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Manifestations sportives et protection de la nature: attention fragile!

A vélo, à ski, mais surtout à pied, les compétitions sportives se multiplient en France sur des territoires protégés, qui doivent redoubler d'attention pour préserver le respect d'une nature parfois vulnérable.

Dans la sombre forêt de conifères du Massacre, lieu prisé des amateurs de glisse grâce à son enneigement important, les skieurs de fond peuvent croiser avec un peu de chance un imposant volatile: le Grand Tétras.

C'est bien le skieur qui doit respect et priorité à ce gallinacé au plumage noir pour les mâles et brun pour les femelles, une espèce protégée dont seulement 200 spécimens environ peuplent encore cette zone du Haut-Jura, frontalière de la Suisse.

"Le Grand Tetras ne mange que des aiguilles de sapin l'hiver, ce qui le nourrit peu, donc il est sensible au dérangement, qui peut le forcer à s'envoler, et donc dépenser de l'énergie, détaille Valentin Barbier, accompagnateur de moyenne montagne dans le Massif. Dans ce cas, il peut pondre moins d'oeufs, ne pas se reproduire, ou carrément mourir d'épuisement."

- "On ne les consultait pas" -

Illustration de la riche biodiversité du Parc naturel régional (PNR) du Haut-Jura, qui comprend plusieurs zones protégées, le Grand Tetras symbolise également les tensions qui peuvent exister entre les 54 PNR français et les organisateurs de compétitions sportives.

En 2011, un conflit oppose la mythique course de ski de fond de la Transjurassienne (l'une des plus grande du monde depuis 1979) et le Parc, appuyé par des associations de protection de l'environnement, sur un parcours qui doit emprunter une zone protégée par un arrêté préfectoral. Le débat remonte jusqu'à l'Assemblée nationale où la ministre de l'Environnement Nathalie Kosciusko-Morizet est interpellée.

Depuis, les relations entre l'association "Trans'organisation" (également responsable d'un trail l'été) et le PNR du Haut-Jura sont devenues un modèle du genre.

"On s'est dit qu'il fallait changer de façon de faire, explique Quentin Lebas, coordinateur de Trans'organisation. Nous avons longuement travaillé ensemble par rapport aux nouveaux arrêtés des zones protégées. On voulait que la +Transju+ devienne la manifestation étalon pour le secteur. Avant, on ne les consultait pas, on faisait les choses dans notre coin et au dernier moment, quand on avait besoin, on les consultait."

Dès lors, les deux parties s'entendent sur une série de mesure qui permettent à la course et ses 3.000 participants environ de traverser la forêt du Massacre, qui n'est qu'une solution de repli: interdiction des spectateurs, panneaux "zone de silence" pour les coureurs, limitation au strict minimum des motos-neige (une à l'avant, une à l'arrière de la course), aide par la "Transju" au comptage des espèces...

- "Respect variable" du public -

Un dialogue essentiel, notamment depuis l'explosion en France du trail: d'après un recensement effectué par le magazine Jogging International, le nombre de courses est passé de 300 en 2003, à 1.500 en 2014 puis à plus de 3.600 en 2018.

"Nous sommes contents quand nous avons l'information de la tenue d'une course bien en amont, confirme Anne-Sophie Vincent, directrice adjointe du PNR du Haut-Jura en charge de l'environnement. Dans ces cas là on trouve une solution avec l'organisateur pour satisfaire tout le monde. Mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois nous ne sommes prévenus que 15 jours avant l'épreuve, et certains organisateurs continuent de s'asseoir sur notre avis et nos recommandations", qui ne sont que consultatifs.

L'interdiction de courses peut venir du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), qui émet un avis possiblement suivi d'un arrêté préfectoral accordant ou non une dérogation pour traverser une zone protégée.

Ensuite, ce sont aux participants de jouer.

"Le respect du public est variable. Il nous arrive de retrouver des tubes de gel énergétique un peu partout après une course, ou alors des balisages pas encore défaits, détaille Mme Vincent. On a aussi pu avoir des ouvreurs à moto qui faisaient n'importe quoi, mais ça n'arrive quasiment plus."

La confrontation, entre deux logiques a priori opposées, peut aussi tourner à l'accord gagnant-gagnant entre les courses, qui valorisent la beauté ou la richesse d'un secteur en le faisant découvrir et les parcs, qui ont les moyens d'aider les organisateurs à trouver des financements pour leur épreuve.

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