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Sasha Zhoya triomphant et Pascal Martinot-Lagarde "au fond du trou" : destins contraires sur 110 m haies pour la promesse de l'athlétisme tricolore et un de ses piliers depuis de longues années aux Championnats de France, samedi à Albi.
L'image est saisissante dans les coursives du stade albigeois : quand Zhoya, torse bombé, répond aux questions des journalistes micros tendus vers lui, Martinot-Lagarde, à trois mètres à peine, fond en larmes, rattrapé par une désillusion majuscule.
Quelques instants plus tôt, le premier, 21 ans, vient de conserver le titre de champion de France du 110 m haies dans un chrono canon, 13 sec 01, même porté par un vent trop favorable de 2,3 m/s, au-delà des 2 m/s maximum. Ce qui en fait le cinquième meilleur performeur de l'année sans tenir compte des conditions de vent. Le second, dix ans de plus, fer de lance de la discipline depuis une dizaine d'années, multimédaillé européen et mondial, encore vice-champion d'Europe il y a un an à Munich, se retrouve, lui, éjecté du podium national malgré son meilleur temps de l'année, en 13 sec 25.
C'est qu'au-delà de Zhoya, la finale du 110 m haies a été de haut vol dans son ensemble, puisque les trois hurdlers médaillés ont couru en moins de 13 sec 2/10e, avec Wilhem Belocian deuxième en 13 sec 07 et Just Kwaou-Mathey troisième en 13 sec 19.
- "A la maison dans le canapé" -
"La France, c'est son épreuve. On était quatre à avoir fait les minima (pour les Mondiaux-2023). C'est très dense, c'était comme une demi-finale ou une finale mondiale", résume Zhoya.
Un résultat qui va coûter à "PML", sauf rebondissement, une sélection pour les Mondiaux à Budapest dans trois semaines (19-27 août), puisqu'il n'y a que trois sésames pour quatre prétendants. Forcément un choc.
"C'est une énorme, énorme déception parce que j'ai zéro excuse, lâche-t-il. (...) J'estime que je n'ai pas assez répondu présent. J'ai élevé mon niveau à un niveau français alors que les autres l'ont élevé à un niveau médaillable (mondial)."
"Ca fait dix piges que vous me voyez avec le maillot de l'équipe de France et là, je serai à la maison dans le canapé, se désole Martinot-Lagarde. C'est une page qui se tourne."
"Je suis obligé de me dire que c'est une chance et que je vais revenir plus fort l'année prochaine. Si je laisse les mauvaises pensées s'installer, +t'es vieux, la jeunesse est plus forte, c'est bon, dégage+... Je refuse de me le dire. En tout cas, pas cette année, pas avant les Jeux. Je suis un battant. (...) Je vais avoir les crocs, reprend-il. Là, je ne vous cache pas que je suis au fond du trou."
Décidément, les Championnats de France réussissent en revanche à Zhoya.
- "Un jour, le record du monde" -
Il y a un an, précisément le jour de ses vingt ans, pour son premier été dans la cour des grands, le Franco-australien avait fusé en 13 sec 17 à Caen, ce qui reste son record personnel pour l'instant.
Le récent champion d'Europe espoirs (13.22 en finale) s'imaginait alors sous les 13 secondes "avec un an de plus dans les jambes".
Ca n'est pas passé si loin.
"Je conserve mon titre, ça fait plaisir, j'espère que ça continuer comme ça tous les ans", apprécie Zhoya.
Face aux inévitables attentes qui vont l'entourer à Budapest, avant même les JO-2024 à Paris, "il y a de la pression parce que les gens veulent que j'aille vite, mais c'est de la bonne pression", estime-t-il.
"Moi, je veux prendre le record de France, et un jour, le record du monde", ambitionne le natif de Perth. "Mais je suis encore jeune dans le +game+, je dois prendre de l'expérience."
Dans les autres épreuves du jour, le duel sur 400 m haies entre Wilfried Happio et Ludvy Vaillant, tous les deux parmi les dix meilleurs performeurs mondiaux de la saison estivale, a tourné en faveur du premier, victorieux en 48 sec 72, douze centièmes devant son rival (48.84). Gabriel Tual a été sacré sur 800 m (1:47.84) en l'absence de Benjamin Robert, Margot Chevrier à la perche (4,61 m), et Jules Pommery à la longueur (8,12 m).