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Equitation: accusations et procès en diffamation

La cavalière Amélie Quéguiner, qui a témoigné publiquement des violences sexuelles qu'elle aurait subies de la part d'encadrants, se retrouve au tribunal pour un procès en diffamation intenté par la Fédération française et son président Serge Lecomte, qui se défendent de porter plainte contre une victime.

C'était en février 2020. Amélie Quéguiner livrait le récit de viols répétés par trois encadrants durant dix ans, dans les années 80. Elle fut la première femme dans les sports équestres à sortir du silence. Depuis, elle ne veut plus se taire et aide de nombreuses victimes présumées à libérer leur parole.

Dès sa prise de parole, la Fédération française d'équitation (FFE) met en place une ligne téléphonique d'écoute, un formulaire de signalement et lance une campagne, "N'en parle pas qu'à ton cheval".

Trois mois plus tard, Mediapart révèle que, dans une autre affaire, le président Serge Lecomte avait employé un homme jugé et condamné pour des faits de pédocriminalité et qu'il "avait bien été informé" de la situation de cet homme.

En février 2021, Amélie Quéguiner revient sur cette affaire dans un entretien à L'Obs et indique "qu'une personne capable de protéger un pédocriminel et de le maintenir en poste tout en sachant qu'il risque de le mettre en situation de récidive n'a rien à faire à la tête d'une fédération sportive, rien à faire nulle part d'ailleurs !".

Amélie Quéguiner, aujourd'hui directrice d'un centre équestre dans le sud-ouest, parle également d'une "culture du viol indécente et rétrograde", qui règne dans "notre milieu et chez ses dirigeants", et avec "laquelle il faut en finir".

Selon la citation à comparaître qu'a pu consulter l'AFP, ce sont entre autres ces propos tenus par Amélie Quéguiner qui lui valent de devoir se présenter au tribunal de Périgueux, mercredi.

La veille aura eu lieu le deuxième tour des élections fédérales qui désignera le président, soit Serge Lecomte, en lice pour un cinquième mandat, soit son opposante, Anne de Sainte-Marie.

Sollicité par l'AFP depuis plusieurs jours, le ministère des Sports n'a pas fait connaître sa réaction à cette situation.

La plainte pour diffamation est intervenue dans un climat lourd de campagne électorale.

La semaine dernière, l'ex-patineuse Sarah Abitbol, qui avait a accusé de viols son entraîneur, libérant la parole dans le monde du patinage, a co-signé une tribune paru dans L'Obs demandant à la FFE le retrait de la plainte.

Une même demande a été faite par Anne de Sainte-Marie, et une pétition a, lancée il y a six jours, affichait lundi midi 19.500 signataires.

L'association Colosse aux pieds d'argile, qui lutte contre les violences sexuelles dans le sport et qui a signé en mars une convention avec la FFE, a regretté dans un communiqué ne "pas avoir été informée" de cette plainte.

"Nous ne sommes en aucun cas solidaires de cette action en justice", est-il écrit sur leur page Facebook, précisant qu'elle se réservait "le droit de dénoncer la convention".

L'incompréhension gagne le milieu de l'équitation.

"Aujourd'hui, l'amalgame qui est fait est que c'est une plainte contre une victime. Non, c'est une plainte contre une personne qui a diffamé la Fédération en portant des accusations graves et infondées contre l'institution fédérale et ses dirigeants. Il se trouve que cette personne est une victime présumée de violences sexuelles", justifie à l'AFP Frédéric Bouix, délégué général de la FFE.

"+La Fédération porte plainte contre une victime+ - ce qui a été le titre racoleur d’une candidate à la présidence de la Fédération - ça crée forcément de l'émotion. Et à juste titre, c’est un sujet grave, mais le statut de victime ne permet pas d'enfreindre les lois de la République", poursuit-il.

La plainte pourrait être retirée si les "propos diffamatoires et mensongers étaient retirés et démentis", précise la FFE.

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