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Esport: à Berlin, avec les fanatiques de Counter-Strike

Dans une immense salle de concert, à deux pas de ce qui reste du mur de Berlin, les Français de Vitality affrontent l'équipe kazakhe Avangar dans un quart de finale accroché du Major de Counter-Strike. "Je suis trop émotif pour ce jeu vidéo. Il faut que j'arrête...", souffle Adrian.

Si l'équipe Vitality s'était qualifiée pour les demi-finales, ce supporter de 21 ans avait déjà prévu un motif d'absence pour son employeur -- "un décès dans ma famille" -- afin d'assister à la suite de la compétition.

Mais à la surprise générale, les N.2 mondiaux ont perdu leur confrontation en trois manches. "J'ai lâché mes petites larmes. C'est trop de tristesse pour mon petit cœur", dit-il. Il reprendra donc la route le soir-même pour retourner à Paris dans un bus affrété par Vitality, la principale structure esportive de France.

Au total, avec 75 autres fans, il aura fait plus de trente heures de car en à peine deux jours, des packs de Red Bull plein la soute, pour encourager Zywoo, la nouvelle pépite de la scène Counter-Strike, et ses coéquipiers Alex, Apex, NBK et RPK. "Même si on a perdu, c'était une expérience incroyable", assure-t-il.

Anthony, 19 ans, est du même avis. Lui a séché les cours pour être présent dans la capitale allemande, "mais avec l'accord de mes parents", précise-t-il.

Pendant quatre jours, de jeudi à dimanche, la Mercedes-Benz Arena a vibré pour les exploits des virtuoses du jeu vidéo Counter-Strike (CS pour les initiés), un jeu de tir à la première personne, et la plupart des fans sont venus de loin: dans les allées de l'enceinte, on parle russe, anglais, français ou finlandais...

- "Basket, tennis, échecs et foot US" -

Team Liquid, Ence, Renegades... Les huit meilleures équipes du monde se sont affrontées en playoffs à l'occasion du Major de Berlin, l'un des tournois esports les plus importants de l'année. A la clé, 500.000 dollars pour l'équipe victorieuse, les Danois d'Astralis, titrés pour la troisième fois consécutive.

Dans ce jeu disputé à cinq contre cinq, le principe peut paraître simple : faire exploser une bombe ou tuer tous ses adversaires avant la fin d'un round de deux minutes. Mais la stratégie d'équipe joue un rôle aussi important que le talent individuel, la rapidité d'exécution ou l'agilité.

Les cinq joueurs ont chacun un rôle différent, "un peu comme au basket", explique un connaisseur. Il y a des jeux de dupes, de repli, il faut anticiper les décisions des adversaires, "c'est un vrai jeu d'échecs". Une dizaine de stratégies sont possibles pour chaque carte, "un peu comme au football américain". Et au niveau du score, ça peut aller très vite comme durer des heures, "et là, ça se rapproche du tennis".

- Drapeaux, banderoles et Marseillaise -

Dans la salle, l'atmosphère est brûlante. Littéralement: car des flammes de plusieurs mètres de haut viennent éblouir le public à chaque fois qu'une bombe virtuelle explose. Les équipes sont présentées à la manière d'un combat de boxe et des solos de guitare façon Mad Max ponctuent les matches dans un mélange de sport et de spectacle.

Dans leur bocal insonorisé au milieu de la scène, les joueurs n'entendent pas grand-chose de tout ça. Casque sur les oreilles devant leurs écrans d'ordinateurs, leur coach présent derrière eux, ils ont besoin de s'entendre pour communiquer et établir leur stratégie.

Pourtant, la salle exulte à chaque "kill", c'est-à-dire à chaque fois qu'un adversaire est tué. Les chants de supporters s'inspirent de ceux du foot -- "laa lalala lalaaa Viiiitalityyyy !" -- et les drapeaux et banderoles sont de sortie. On chante même la Marseillaise. Les non-initiés ne comprennent sans doute pas tout mais se prennent vite au jeu.

Que l'on considère les compétitions de jeux vidéo comme du sport ou non, pour les supporters, les émotions sont visiblement les mêmes que pour le sport dit "traditionnel".

"Ce jeu m'a rendu nerveux énormément de fois dans ma vie. Ça fait vibrer les gens", estime Adrian.

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