsi que leurs répercussions fonctionnelles. "On m’a dit que si je n’avais pas eu ma masse corporelle de l’époque, j’aurais été tétraplégique", se rappelle Kevin. "J’étais au-dessus des 110 kilos, je suis un ancien haltérophile."

Le constat est terrible pour Kevin qui apprend qu'il ne pourra plus se déplacer sans chaise roulante.

Avec un bilan aussi lourd, les médecins français ne croient pas en une quelconque guérison. "On m’a dit que le sport c’est fini et qu’il faut que je m’habitue à ma condition."

"Après ça je suis passé par une phase de dépression très sévère avec des envies suicidaires. J’ai dû être suivi pour ça", avoue Kevin qui dit ne pas être passé à l’acte pour ses deux enfants de 4 et 6 ans.

Pourtant, alors que Kevin se trouvait au fond du trou avec des idées noires dans la tête, un déclic va se produire chez le père de famille. "Un jour j’étais sur ma terrasse", se remémore Kevin. "Ma fille m’envoie sa petite balle de foot, j’étais dans mon fauteuil roulant, j’ai voulu la rattraper et je suis tombé par terre. J’ai dû attendre que ma femme rentre du travail pour qu’elle m’aide à me relever. Il était 14h et elle est rentrée vers 20h. J’étais incapable de me remettre dans ma chaise. Ce jour-là je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de ma vie sinon j'allais devenir fou."

J'ai commencé à savoir rebouger ma colonne vertébrale

Revenu en Belgique "pour être plus proche de mon père, la dernière famille qu’il me reste", Kevin doit son salut à des médecins qui ont cru en lui.

"Je me suis dit ‘pourquoi j’écouterais les médecins ?’ On me disait, en gros, que j’étais un légume. J’ai fait toute ma rééducation moi-même avec l’aide d’une kiné que j’avais à l’époque." À force d’effort et de persévérance, Kevin a "commencé à savoir rebouger ma colonne vertébrale".

Pourtant, un premier rendez-vous aurait pu mettre définitivement fin aux espoirs de Kevin. "J’ai eu une spécialiste à Saint-Luc qui m’a complètement plombé le moral, qui m’a dit que c’était comme gagner au Lotto. Puis je suis allé voir d’autres spécialistes. Des spécialistes qui pourraient croire en moi et je les ai trouvés. Ça a été une motivation fabuleuse."

La solution viendra avec un médecin qui a accepté de l'opérer. "J’ai pu rencontrer le professeur De Witte, un neurochirurgien de l’hôpital Erasme, qui a pu me faire une pose d’une prothèse discale."

Une opération lourde. "On passe par le ventre pour aller opérer la colonne vertébrale", détaille le docteur De Witte. "Il avait un disque foutu entre les vertèbres. Je l’ai retiré et j’y ai mis une prothèse", se rappelle le spécialiste.


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Résurrection

"Avec cette prothèse, j’ai réussi à redresser mon dos. Avant j’étais courbé vers l’avant. Directement, d’un point de vue fonctionnel, ça m’a permis de pouvoir rebouger correctement mes bras, de pouvoir me rasseoir normalement sur ma chaise", s’enthousiasme le père de famille. "J’ai fait mes 6 mois de rééducation et je me suis dit qu’il était temps que je fasse quelque chose mais le problème c’est qu’on était en pleine phase Covid."

Pour reprendre une activité physique, Kevin va se tourner vers son premier amour : la salle de sport. Un choix qui s’est fait de lui-même après que Kevin a été consulté le docteur Thomas Francaux qui pratique de la médecine physique et réadaptation. "Quand les salles de sport ont rouvert, j’ai été voir le docteur Francaux en lui disant : j’aimerais faire quelque chose de ma vie et faire une compétition handisport."

Contacté par nos soins, le docteur Francaux se rappelle bien la discussion qu’il a eue avec son patient. "Je lui ai suggéré d’aller à l’ASCTR (Association sportive du centre traumatologie réadaptation). C’est une ASBL qui organise des cours de sport et des sorties en groupe. Mr Bertrand a été là-bas mais n’a pas trouvé chaussure à son pied."

Après plusieurs tests qui ne le satisferont pas, Kevin va trouver tout seul sa nouvelle vocation : "Malheureusement l’haltérophilie en Belgique, il n’y en a pas donc je me suis dit ‘pourquoi pas le culturisme ?’"

"Je me suis renseigné et j’ai trouvé une compétition qui se passe en Bretagne, à Saint-Malo. C’était il y a quelques jours, le 16 octobre." Une aubaine pour l’ancien préparateur physique puisque ce genre de concours sont encore très rares. "La présidente de l’ASBL qui organise cet événement a elle-même un handicap invisible. Donc elle a tenu à mettre à l’honneur les personnes qui ont un handicap."

On m'a regardé comme un extra-terrestre

C’est avec cet objectif en tête que Kevin va s’inscrire dans une salle de sport. "Les premières fois à la salle, on m’a regardé comme un extra-terrestre", se rappelle-t-il. "J’avais l’objectif de la compétition et d’être prêt à temps donc les autres m’ont vu évoluer. Des gens sont venus m’aider quand j’avais besoin de charges et autre. Il y a même des gens de la salle qui m’aident à nettoyer mes machines."

Après trois mois d’efforts acharnés, Kevin s’est présenté au concours. Jusqu’à quelques secondes avant de monter sur scène, le stress et l’appréhension se sont emparé de lui. "J’ai eu peur de craquer avant", se souvient Kevin qui a réussi à franchir une des étapes les plus importantes de sa vie. "Quand je suis monté sur scène, c’était l’apogée. J’ai réussi malgré tous les bâtons que j’ai eu dans les roues. J’en ai carrément pleuré sur scène tellement j’étais fier de ce que j’avais réussi à faire malgré le fait qu’on m’avait dit que je n’y arriverais pas", nous raconte Kevin, plein d’émotions.

Se présenter sur la scène dans sa chaise, et donc accepter de s’exhiber avec son handicap, a permis à Kevin de revivre après avoir touché le fond.

"Les gens ont compris"

Après sa compétition, les retours ont été très positifs. "Ce matin (jeudi 21 octobre), j’ai été m’entraîner et on m’a applaudi. C’était super ! J’ai eu les félicitations de tout le monde. Les gens ont compris que même si vous êtes en chaise, vous pouvez être un athlète.

Aujourd’hui, Kevin est plus motivé que jamais. Il veut partager son expérience pour aider les personnes qui connaissent des situations similaires à s'accepter et à faire le pas de l'handisport. Au travers de sa page Instagram, il partage des messages encourageants et prend le temps de discuter avec tous ceux qui le veulent.

Cet habitant de Woluwe-Saint-Lambert est "actuellement en pleine recherche" de compétitions ouvertes aux handisportifs. Malheureusement, dans notre pays "ils ne proposent rien en handisport", regrette Kevin qui va "devoir encore partir en France pour faire du handisport".

Qu’à cela ne tienne, Kevin reste plus motivé que jamais pour atteindre ses objectifs "j’aimerais arriver le 8 octobre 2022 pour la compétition et afficher un meilleur physique" et tire une belle leçon après les trois premières années de sa nouvelle vie : "On peut se relever de tout."


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