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Vendée Globe: "Tu pleures de peur et tu pleures de rire", raconte Jean Le Cam

Heureux d'avoir retrouvé du vent alors qu'il file vers l'Equateur, Jean Le Cam (Yes We Cam !) revient pour l'AFP sur ce Vendée Globe si particulier, marqué par le sauvetage de Kevin Escoffier: "Tu pleures de peur et tu pleures de rire", confie-t-il jeudi.

Q: Comment vous sentez-vous ?

R: "Il y a un quart d'heure, je n’étais pas terrible, et maintenant je suis beaucoup mieux parce que le vent s'est levé ! Chaque jour si tu veux t'as quelque chose de nouveau, ce n'est jamais tranquille. Hier (mercredi) je suis monté en tête de mât pour mettre le J2 (voile) que j'avais réparé. Cette nuit c’était bien, le vent était relativement stable. Et ce matin au réveil, oh la la ! Enfin au réveil... J'ai pas dormi de toute la nuit. Là, plus de vent du tout".

Q: Ca fait quatre ans que vous n'étiez pas monté en haut du mât...

R: "Même huit ans. C'est là où c'est terrible, quand tu es au port, tu te dis: changer le J2 tout seul, le réparer, le renvoyer, c’est impossible. Et en fait quand le problème arrive et que t'es devant le truc, et ben tu te dis: de toute façon faut y aller. C’est incroyable ce qu'on arrive à faire, incroyable ! Jamais tu n'imaginerais que tu es capable de faire des trucs pareils. Et ben si ! Quand t'es devant le truc et que t'es tout seul, tu peux pas pleurer dans les jupes de ta mère ! C’est comme une école de la vie, c'est sûr. J'ai jamais beaucoup aimé l'école mais bon, y a des moments qui sont quand même très difficiles".

Q: Parmi les moments très difficiles, il y a eu le sauvetage de Kevin Escoffier.

R: "C'est des moments qui sont pas forcément... agréables, pas forcément faciles à vivre. Encore une fois, tu passes du dramatisme à, quand tu le retrouves, au bonheur total. C'est encore une fois ce contraste qui est incroyable. Tu pleures de peur et tu pleures de rire, c'est des extrêmes. Plus pour le sauveur que pour le sauvé. Lui il sait qu'il est en vie, il est dans son radeau. Moi je sais pas. Je le vois dans son radeau, je me suis écarté, je suis revenu au point où je l’avais quitté et là y avait plus personne. C'était un peu... pas très confortable intellectuellement, on va dire".

Q: Comment avez-vous vécu ensuite le moment où Kevin Escoffier est reparti ?

R: "Techniquement c'est simple, crac il enfile sa combinaison de survie, il saute à l'eau, on a le bateau militaire qui est à côté. T'as les gars dans leur zodiac qui arrivent, puis ils se barrent et moi je me tire ! Après ça fait bizarre. Parce que tu t'habitues quand même, une semaine en double. Avant t'es en solo, t'es dans ton truc, après tu passes en double c'est différent. Et après paf! Tu jettes l'autre à l'eau et tu te rebarres".

Q: Est-ce le Vendée Globe le plus dur que vous vivez ?

R: "Ouais c’est possible. Si, c’est sûr. Vu les soucis, les retournements de situation. Et d’un autre côté à la descente (de l'Atlantique), c’est le plus extraordinaire. Après la grosse dépression dans l'hémisphère nord, j’étais devant Hugo Boss (le bateau d'Alex Thomson), j'étais premier au classement général. T'imagines, avec mon bateau ! Y a des histoires vraiment incroyables dans ce Vendée Globe".

Q: Arrivez-vous à vous accorder des petits plaisirs ?

R: "Pfiou... Là je sors de trois ou quatre heures de pétole dans de la mer avec pas de vent ! Tu deviens dingue ! Et puis le vent rentre, je marche à 12 noeuds t’imagine ! Je marchais à 2 noeuds y a 20 minutes. Forcément encore une fois c'est le contraste qui fait le plaisir. C’est un peu con, hein. Je sais pas si c’est con d'ailleurs. Je vais me faire un petit café, là tranquille, je vais régler mes voiles un peu mieux. Et je vais apprécier le fait d’avoir redémarré. Parce que c'était trop dur".

Q: Y-a-t-il des choses qui vous manquent ?

R: "J'ai à peu près tout ce qu'il faut, ce sont les gens qui me manquent. Maintenant c'est sûr que je tourne un peu en rond, le périmètre est assez restreint on va dire ! C'est vrai que des arbres, de la verdure, j'aime bien. Là c'est un peu carbone, blanc et noir, à l'image du Vendée Globe".

Propos recueillis par Sabine COLPART

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