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Le Vendée Globe, "un tour dans les montagnes russes" pour Pip Hare

Des pépins techniques terrifiants à la beauté d'un rayon de soleil retrouvé, en passant par le mythique cap Horn, Pip Hare a vécu lors du Vendée Globe "un tour dans les montagnes russes", comme elle le raconte dans son carnet de bord pour l'AFP.

Au classement vendredi, la navigatrice anglaise (Medallia) pointe à la dix-septième place.

"La voile en solitaire est faite de hauts et de bas. Et le Vendée est réputé pour offrir un tour dans ces montagnes russes à quiconque est suffisamment téméraire pour y participer. Je savais, en entrant dans cette course, qu'il y aurait des moments durs à vivre. Mais rien ne vous prépare à ce mélange de fatigue, de déception et de frustration quand les choses commencent à mal tourner. Mais, de la même façon, un bout de ciel bleu et un lever de soleil peuvent être incroyablement doux. Nous avons besoin de bas pour être reconnaissant des choses positives qui arrivent.

Ces quelques derniers jours ont été clairement une histoire de contrastes, de hauts et de bas, d'euphorie et de grosse déception. J'ai commencé très fort en remplaçant mon safran en mer (partie du gouvernail immergée, NDLR). Quelque chose pour lequel je m'étais préparée mais que j'espérais ne jamais avoir à faire. Je me souviens avoir lu le récit d'Alan Roura (skipper précédent du bateau, NDLR) sur comment il avait dû changer le safran en 2016 et je m'étais dit que je serais incapable de faire ça. Mais je l'ai fait, et je suis si fière de moi (et je dis rarement ce genre de choses).

Mais la fatigue et d'autres soucis techniques ont fait des ravages depuis. L'eau s'est infiltrée à bord de Medallia au niveau du nouveau safran et j'ai dû ramper à l'arrière du bateau pour renflouer toutes les heures, ou presque. J'étais coincée dans cet espace sombre, petit, quand le vent a changé - j'ai pu sentir le bateau s'incliner - et j'ai bataillé pour revenir sur le pont avant un empannage brutal (j'avais oublié de prendre avec moi la commande à distance du pilote automatique). Trop tard. Medallia a changé de bord sauvagement, accrochant les voiles contre les haubans (câbles qui relient le mât à la coque, NDLR). Il m'a fallu deux heures pour me sortir de ce bazar.

Passer le cap Horn a été un moment très fort. C'est arrivé à la fin d'une journée durant laquelle les petits soucis exerçaient une pression constante sur le temps et le moral. Je suis toujours fatiguée des efforts que j'ai fournis pour changer le safran et je n'ai eu que peu de repos. Ce fut alors un moment doux-amer. Je me suis sentie incroyablement privilégiée d'être à ce point mythique, dans cette course, et j'ai voulu savourer ce moment. Mais je suis aussi tout simplement soulagée d'être sortie des mers du sud. Et je suis si fatiguée. C'était un mélange d'émotions quand j'ai joint par radio le gardien du phare et que je me suis posée pour ancrer ce souvenir dans ma mémoire.

Mais à peine quelques heures plus tard, j'ai été accueillie par la vue des côtes chiliennes et une petite brèche dans les nuages. J'ai vu le soleil briller pour la première fois depuis dix jours et le vent a commencé à monter. Si ça ce n'était pas un signe d'espoir - que les choses vont mieux - alors je ne sais vraiment pas ce que cela pouvait être d'autre. Et je me suis rappelée de cette si grande chance que j'ai d'être là - participant à la course dont j'ai rêvé toute ma vie - et que ce sont ces temps si difficiles qui font de cette course une expérience unique".

Propos recueillis par Sabine COLPART

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