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"Le premier quart d'heure, j'ai pensé à avorter." L'ancienne basketteuse internationale Isabelle Yacoubou, surnommé "Baby Shaq" en référence à l'ex-joueur de NBA Shaquille O'Neal, raconte à l'AFP les difficultés traversées, notamment les réticences de ses employeurs, pour concilier carrière au plus haut niveau et maternité.
Figure des Bleues (147 sélections), membre des "Braqueuses" championnes d'Europe 2009 et médaillées d'argent aux JO-2012, Yacoubou se considère comme "l'une des premières jeunes femmes à avoir assumé (sa) maternité dans un milieu où oser devenir maman comporte encore son lot d'obstacles et de préjugés".
L'intérieure de Tarbes détaille son histoire dans son autobiographie "Géante" (éditions de l'Archipel), celle d'une pivot d'1,90 m née il y a 36 ans au Bénin et nommée capitaine des Bleues pour les JO-2016.
Elle est alors maman de son premier enfant, Espoir, qu'elle a adopté quelques années plus tôt.
Elle sent qu'il "faut, pour que je puisse performer, qu'Espoir puisse m'accompagner lors des rassemblements" en équipe de France, nombreux en cette année olympique, entre le tournoi de qualification et les Jeux (à Rio).
Après négociation, elle obtient de l'encadrement que son fils l'accompagne lors des rassemblements en France et du tournoi de qualification, qui s'y déroule, soit "environ six semaines" sur les trois mois passés cette année-là en sélection.
Pendant les entraînements, son mari d'alors, Andrea, s'en occupait et elle ne bénéficiait d'aucun entraînement aménagé.
- Aux USA, "pas de débat" -
Elle regrette cependant d'avoir dû "batailler", alors qu'aux Etats-Unis la présence des jeunes enfants auprès de leur mère pendant les déplacements "ne fait pas débat" selon elle.
"Quand Candace Parker (une grande joueuse américaine des années 2010, NDLR) a accouché, son bébé et sa compagne faisaient les déplacements avec elle toute la saison. Il y a aussi des exemples dans les pays du Nord" appuie-t-elle.
Preuve qu'il reste encore du chemin à parcourir sur le sujet, Valériane Vukosavljevic, qu'elle considère comme sa "petite soeur", a renoncé au Mondial en Australie en septembre 2022 avec l'équipe de France, jugeant que "les conditions optimales" n'était pas réunies pour y emmener sa fille de six mois, même si "la Fédération avait eu une oreille attentive" à ses souhaits.
Yacoubou, dont le surnom de "Baby Shaq" ou "Shaqoubou" est lié à son jeu fait de puissance et de mobilité proche de celui de Shaquille O'Neal, a vécu cet épisode comme "une déception".
Quand elle donne naissance à sa fille Lyna, en 2018, elle avait de son côté mis fin à carrière internationale (après les JO-2016) afin de consacrer davantage de temps à sa famille.
Elle évolue alors à Schio, en Italie. Mais malgré sa proximité avec le président, elle est prise d'un vertige quand elle tombe enceinte: "Le premier quart d'heure, j'ai pensé à avorter. Que vais-je faire ? J'ai eu peur de l’annoncer à mon employeur."
- Allaiter coûte que coûte -
Faute de garanties, Yacoubou choisira, après une saison sabbatique, de rejoindre Bourges, le plus grand club français.
Elle souhaite coûte que coûte continuer à allaiter Lyna. Elle investit alors dans un "congélateur portable" pour pouvoir tirer et conserver son lait, découvre "les pompes à lait et toute la panoplie excitante de la maman allaitante".
Sans se trouver soutenue dans sa démarche par le club "qui me fait comprendre, par l'intermédiaire du médecin, que ce serait bien que j'arrête l’allaitement pour perdre du poids, reprendre activité physique plus intense."
"Pour moi, c'était non négociable", raconte-t-elle, se souvenant aussi de ses premiers déplacements sans sa fille, "inconsolable" d'en être séparée, "d'avoir des montées de lait et de ne pouvoir la nourrir (...) Avec en plus des charges d’hormones post-partum qui vous prenne."
Elle décide à l'été 2022 de quitter les "Tangos" pour retrouver Tarbes, le club de ses débuts chez les professionnels, où elle peut davantage mener de front vie familiale et carrière sportive.
Avec néanmoins des aménagements pour pouvoir s'occuper de Lyna (5 ans) et Espoir (11). Pour elle, un seul entraînement par jour (et non deux), et la séance collective est fixée en fin de matinée, et non de journée, afin qu'elle puisse se rendre à la sortie d'école.
Après avoir consacré son début d'après-midi à bûcher l'examen de son diplôme d'entraîneur, une nouvelle carrière qu'elle entend embrasser à l'été 2024.