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"Je concours avec des gens comme moi": pour la première fois, des athlètes autistes ont pu s'affronter dans une catégorie qui leur était réservée lors des Global Games, compétition internationale majeure de sport adapté qui s'achève samedi à Vichy.
Manon et les sept finalistes enchaînent les longueurs dans la piscine extérieure de 50 mètres de Vichy (Allier), sous un soleil radieux. Applaudissements cadencés, chants (dont l'incontournable "We will rock you" de Queen), forêt de drapeaux... : les spectateurs, regroupés par nationalités, encouragent à plein poumon les nageuses, secondés par la musique pop sortie de hauts-parleurs poussés à fond.
La sportive de 15 ans, originaire de Reims, termine deuxième de ce 1.500 mètres, dans la catégorie réservée aux personnes autistes, pour la première fois au programme des Global Games.
Cette compétition internationale, qui se tient tous les quatre ans, était réservée auparavant aux sportifs déficients intellectuels, "ce qui n'est pas le cas de toutes les personnes autistes", qui du coup n'y participaient pas jusqu'à l'édition 2023, explique Marc Truffaut, président de la Fédération internationale de sport adapté, Virtus.
Ces sportifs sont affectés, dans la pratique en club "normal", par des difficultés de communication et des troubles du comportement. Nombre d'entre eux parviennent à mieux s'intégrer dans le milieu du sport adapté.
"Ici, on se comprend tous, on ne se critique pas", indique à l'AFP Manon, la jeune nageuse, lasse des "réflexions" de certains nageurs en club "ordinaire".
La nouvelle catégorie "correspond complètement" aussi à Axel Parisot, nageur de 22 ans: "Je concours avec des gens comme moi". "Cela nous permet d'envoyer le message qu'on peut réussir dans la vie, même si on est porteur d'autisme", ajoute le sportif poitevin, à qui la natation a appris à mieux gérer ses émotions. Il a remporté plusieurs médailles d'or à ces Global Games.
- "Des pionniers" -
Pour concourir dans cette catégorie réservée aux athlètes autistes, les sportifs doivent avoir été diagnostiqués par un centre expert autisme ou une équipe pluridisciplinaire, qui réalise des tests d'évaluation sur les facultés de communication, d'interaction etc. Les études estiment que près d'un enfant sur cent naît avec un trouble du spectre autistique.
Les personnes autistes "ont par exemple besoin de plus d'explications sur les consignes", relève Catherine Fayollet, psychiatre et responsable de l'éligibilité à la Fédération française de sport adapté.
Les éducateurs sportifs spécialisés "expliquent mieux et nous donnent plus de conseils", indique Lucas, coureur autiste de 21 ans, rencontré dans le gymnase aménagé pour l'échauffement des athlètes.
Loïc Brunet, entraîneur national de demi-fond à la Fédération française de sport adapté, souligne que ces sportifs "stressent plus facilement, il faut les rassurer". Lui, essaie "d'adopter un ton monotone pour ne pas les brusquer".
Cette année, première édition pour cette catégorie, seuls quelques dizaines d'athlètes autistes ont concouru (la délégation française comptait 160 sportifs pour ces Global Games, dont 17 pour la catégorie dédiée aux sportifs autistes).
En natation, "le niveau commence à devenir intéressant et va progresser", selon Bertrand Sebire, entraîneur national de para natation adaptée. "C'était une catégorie très attendue, les gens concernés viennent vers nous".
Pour la course, Lucas sera face à seulement trois coureurs d'autres pays pour le 400 mètres. "Il faut bien des pionniers pour ouvrir la voix", souligne l'entraîneur Loïc Brunet.