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Mondial de hand: les soeurs Bonaventura, pionnières malgré elles

Au Mondial de handball en Egypte, Julie et Charlotte Bonaventura se repèrent facilement: les jumelles marseillaises, parmi les meilleures paires d'arbitres au monde, imposent le respect en douceur et sont malgré elles des exemples dans un milieu très masculin.

Sur la passerelle qui relie les deux tours modernes au bâtiment historique du Gezira Palace, l'hôtel du centre du Caire érigé en bulle sanitaire, dur de passer à côté des deux petits gabarits, âgés de 40 ans et salués des joueurs et des entraîneurs.

"On est toujours une curiosité dans le paysage mondial mais les gens nous connaissent de plus en plus", explique Julie à l'AFP. "C'est sûr qu'on est plus remarquées en tant que femmes et jumelles que n'importe quel binôme ici."

Cela fait maintenant plus d'une décennie, depuis l'obtention de leur badge international en 2008, que les Marseillaises sillonnent la France, l'Europe et le monde pour arbitrer des rencontres de handball, masculines ou féminines.

En 2012 à Londres, elles deviennent les premières femmes à diriger une finale olympique féminine. Et en 2017 en France, elles sont de nouveau en pleine lumière, premières femmes à officier lors d'un Mondial masculin. Que leur réserve l'Egypte?

Le binôme saura mardi, à l'issue du tour principal, s'il participe aux quarts de finale, leur sort étant entre les mains de la Fédération internationale (IHF). "On ne s'est jamais projetées", dit Charlotte.

- 40-50 matches par an -

A défaut, un coup d'oeil dans le rétroviseur donne le vertige: à raison d'entre 40 et 50 matches par an, soit quasiment un par semaine, depuis leurs débuts en D1 masculine française en 2007, les deux quadragénaires ont "des kilomètres au compteur", s'amuse Charlotte.

Une passion du sport qui, si elle est bien indemnisée - 600 euros plus 100 en semaine pour un match de D1 masculine, 350 plus 100 pour la D1 féminine -, a un coût: celui de la vie privée.

Employée dans une caisse de retraite, Charlotte a la chance de bénéficier d'un stock important de congés. Pour pouvoir couvrir championnats de France et Ligue des champions, masculins comme féminins, elle "pioche dedans allégrement". "Sur une année classique, j'arrive à +sauvegarder+ 4-5 jours pour moi." Et se reposer à Aubagne, où elles habitent, après avoir abusé des déplacements.

Après un licenciement économique, Julie envisage elle de faire partager son expérience d'arbitre international dans des séminaires d'entreprise: trop compliqué de retrouver un emploi salarié compatible avec son calendrier démentiel.

- "Que la compétence parle" -

Les soeurs Bonaventura ont conscience d'être "un peu des Ovni dans ce monde de l'arbitrage" et, sans le vouloir, des exemples pour l'égalité hommes-femmes. "On n'a ni cette prétention ni cette envie", tempère Julie, "mais force est de constater que oui, on a ce rôle-là et qu'on a des jeunes binômes, garçons et filles, qui nous prennent comme modèles".

L'expérience égyptienne est à ce sujet enrichissante, dans un pays où les femmes sont très en retrait dans l'espace public. Désignées arbitres du match Croatie-Bahreïn, les soeurs jumelles ont suscité l'admiration des autres arbitres. "Nos collègues nous ont dit qu'ils n'avaient jamais vu ces équipes-là, la Croatie comme le Bahreïn, se comporter aussi bien", rapporte Julie.

"L'attitude des joueurs du Bahreïn a été une agréable surprise, parce qu'on pouvait craindre qu'ils n'acceptent pas d'avoir des arbitres femmes", reconnaît Charlotte. "Et au final, ça s'est très bien passé."

Habitués à les croiser depuis des années, les handballeurs professionnels "ne se font même plus la réflexion de dire que nous sommes des femmes", estime Charlotte. Et ne leur parlez pas de quotas, après l'expérience ratée de l'Euro féminin, en décembre, dirigé uniquement par des paires féminines.

"Les équipes ont été déçues" par le niveau de l'arbitrage, "mais en fait elles s'y attendaient", explique Julie. "Quand on désigne en fonction du genre et pas pour les qualités, on ne peut pas s'attendre à avoir du top niveau à tous les matches. Il faut que la compétence parle." Au Caire, visiblement, elle parle pour deux.

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